Vrai/Faux : les droits de vos salariés pendant le coronavirus
Depuis le début de la crise sanitaire, une série d'annonces du Président, relayées par le gouvernement, et un foisonnement de nouvelles mesures ont fortement impacté le droit du travail. Voici un vrai/faux sur les droits et devoirs des entreprises vis-à-vis des salariés.
Je m'abonneLa Loi du 23 mars 2020 rédigée en urgence par le gouvernement pour faire face à l'épidémie de COVID-19, puis les ordonnances du 25 mars, du 27 mars et du 2 avril 2020 ont suscité beaucoup d'incertitudes et de croyances notamment en matière de gestion RH des entreprises : congés payés, RTT, chômage partiel, arrêt maladie, gestion des représentants du personnel... Que peut faire ou ne pas faire l'entreprise vis-à-vis de ses salariés ? Voici de quoi démêler le vrai du faux.
1. Il est possible d'imposer aux salariés de prendre des RTT et des congés payés
VRAI : je peux imposer à mes salariés de prendre des RTT, sans accord, dans la limite de 10 jours ouvrables et avec un délai de prévenance d'un jour franc. Je peux également leur imposer la prise de congés payés mais dans la limite de 6 jours ouvrables et en respectant 1 jour minimum de prévenance, à la condition qu'un accord collectif d'entreprises, ou à défaut, de branche le prévoit.
2. Si l'entreprise est fermée et tous les salariés en activité partielle globale, il faudra verser 100% du salaire aux salariés
FAUX. Il faut verser aux salariés 70% de leur salaire brut, soit 84% de leur salaire net, sauf si cela conduit à leur verser un salaire inférieur au SMIC, dans la limite de 35 heures. L'entreprise sera par la suite remboursée à 100% par le versement d'une allocation d'activité partielle dans la limite de 4,5 fois le SMIC.
3. J'ai fait une demande d'activité partielle sur le site dédié il y a 2 semaines. Il faut attendre le retour de la DIRECCTE avant de mettre les salariés en activité partielle
FAUX : Le décret du 25 mars 2020 permet de mettre, immédiatement, les salariés en activité partielle puis de demander l'autorisation à la DIRECCTE dans un délai de 30 jours, qui accepte dans un délai de 48H à compter de la demande. Sans retour de sa part dans un délai de 48H, le silence vaut acceptation.
4. Il est autorisé de demander aux salariés de travailler alors qu'ils sont en activité partielle totale
FAUX. C'est uniquement possible si l'activité partielle se matérialise par une réduction de la durée hebdomadaire du travail.
Le risque est de devoir rembourser intégralement les sommes perçues au titre du chômage partiel, d'être puni d'une interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, d'aides publiques en matière d'emploi ou de formation professionnelle ainsi que de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
5. Impossible de placer les cadres soumis à un forfait jours en activité partielle
FAUX. C'est possible, que l'activité partielle soit totale ou avec réduction d'horaire, y compris pour les cadres au forfait jours, depuis le décret du 25 mars 2020.
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6. Certains salariés ont une durée contractuelle de travail de 39h. Il faut leur verser 70% du brut de leur salaire sur la base de leur salaire habituel, comprenant les heures supplémentaires.
FAUX. Il faut verser 70% de leur salaire calculé uniquement sur 35 heures hebdomadaires. Les heures supplémentaires ne pouvant être effectués ne peuvent donner lieu au versement d'une allocation d'activité partielle.
7. Il est possible d'imposer le chômage partiel à un salarié protégé
VRAI. Depuis l'ordonnance n°2020-346 du 27 mars 2020, l'activité partielle s'impose aussi au salarié protégé.
8. Les salariés continuent d'acquérir des congés payés pendant le chômage partiel
VRAI. L'article R 5122-11 du Code du travail précise que la totalité des heures chômées est prise en compte pour le calcul de l'acquisition des droits à congés payés.
9. Un salarié est en arrêt maladie non professionnel, autre que pour garde d'enfant ou personne vulnérable. Je peux le mettre en activité partielle malgré tout.
FAUX. En cas de maladie, le salarié ne peut cumuler les allocations d'activité partielle avec les indemnités journalières de sécurité sociale. Il bénéficiera seulement de ces dernières.
Il faudra attendre la fin de son arrêt maladie pour le mettre en activité partielle. Toutefois, sa rémunération ne sera pas supérieure à l'indemnité d'activité partielle.
10. Il est possible de mettre un apprenti en activité partielle. Il faut comptabiliser ses heures de cours en effectuant la démarche
VRAI. Il convient d'intégrer l'ensemble des jours, y compris ceux normalement passés en cours, puisque la rémunération habituelle de l'apprenti comprend également les heures passées en formation.
11. J'ai demandé à un salarié de se déplacer. Il est en droit d'opposer son droit de retrait
VRAI ET FAUX. Un salarié est fondé à exercer son droit de retrait pour la situation où, en violation des recommandations du gouvernement, son employeur lui demanderait de se déplacer en l'absence d'impératif.
Si la présence de mon salarié est impérative, le respect par le salarié des mesures dites " barrières " et la vérification leur mise en oeuvre effective constituent une précaution suffisante pour limiter la contamination.
12. Il est possible de licencier un salarié en raison du COVID-19
FAUX. Le seul fait qu'un salarié n'ait pas assez de travail du fait du confinement pendant l'état d'urgence sanitaire ne saurait être considéré comme une cause réelle et sérieuse de licenciement. Un licenciement économique suite à des difficultés économiques sera envisageable si l'entreprise subit une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs mois, ce qui est appréciée différemment selon la taille de l'entreprise.
13. Il est possible de mettre un terme à la période d'essai d'un de mes salariés en raison du COVID-19
FAUX. Si l'employeur n'a pas à justifier de sa décision de rompre le contrat de travail durant la période d'essai, la rupture de son contrat peut être reconnue comme abusive par un Conseil des Prud'hommes. Il est conseillé de mettre en activité partielle son salarié, ce qui suspend la période d'essai.
14. Il est possible de suspendre les élections du CSE qui étaient en cours avant le confinement
VRAI. L'ordonnance 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel permet de suspendre les élections avec effet rétroactif au 12 mars 2020 ou à partir de la dernière formalité accomplie. Après la fin de l'état d'urgence sanitaire, l'entreprise aura un délai de trois mois pour reprendre le processus.
15. Il n'est pas possible d'organiser les élections par visioconférence car plus de trois ont déjà été organisées par ce moyen et il n'existe pas d'accord sur ce point
FAUX. L'ordonnance 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel permet d'organiser, sans accord, toutes les réunions par visioconférence ou par conférence téléphonique. Si aucune de ces solutions n'est envisageable, il est possible de les organiser par messagerie instantanée.
Pour en savoir plus
Sophie Baudet, associée du cabinet Baudet Avocats, est avocate en droit du travail et de la sécurité sociale au Barreau de Paris depuis 2010. Elle accompagne les dirigeants de TPE-PME sur des problématiques sociales (gestion de leur personnel, mise en place du CSE, des accords d'entreprise...).