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[Dossier] Scale-up : les secrets de leur réussite

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[Dossier] Scale-up : les secrets de leur réussite

Réaliser plusieurs millions d'euros de chiffre d'affaires et dépasser la centaine de collaborateurs en à peine quelques années (voire parfois quelques mois), cela a de quoi être bouleversant. Comment diriger son entreprise quand elle devient une scale-up ? Éléments de réponses.

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« Je suis en perpétuelle levée de fonds » . Cette phrase est celle d'Aurélien de Meaux, CEO d'Electra. L'entreprise déploie des hubs de recharge pour véhicules électriques dans les grandes agglomérations françaises. Créée en 2021, elle compte aujourd'hui 130 collaborateurs. Elle a levé 15 millions d'euros l'année de son lancement puis 160 millions en 2022. Electra est une scale-up, une entreprise en hypercroissance. Autour de son dirigeant, des homologues abondent : oui, le nerf de la guerre reste l'argent. « La question qui demeure : ce que je vais lever me permettra-t-il vraiment d'accélérer ? Les conditions sont dures sur la dilution en cas de non atteinte de multiples très forts. Si nous n'avons pas une idée précise de sur quoi nous accélérerons, il est difficile de remplir les objectifs et de sortir de la valeur pour tout le monde » , affirme de son côté Racem Flazi, dirigeant de Legalplace, spécialisée dans l'accompagnement juridique. En tout, ils sont douze à débattre du sujet et de leurs besoins en tant que dirigeants de scale-up. Réunis début avril dans les locaux de Netmedia Group à Boulogne-Billancourt, dans le cadre du club Emergence, ils partagent leur vécu et leur point de vue. Une voix diffère dans ce tour de table : il s'agit de celle de Betty Seroussi, fondatrice de My Travel Planet. D'une part parce qu'elle est féminine, ensuite parce qu'elle affirme : « Nous avons choisi de ne pas faire de levée de fonds, mais de solliciter des factors pour mieux gérer notre BFR ». Même si la dirigeante convient qu'elle devra peut-être un jour ouvrir son capital, sa démarche s'avère plutôt judicieuse alors que les levées de fonds ont chuté en 2022, notamment aux États-Unis et en Chine. Un signe avant-coureur d'une dégringolade similaire en Europe ? « Avant, comme le capital était gratuit et ne coûtait pas cher, c'était un vrai instrument de puissance, commente Maïlys Ferrere, directrice Pole Investissement Large Venture chez Bpifrance. Aujourd'hui, l'argent est significativement plus cher et les grosses levées sont plus difficiles. Cela se traduit d'ailleurs dans le rythme des levées » Même si la France résiste, d'après le dernier baromètre EY publié en janvier, la progression sur un an est modeste par rapport au rythme observé ces dernières années : 17 % contre... 115 % entre 2020 et 2021.

Renvoyer la bonne image

Des levées de fonds parfois en demi-teinte, certes, mais il faut aussi toujours garder en tête le tour de table suivant. « Souvent, en série A, nous ne sommes pas connus, c'est donc assez difficile. En série B, nous avons déjà levé des fonds. S'ils croient en nous, les investisseurs sont à nouveau présents. C'est un bon signal. D'autant plus qu'ils peuvent nous introduire auprès d'autres fonds » , commente Michaël Ormancey, CEO de Foodles. Spécialisée dans la restauration d'entreprise, la scale-up a levé 9 millions d'euros en 2019, puis 15 millions en 2021. Pour elle comme pour les autres, la relation avec les investisseurs est clé. « Les investisseurs doivent être capables d'accompagner l'entrepreneur sur le tour d'après. C'est important de s'assurer que l'investisseur, si c'est un modèle capitalistique, ait la poche suffisamment profonde pour soutenir dans la continuité cette société » , confirme Maïlys Ferrere. Et comme toute relation qui s'inscrit dans le temps, il est aussi primordial d'accorder ses points de vue. « L'une des premières règles : il ne faut pas de cicatrices qui pèseraient sur les relations futures. Car il y aura toujours des moments clivants par la suite. Ensuite, avec mes associés, nous nous sommes toujours dit qu'après une levée de fonds, il faut faire ses preuves, comme les 100 jours du président de la République. Il faut être bon élève et montrer comment nous voulons coconstruire avec nos investisseurs, pour développer une bonne relation de travail » , partage Aurélien de Meaux d'Electra. Quant à Jules Veyrat, CEO du spécialiste de la cybersécurité Stoik, il évoque même une urgence à investir comme preuve de confiance : « Il s'agit de nous convaincre que les fonds ont besoin de nous autant que nous avons besoin d'eux. L'image que nous renvoyons est importante. C'est pour cela que je donne des délais très serrés de "terms shit", soit deux semaines. Ceux qui partent, c'est qu'ils n'avaient pas de conviction sur mon modèle. Cela force à aller vite, à avancer. » Toutefois, pour séduire un investisseur, être une entreprise en hypercroissance ne suffit pas. Un investisseur se forge une opinion sur l'entreprise et notamment sur l'équipe de management : cette dernière sera-t-elle capable de mener son projet à bien ? Est-ce que la valorisation à laquelle elle peut avoir accès permet d'imaginer un retour sur investissement ? « L'un des premiers éléments qu'observent les investisseurs est : "y a-t-il un marché ?". Ensuite, ce marché est-il suffisamment important pour que la société puisse se développer et être une championne sur son marché ? » , soulève Maïlys Ferrere de Bpifrance.

Trouver son marché

C'est pourquoi, être une scale-up suppose aussi d'avoir des ambitions à l'international. Les fonds en sont friands. « Cela fait partie des key words à prononcer » , assure Aurélien de Meaux d'Electra. Cette dernière a fait le choix d'être présente en Belgique et en Italie, et bientôt en Suisse et Espagne. Pour assurer ce développement, le CEO souhaite engager des collaborateurs-clés, qui possèdent une culture locale et occupent un poste à responsabilités dans l'entreprise. Ils font d'ailleurs partie du comex. « Je veux les voir, les entendre et qu'ils me fassent remonter tout ce qu'il se passe dans leur pays. Cela doit se faire en direct, sans passer par un chief international » , insiste Aurélien de Meaux. Cette démarche est également celle adoptée par Sewan. L'entreprise, qui compte désormais 700 collaborateurs à travers l'Europe, a racheté une filiale en Belgique et une en Allemagne. Elle s'apprête à renouveler l'opération aux Pays-Bas. Et elle vise les États-Unis. « Comme tout entrepreneur, je rêve de marché américain, affirme son CEO, Alexis de Goriainoff. Mais je sais aussi que c'est un marché-cimetière rempli d'entreprises françaises. Pour nous faire la main sur un marché anglo-saxon, peut-être que nous développerons d'abord le Royaume-Uni. » Revient ainsi la question de la pertinence du marché.

Raisonnable et ambitieux

De l'international, certes, mais à condition qu'il soit profitable à la scale-up. S'éparpiller peut être un danger, selon Albert Szulman, fondateur du cabinet Scale-up Booster. « La vraie première question que doit se poser un dirigeant de scale-up concerne ce que les Américains appellent les low hanging fruits, soit les fruits qui sont en bas de l'arbre, qui sont sur le point de tomber. Où se trouvent-ils ? Peu importe que ce soit en France, en Allemagne ou aux États-Unis. L'essentiel est de savoir où est le marché qui permettra de grandir le plus vite possible et à moindres frais » , développe-t-il. Le problème d'après lui ? L'ambition des entrepreneurs parfois freinée par leurs partenaires. « Tout le système pousse les entrepreneurs à être raisonnables, argue-t-il. Mais quand on est entrepreneur, il faut être à la fois mesuré et très ambitieux. La France est l'un des pays les plus innovants au monde, à l'origine de nombreuses technologies et solutions. Cela devrait être un terreau fantastique pour nous permettre de développer des licornes dans plein de domaines ! Mais cela ne l'est pas, même si cela progresse... C'est une question de mindset. » Et l'expert d'avancer la problématique de "scaling des compétences des fondateurs", notamment en termes de ressources humaines. « Certains fondateurs sont doués pour créer une entreprise, embaucher 10, 20 ou 30 salariés mais pas au-delà. À un moment, ils délégueront cette tâche et ne connaîtront peut-être même plus une partie de leurs collaborateurs. C'est un changement de compétence qui est quand même très fort car il faut arriver à évoluer en même temps que son entreprise, à se scaler en même temps que sa start-up » , explique-t-il. Et c'est d'ailleurs le frein qu'a rencontré Racem Flazi de Legalplace. Le CEO convient que l'interlocuteur-clé est désormais le manager intermédiaire. C'est pourquoi son entreprise s'est attelée à former ses managers. « C'est un kit prêt à utiliser, qui reprend aussi les valeurs de l'entreprise. Ainsi, les managers sont plus sereins face à une situation nouvelle. J'ai été formé moi-même : j'ai vu à quel point j'étais très loin ! » Humilité également pour le patron de Stoik qui a connu des difficultés pour attirer ses premiers collaborateurs. « Quand on est petit, on est peu connu, partage Jules Veyrat. Or, j'avais besoin de profils très tech. Je n'apprécie pas les réseaux sociaux, mais je me suis fait coacher pour mieux utiliser LinkedIn et ainsi être davantage présent sur ce réseau professionnel. Par la suite, j'ai créé un concours interne auprès de mon équipe sur celui qui sera le meilleur utilisateur de LinkedIn. Cela a permis de promouvoir autrement l'entreprise et d'attirer les profils les plus forts. »

Défendre ses valeurs

Car là aussi, en matière de séduction des nouvelles recrues, être une scale-up ne suffit pas. « Le mot "scale-up", c'est toujours attirant, mais dans le climat actuel, les candidats recherchent aussi la sécurité de l'emploi. Ils veulent des entreprises rentables, surtout après le bashing des levées de fonds, commente Alexandre Scheck, spécialiste du recrutement au cabinet Le Bureau des Talents. Les scale-up, elles, recherchent des profils parfois en pénurie et que tout le monde s'arrache. Il leur arrive même de chercher le mouton à cinq pattes : un profil avec telle compétence et surtout où l'aspect humain, le "fit culture" est fort. » L'hypercroissance, c'est aussi celle des effectifs. Ces entreprises passent souvent de 1 à 100 collaborateurs en à peine quelques mois. Pour s'assurer que chacun se sente impliqué, il faut en effet nourrir la culture d'entreprise. Et cela passe par des valeurs communes à transmettre. « Ce que veulent les patrons, c'est conserver une ambiance familiale, propre à leurs débuts de start-up. Sauf que ce n'est pas facile. C'est pourquoi il faut s'assurer d'avoir des salariés qui veulent s'intégrer et qui recherchent, au-delà d'un poste, un sentiment d'appartenance à une mission, à une vision » , poursuit Alexandre Scheck. « Je pense que les candidats viennent avant tout pour notre culture d'entreprise. Quand nous engageons une nouvelle recrue, elle doit adhérer au projet de l'entreprise et à toutes ses valeurs. D'ailleurs, c'est pourquoi nous facilitons la cooptation » , confirme Félix Bonduelle, CEO de Javelot, entreprise qui veut optimiser la gestion des céréales et qui emploie 40 collaborateurs. Alors si toutes soignent le management intermédiaire et incarnent leurs valeurs, d'autres vont jusqu'à mettre en place des initiatives pour faire la différence. Ainsi, chez l'éditeur de solutions RH Lucca, les commerciaux ont un salaire fixe, comme tous les autres collaborateurs. « L'absence de variable permet un traitement des salaires plus équitable. Cela fait parler dans les médias. Les candidats le retiennent » , avoue le directeur général Damien Grandemenge. Parce que dans le monde des scale-up, il n'y a pas que les levées de fonds.

 
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