Léa Fleury (Ordalie) : « On ne remplace pas les juristes, on les rend plus efficaces »

Co-fondatrice d'Ordalie, Léa Fleury incarne cette nouvelle génération d'entrepreneuses qui marient expertise sectorielle et disruption technologique. Juriste de formation passée par l'ESSEC, elle a choisi l'intelligence artificielle pour repenser l'accès au droit dans l'entreprise.
Je m'abonneAvec Ordalie, sa start-up spécialisée dans l'intelligence artificielle juridique, Léa Fleury veut transformer un goulot d'étranglement en avantage stratégique : redonner du souffle aux directions juridiques, tout en rendant le droit lisible et accessible aux opérationnels. Une promesse qui séduit investisseurs et entreprises : en moins d'un an, elle a levé 1,8 million d'euros. Et ce n'est qu'un début.
Repenser l'accès au droit, au-delà du juridique
Juriste de formation passée par l'ESSEC, Léa Fleury a d'abord exercé en cabinet avant d'opérer un virage inattendu : celui de la tech. « En devenant data analyst, j'ai découvert à quel point la technologie pouvait servir les enjeux juridiques. » Cette hybridation métier-tech est devenue l'ADN d'Ordalie. « On veut répondre à un double besoin : désengorger les directions juridiques, souvent saturées, et permettre aux fonctions opérationnelles - RH, finance, compliance - d'accéder à une information fiable, contextualisée et actionnable. »
L'outil développé par Ordalie combine IA analytique et générative, avec un moteur sémantique propriétaire. Résultat : automatisation de la recherche documentaire, structuration, synthèse et même rédaction de contenus juridiques. Une approche qui change la donne.
« On ne remplace pas les juristes : on les rend plus efficaces. »
Une levée de fonds pour renforcer la puissance de frappe
En mai 2024, moins d'un an après son lancement, Ordalie annonce une levée de 1,8 million d'euros. Objectif : accélérer. « On investit massivement dans notre équipe tech. Un ancien ingénieur d'Apple et un développeur full stack passé par Qonto nous ont rejoints. On veut renforcer nos modèles, entraîner des IA plus robustes sur des corpus juridiques encore plus denses. » Mais aussi structurer la stratégie commerciale et s'ouvrir à l'international. « Aujourd'hui, on adresse principalement le marché français. Demain, ce sera l'Europe. ». L'ambition est claire : industrialiser l'expertise juridique sans la déshumaniser. « Ce que l'on fait, c'est augmenter la capacité des équipes à traiter des dossiers complexes, sans en brader l'analyse. »
Fiabilité, souveraineté, traçabilité
Face aux risques d'hallucinations des IA génératives, Ordalie mise sur une rigueur méthodologique. « Nous avons conçu des workflows spécialisés, avec des chaînes d'agents IA calibrés pour chaque cas d'usage. Cela permet de stabiliser les réponses. » Chaque résultat est sourcé, chaque référence vérifiable. Et l'hébergement est 100 % français. « Nos modèles ne sont jamais réentraînés sur les données des clients. La confidentialité est non négociable. »
Des juristes libérés, des opérationnels autonomisés
« Le droit irrigue toute l'entreprise, pas seulement les juristes. » C'est là qu'Ordalie innove. En permettant aux directions RH ou financières, par exemple, de produire elles-mêmes des notes fiables, de préparer des audits ou d'anticiper des contentieux, la plateforme rend les entreprises plus autonomes. « On outille les juristes pour qu'ils deviennent stratèges, et on équipe les autres fonctions pour qu'elles soient mieux armées. »
Soutenue par un écosystème engagé pour les femmes de la tech
Dans ce parcours exigeant, Léa Fleury a pu s'appuyer sur le soutien de la JFD (Join Forces & Dare), réseau qui accompagne et valorise les femmes entrepreneures du numérique. « Être accompagnée par la JFD m'a permis de rencontrer d'autres fondatrices, de bénéficier d'une visibilité précieuse, et surtout de croire davantage en ma légitimité. » Dans un univers encore très masculin, cette dynamique d'entraide a compté. « Je ne cherche pas à rentrer dans les cases. J'essaie plutôt d'en créer de nouvelles. »