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Thomas Lombard (Stade Français) : "Il n'y a pas de petits ou de grands objectifs, il y a seulement un objectif à atteindre"

Publié par Julien van der Feer le | Mis à jour le
Thomas Lombard (Stade Français) : 'Il n'y a pas de petits ou de grands objectifs, il y a seulement un objectif à atteindre'

De champion de rugby à DG du Stade Français. C'est le parcours de Thomas Lombard qui dirige cette institution de 150 collaborateurs. Son projet de développement repose sur plusieurs piliers, dont un projet RSE innovant.

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Le Stade Français est connu pour son aspect sportif, mais c'est aussi une très belle entreprise. Pouvez-vous nous la présenter ?

Le Stade Français, c'est 150 salariés, sportifs inclus. Nous disposons d'un budget légèrement inférieur à 40 millions d'euros. Sur la partie sportive, il y a une soixantaine de joueurs. Je compte à la fois les joueurs professionnels et les joueurs du centre de formation. En outre, nous avons des médecins, des intendants et des entraîneurs qui font fonctionner l'équipe au quotidien. Nous avons aussi une quarantaine de personnes qui travaillent dans la partie opérationnelle et administrative du club, comme la cellule billetterie, la cellule commerciale, la cellule marketing, ou encore la cellule opération.

Concrètement, quel est le rôle de vos commerciaux ?

La cellule commerciale vend des hospitalités. Il s'agit de billets avec des avantages pendant les matchs, comme de la nourriture ou des boissons. Cela se passe souvent dans les loges et les salons du Stade Français. L'équipe commerciale doit aussi vendre des événements, comme les séminaires d'entreprise. Il faut dire que nous pouvons recevoir de 10 à 700 personnes pour des événements BtoB. Enfin, il y a le sponsoring pour que nos partenaires soient visibles dans le stade, à la fois sur le maillot des joueurs et sur les bandeaux défilant.

Pouvez-vous nous donner quelques chiffres ?

Nous avons déjà 200 entreprises qui sont clientes ou partenaires du Stade Français. Certaines sont des clients qui viennent aux matchs et sont propriétaires d'une loge. D'autres ont des billets et de la visibilité dans le stade. Enfin, nous avons des entreprises comme Académia ou Justin Bridoux qui sont partenaires du club sur le maillot.

Vous êtes DG du Stade Français Paris depuis deux ans. Quels ont été vos plus gros chantiers ?

Il a fallu réaligner les gens et leur donner une vision assez clair de la stratégie sur les quatre prochaines années. À l'instar du sportif, nous avons écrit un plan de jeu qui concerne toutes les personnes opérationnelles du club.

Quelle est cette stratégie ?

Elle comporte trois piliers. Tout d'abord l'éducation des jeunes. Ensuite, il s'agit de rassembler nos fans. Nous avons constaté que les personnes se sont éloignées du Stade Français depuis quelques années. Elles ont toujours leurs écharpes et leurs bonnets mais elles les ont rangés dans leurs tiroirs. Il faut donc les faire ressortir en recréant une offre commerciale qui corresponde plus aux attentes de nos supporters. Enfin, le dernier pilier, c'est l'innovation.

Le club a beaucoup marqué le rugby par son côté transgressif et innovant...

C'est vrai que nous avons même eu, parfois, un côté subversif. Il y a des choses que nous savons très bien faire. Par exemple, des maillots qui sortent de l'ordinaire et une culture un peu différente de celle des autres clubs. Mais aujourd'hui, nous sommes aussi différents à travers notre projet qui comporte un volet RSE très fort. Notre innovation est ici puisque nous sommes le premier club de rugby à avoir un projet global labellisé par l'Afnor.

Quel est ce projet RSE ?

Nous avons signé un partenariat avec la Fondation GoodPlanet de Yann Arthus-Bertrand. Ainsi, nous avons organisé, le 10 octobre, le match pour la planète face à Clermont. Concrètement, nous avons fait une cleanwalk avec nos jeunes dans le Bois de Boulogne, entre la Fondation GoodPlanet et jusqu'au stade Jean Bouin. Le but : ramasser les déchets présents sur le sol. Ensuite, au niveau de la billetterie, les supporters ont pu faire un don à la fondation allant d'un à dix euros. Par ailleurs, en tant que centre de formation, nous éduquons les jeunes en leur apprenant les bonnes pratiques en termes de nutrition et d'écologie. Nous voulons qu'ils deviennent acteurs de leur environnement, au-delà de la simple performance sportive.

Le développement business dépend de vos résultats sportifs. Est-ce compliqué ?

C'est le fonctionnement historique du sponsoring mais je pense que ce modèle là est un peu suranné. De fait, même un patron passionné de rugby doit convaincre son comité de direction pour mettre le nom de son entreprise sur le maillot d'une équipe. Il faut donc engager les partenaires sur autre chose que la passion pour le sport. C'est pour cela qu'il faut un projet qui se décline de manière plus visible, à tous les niveaux de l'entreprise. Notre projet RSE permet justement d'aller dans ce sens et d'embarquer les entreprises.

Vous êtes un ancien joueur et champion de rugby. Quel impact sur votre métier de dirigeant ?

La compréhension qu'une équipe de rugby, comme une équipe de collaborateurs, c'est une agrégation de talents et de compétences. Il faut considérer et embarquer tout le monde autour d'un projet, et avoir un discours qui soit motivant. Il faut aussi, dans sa posture, avoir une forme de justesse et de loyauté. En clair, être capable de dire quand c'est bien et quand c'est moins bien. D'ailleurs, je fais toujours le parallèle entre la gestion d'une équipe de rugby, puisque cela a été mon quotidien pendant plus de dix ans, et la gestion d'une entreprise car les passerelles sont très étroites.

Vous avez connu la période où Max Guazzini était président du Stade Français. Qu'en gardez-vous ?

Un esprit d'innovation et d'irrévérence. Aujourd'hui, cela m'inspire encore, c'est aussi notre ADN ! Les personnes qui viennent au Stade Français, pour beaucoup, sont celles qui venaient à l'époque de Max Guazzini. Si elles continuent de se déplacer, c'est parce qu'elles retrouvent toujours une partie de cette époque dans ce que nous proposons, notamment la notion d'entertainment autour du match. C'est un point essentiel ici. Nous essayons aussi, au gré d'un sport qui a énormément changé en l'espace de 15 ans, de conserver ce passé. C'est important de considérer le passé pour écrire l'avenir. Notre club a presque 140 ans d'existence, ce serait une hérésie de ne pas s'en servir et de ne pas l'utiliser comme un socle fort de valeurs et d'inspiration pour les joueurs qui nous rejoignent.

Vous avez pris vos fonctions juste avant la crise de la Covid-19. Comment avez-vous vécu cette période ?

En mars 2020, nous avons dû fermer la boutique et rester chez nous. Cette période a été très difficile, notamment car nous étions dans une situation peu confortable sportivement. Mais cela a eu le mérite de nous faire travailler sur notre projet de développement, notamment notre projet RSE. De plus, beaucoup de personnes se sont rappelé que c'est un privilège de venir travailler ici. Quand vous venez tous les jours dans un stade sublime, c'est euphorisant les trois premiers jours mais, très vite, vous n'y pensez plus. C'est un peu comme passer devant la mer quand vous habitez dans le Sud de la France. Nos collaborateurs ont repris conscience de tout cela.

En tant que manager, quelles sont les qualités que vous recherchez dans vos équipes ?

La première, c'est la capacité à travailler avec les autres. C'est essentiel et c'est d'ailleurs ce que le sport nous apprend. Ici, il faut savoir et vouloir travailler en équipe. Ensuite, c'est l'amour du maillot. Travailler pour le Stade Français, c'est un privilège, que vous soyez joueur ou salarié. Il faut être fier de ses couleurs. Enfin, il faut avoir un peu de temps supplémentaire à consacrer à son travail.

Pourquoi ?

Les grandes équipes sont celles qui respectent les systèmes de jeu et les horaires d'entrainement, mais qui en font un peu plus que les autres sur le terrain. Pas parce qu'on vous le demande, mais parce que vous savez qu'en faisant un petit peu plus, 5 ou 10 minutes, vous serez meilleur. C'est aussi important que la personne soit capable de veiller sur les autres, de donner un coup de main à un collègue qui croule sous le travail. Tout cela paraît évident mais ce n'est pas toujours ce qu'il se passe en entreprise. Il y a beaucoup de plaisir à venir travailler ici, mais le plaisir, ça se mérite.

Les sportifs de haut niveau apprennent naturellement à gagner mais aussi à perdre. Diriger une entreprise, c'est aussi devoir faire face à des échecs. Est-ce que, là aussi, votre passé de champion vous sert ?

Quand vous avez connu le sport de haut niveau, vous avez forcément appris l'humilité et la remise en question hebdomadaire. Ce n'est pas comme dans une entreprise classique où vous avez des objectifs trimestriels et un bilan annuel. Nous, nous devons gagner toutes les semaines. Nous apprenons à gérer la pression inhérente à nos performances mais, surtout, à nos contre-performances. La victoire amène une forme de sérénité qui est dangereuse. C'est quand vous gagnez que vous êtes vulnérable. Quand vous perdez, vous ne pouvez que faire mieux.

Comment motivez-vous vos collaborateurs pour qu'ils atteignent leurs objectifs ?

L'équipe de France vient de battre la Nouvelle-Zélande, une équipe qui a l'habitude de gagner et qui est la meilleure équipe du monde depuis 50 ans. Comme quoi, il y a des outils de performance. Ma carrière m'a démontré qu'il n'y a pas de petits ou de grands objectifs. Il y a seulement un objectif à atteindre. Il faut être patient, résilient et très opiniâtre.

Quel manager êtes-vous ?

J'ai des personnes sur lesquels je m'appuie, qui sont des spécialistes dans leur domaine respectif. Je suis simplement là pour vérifier que nous avançons dans la bonne direction. C'est finalement beaucoup de management quotidien. C'est comme une équipe. Un bon entraineur, c'est celui qui aime ses joueurs, qui les écoute et qui va les suivre dans leur évolution. De même, l'entreprise qui réussit, c'est celle dans laquelle vous avez réussi à construire un modèle plus puissant que celui du salarié.

Il y a 20 ans, vous étiez joueur pour le Stade Français. Aujourd'hui, vous en êtes le DG. Si on vous avait dit cela à l'époque, qu'auriez-vous pensé ?

Il n'y avait pas de DG à l'époque ! (rire) Je ne l'aurais probablement pas imaginé un seul instant. En revanche, ce que j'ai toujours eu à l'esprit, c'est que j'étais redevable à ce club dans ma construction d'homme, dans la manière d'évoluer, de comprendre et d'exister. Max Guazzini a beaucoup compté et a influé sur le cours de ma vie. C'est aussi ça le sport. C'est bien de recevoir mais il faut aussi savoir donner. J'ai aujourd'hui l'opportunité d'essayer de rendre. C'est très difficile comme métier car il y a une grande pression mais c'est un travail très exaltant.


Dates clés

Juin 1997 : signature au Stade Français Paris où il gagnera quatre titres de champion de France.

2004-2007 : rejoint l'équipe Worcester dans le championnat anglais, il y passera trois saisons.

2019 : retour au Stade Français Paris en tant que Directeur Général

2020 : Lancement du projet du Stade Français Paris

 
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