La recette romaine. Ou le marketing, résumé en sept mots

Qu'ont en commun les campagnes publicitaires percutantes, les séries télévisées à succès, les plus grands films du cinéma, les combats de gladiateurs et les scandales politiques ? Ce sont tous des récits qui fascinent et se vendent extrêmement bien. Pourquoi ? Parce qu'ils activent la Recette Romaine. Ce cocktail explosif a traversé les âges et continue d'alimenter notre curiosité et nos émotions les plus profondes. Les plus grands réalisateurs comme Spielberg ou Cameron l'ont bien intégré, tout comme les paparazzis et les marques de lingerie. Que serait la série des experts sans son équilibre parfait entre intrigue, sang, sexe et jeux ? Bon, ok, probablement son remake sur TF1 ! (et hop, une balle perdue 😂)

Les mêmes mécanismes expliquent pourquoi Voici et Gala se vendent si bien, ou pourquoi les conversations à la machine à café tournent souvent autour des scandales et des ruptures de célébrités plutôt que du dernier ouvrage de management stratégique ou de Questions pour un champion de la vente (oui, je vous vois les deux du fond !). Instinctivement, notre attention est captée par ce qui provoque une réaction émotionnelle forte. Et dans votre business ? Plus votre communication intégrera ces ingrédients, plus elle marquera les esprits et générera de l'engagement. Car la séduction et la vente obéissent aux mêmes lois : captiver, intriguer, provoquer une émotion. J'ai toujours résumé le marketing en sept mots : intrigue, sang, sexe, scandale et jeux, bébés et animaux. Comment pouvez-vous saupoudrer un peu de Recette Romaine dans votre stratégie ? C'est ce que nous allons voir maintenant.

L'intrigue : attiser la curiosité et initier l'engagement

L'intrigue est un levier redoutable qui capte l'attention et stimule l'engagement en jouant sur nos mécanismes cognitifs les plus profonds. Notre cerveau, programmé pour combler les vides et résoudre les mystères, est irrésistiblement attiré par l'inconnu. Ce phénomène repose sur plusieurs biais cognitifs puissants. Le besoin de fermeture cognitive nous pousse à structurer et compléter une information floue ou incomplète pour réduire notre inconfort mental. Le biais de complétion narrative explique pourquoi, lorsqu'une histoire commence, nous avons un besoin presque compulsif qu'elle se termine, d'où notre addiction aux séries, romans et sagas cinématographiques. Enfin, l'effet de curiosité (ou effet d'inaccessibilité) fait qu'une information difficile d'accès devient encore plus désirable.

Dans le marketing et la publicité, ces principes sont savamment exploités. Une bande-annonce de film ne dévoile que des fragments pour susciter l'anticipation. Une marque de luxe cultive le secret autour de ses produits pour alimenter la fascination. Une campagne publicitaire distille ses messages progressivement, jouant sur l'attente et le mystère. Des exemples marquants illustrent cette stratégie : la campagne « Re » pour Bref 2, qui a attisé la curiosité avec un teaser minimaliste, ou encore Apple, maître du teasing avec ses keynotes énigmatiques. Ceux qui maîtrisent l'art de l'intrigue captivent leur audience et influencent subtilement leurs décisions.

Le sang : la tension et le conflit captivent

Le conflit et la rivalité captivent naturellement notre attention. Ancrée dans notre psychologie évolutionnaire, cette fascination repose sur des mécanismes de survie : face à un danger ou une confrontation, notre cerveau réagit par une vigilance accrue et une forte charge émotionnelle (peur, colère, excitation). Les marques et médias exploitent habilement cette réactivité pour capter l'attention et inciter à l'action. En cultivant l'urgence, la compétition ou la crise, ils stimulent des décisions souvent impulsives. Le duel, la victoire et l'adversité deviennent alors des outils puissants pour influencer le consommateur. Ainsi, des campagnes associent leurs produits à des récits de succès face à l'adversité, suggérant qu'acheter signifie gagner en statut ou appartenir aux « vainqueurs ». Cette approche s'appuie sur la comparaison sociale et le besoin de conformité : dans un contexte de rivalité, les consommateurs cherchent à s'aligner sur ce qui est valorisé.

Le sexe : séduire l'oeil et susciter le désir

Le concept de "sexy" va bien au-delà de la sensualité : il englobe tout ce qui attire le regard et stimule le désir. Cette attirance repose sur un mécanisme fondamental du cerveau : l'activation de la dopamine, qui renforce notre plaisir et notre anticipation de récompense. Ce processus, profondément ancré dans nos instincts, influence inconsciemment nos décisions et comportements, y compris en matière de consommation. Les stratégies marketing exploitent cette dynamique en rendant un produit désirable, souvent en l'associant à une amélioration du statut social ou de l'image de soi.

Néanmoins, il est crucial de différencier une approche « sexy » efficace, comme celle généralement utilisée pour les marques de parfum, d'un usage totalement sexiste, qui peut conduire à un rejet du public. L'efficacité de ce levier ne réside pas seulement dans l'univers de la mode ou du luxe : il fonctionne d'autant mieux lorsqu'il s'applique à des produits inattendus, créant un effet de surprise puissant. Si je devais réfléchir à un projet de publicité pour une société qui vend notamment des extincteurs, mon argumentaire soulignerait qu'une publicité classique passerait inaperçue. Mais en l'associant à l'image d'un pompier torse nu, chemise légèrement ouverte laissant entrevoir ses abdos saillants et avec un slogan accrocheur, l'impact serait bien plus fort. En bref, cette incongruité capte l'attention et suscite une émotion, mais doit être utilisée avec finesse pour éviter la lassitude. Apple mise sur l'élégance et l'expérience sensorielle pour séduire, tandis que des marques comme Dolce & Gabbana ou Yves Saint Laurent vendent un idéal à travers l'attraction visuelle et l'interdit. Ce levier psychologique, bien dosé, transforme un produit en objet de désir.

Le scandale : faire parler à tout prix

Le scandale est un levier marketing puissant qui joue sur notre fascination pour l'interdit et la confrontation des valeurs. Il exploite la preuve sociale et le besoin d'appartenance, amplifiant le buzz grâce aux réactions émotionnelles qu'il suscite. Lorsqu'un principe fondamental est attaqué, il crée un déséquilibre psychologique qui pousse les individus à s'exprimer et à partager leur indignation, renforçant ainsi la viralité du message. Dans l'univers numérique, cette mécanique s'accélère : plus le scandale choque, plus il attire l'attention et devient un outil efficace pour engager le public. L'accroche joue ici un rôle clé en stimulant la curiosité et en promettant une gratification immédiate. Cependant, un scandale doit avoir un fondement réel pour éviter le piège du « clickbait » et préserver la crédibilité à long terme.

Le jeu : engager par l'interactivité

Le jeu, qu'il soit ancien comme les Jeux Olympiques ou moderne comme les jeux d'argent et vidéo, active notre système de récompense et stimule l'engagement. Il exploite des biais cognitifs comme l'espoir et l'optimisme, créant l'illusion d'un gain potentiel qui incite à rejouer. Ce mécanisme repose sur la dopamine, favorisant une addiction aux récompenses intermittentes et renforçant l'implication des joueurs. En psychologie de l'acheteur, le jeu exploite la peur de manquer une opportunité (FOMO) que j'exècre au vu de ses conséquences délétères (Mon article sur ActionCo.fr : https://tinyurl.com/37jddm2z), mais qui reste un puissant moteur d'action. Les offres limitées, challenges temporaires et classements créent un sentiment d'urgence qui pousse à l'achat. Le biais d'engagement joue aussi un rôle clé : plus un individu investit de temps ou d'efforts dans un jeu, plus il sera enclin à poursuivre pour "rentabiliser" son engagement (effet de coût irrécupérable).

Au-delà du simple divertissement, le jeu valorise effort et dépassement de soi. Il façonne notre perception en nourrissant des motivations intrinsèques (défi personnel) et extrinsèques (reconnaissance sociale). Dans un contexte collectif, il renforce l'attachement émotionnel et l'engagement, créant un sentiment d'appartenance. Canal+ illustre parfaitement l'exploitation du jeu et de l'humour en marketing. En surprenant le public et en brisant ses attentes, la marque joue sur la dissonance cognitive pour capter l'attention et maximiser l'impact. D'autres exemples incluent le Monopoly de McDonald's, qui exploite la collection et la rareté, la gamification de Nike Run Club, où l'effort devient un jeu gratifiant, ou encore Fortnite et ses événements immersifs qui renforcent l'engagement par la dynamique sociale et la compétition.

Les bébés et les animaux : l'attachement universel

L'utilisation de bébés et d'animaux dans la publicité exploite des biais cognitifs puissants, ancrés dans nos instincts de survie et d'empathie. Ces images provoquent une réponse émotionnelle immédiate, principalement via l'empathie, qui incite à la bienveillance et la protection. Le cerveau humain est naturellement programmé pour réagir positivement aux êtres vulnérables, ce qui active un désir instinctif de les protéger. Ce mécanisme psychologique est renforcé par le biais de la compassion, qui nous pousse à accorder une attention particulière à ces figures, créant ainsi une association positive avec la marque qui les utilise. Les biais de l'innocence et de la simplicité jouent également un rôle crucial. Les bébés et les animaux symbolisent la pureté et l'innocence, générant une image de sincérité qui renforce la confiance envers la marque. De plus, leur présence réduit la charge cognitive du consommateur, rendant la prise de décision plus facile et rassurante.

Les campagnes publicitaires qui utilisent ces images, comme celles d'Evian avec le « baby effect », capitalisent sur cette connexion émotionnelle instantanée pour renforcer l'attachement des consommateurs. D'autres marques, telles qu'Amazon, exploitent également les animaux de compagnie pour susciter des émotions positives. En revanche, bien que la SPA suscite une forte réaction émotionnelle par les images d'animaux en détresse, son utilisation de la culpabilité, au lieu de la responsabilité, limite l'efficacité de ses campagnes. Ces stratégies montrent comment l'exploitation des émotions et des biais cognitifs peut renforcer l'engagement, la fidélité et la recommandation de marque.

La fusion de ces leviers pour un impact maximal

Les campagnes marketing les plus percutantes utilisent des leviers psychologiques puissants pour maximiser leur impact. Ces stratégies vont bien au-delà de la simple vente, cherchant à créer des expériences mémorables et à renforcer une connexion émotionnelle avec le public cible. Dans un contexte où l'attention des consommateurs est saturée, capter cette attention et susciter une réponse émotionnelle devient un art stratégique. Le Super Bowl incarne cet art du marketing. Chaque année, cet événement attire des millions de téléspectateurs et des publicités innovantes. Les marques qui investissent dans ces publicités ne cherchent pas simplement à promouvoir un produit, mais à créer une émotion. Elles intègrent des éléments tels que l'humour, l'émotion et l'intrigue pour provoquer une réaction immédiate et marquer les esprits. Ce capital émotionnel engendre non seulement de la visibilité, mais aussi de la fidélité envers la marque.

Les marques réussissent ainsi à créer une connexion authentique, renforçant la fidélité et créant des ambassadeurs de leur produit. Elles vont au-delà de la vente en intégrant des leviers comme l'humour et l'émotion pour créer un univers immersif autour de leur offre. Cela leur permet de se différencier et de capter l'attention dans un marché saturé. Voici quelques leviers pour faire exploser votre projet entrepreneurial :

1. Trouvez une histoire émotive : partagez une expérience personnelle ou un défi surmonté avec votre marque pour engager émotionnellement votre public.
2. Créez de l'intrigue : attisez la curiosité avec une part de mystère pour susciter l'intérêt de vos consommateurs.
3. Utilisez un scandale maîtrisé : un message décalé peut attirer l'attention s'il est en phase avec les valeurs de votre marque.
4. Exploitez l'humour : un humour bien dosé peut rendre votre marque plus humaine et accessible.
5. Valorisez le visuel : des images puissantes et esthétiques captent l'attention et véhiculent une émotion.
6. Soignez l'expérience client : chaque interaction avec votre marque doit renforcer le lien émotionnel avec vos clients.

En combinant ces leviers de la recette romaine, vous pouvez non seulement capter l'attention, mais aussi construire une relation durable et mémorable avec votre audience.

Hello je m'appelle Guillermo Di Bisotto et je suis l'auteur de "C'est où qu'on signe ? L'art de traiter les objections" et de "Questions pour un champion de LA vente". Mon dernier livre a remporté le prix du coup de coeur de l'IDRAC Business School et c'est un honneur que ce livre ait été plébiscité par ses étudiants. J'espère donc de tout coeur, en ayant écrit cet article, vous avoir donné envie de vous le procurer 😊(et surtout de le lire à votre tour)