Seniors au travail : atout stratégique ou angle mort ?

Selon une étude publiée par la DARES (Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques), rattachée au ministère du Travail : en France, les plus de 55 ans représentent désormais près d'un actif sur cinq (19 %). Entre 2000 et 2024, leur taux d'emploi a presque doublé, passant de 31 % à 60,4 %. Si ce progrès est notable, il reste en deçà de la moyenne européenne (65,2 %) et encore loin de l'Allemagne (75,2 %). Mais derrière ce rattrapage quantitatif se cache une réalité plus fine : quels sont les métiers où l'on retrouve le plus de seniors, dans quelles conditions travaillent-ils et quelles perspectives d'embauche leur sont offertes ?

Les métiers les plus exercés par les seniors

Sur la période 2021-2024, trois familles professionnelles concentrent à elles seules plus de 13 % des seniors en emploi :

• agents d'entretien (4,6 %),
• enseignants (4,5 %),
• cadres administratifs, comptables et financiers (4,3 %).

Ces professions sont aussi parmi les plus répandues chez les actifs plus jeunes. Mais certains métiers se distinguent par une nette surreprésentation des seniors :

• aides à domicile et auxiliaires de vie : 3,2 % des seniors, soit plus du double de la part observée chez les moins de 55 ans (1,4 %),
• agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs et bûcherons : 2,9 % contre 1,4 % chez les plus jeunes,
• médecins, dentistes, vétérinaires et pharmaciens : 2,3 % contre 1,4 %.

Au total, les 15 métiers les plus fréquents chez les seniors regroupent 46 % de leurs emplois, contre seulement 38,8 % pour les moins de 55 ans.

Des secteurs marqués par une forte présence des seniors

Dans certains métiers, la proportion de seniors atteint des sommets :

• 74 % des professionnels de la politique et du clergé,
• 44 % des personnels de ménage chez des particuliers,
• 35 % des aides à domicile et auxiliaires de vie,
• 28 % des agents d'entretien.

À l'inverse, l'informatique et les télécommunications restent des bastions des jeunes générations.

L'indice de dissimilarité de Duncan, qui mesure les écarts de répartition, indique que 14,5 % des seniors devraient changer de métier pour que leur répartition soit identique à celle des moins de 55 ans. Trois familles contribuent fortement à cette différence : agents d'entretien, aides à domicile et agriculteurs.

Portrait socio-professionnel des métiers « seniors »

Douze métiers ressortent comme spécifiques aux seniors. Ils représentent 27 % de leurs emplois, contre 16 % chez les moins de 55 ans.
Leur profil se distingue nettement :

• 22,7 % des seniors y travaillent en indépendants (contre 19,1 % pour l'ensemble des seniors actifs),
• 51 % sont ouvriers ou employés non qualifiés (contre seulement 20 % pour l'ensemble des seniors en emploi),
• le temps partiel y est beaucoup plus fréquent : 29,4 %, dont 28,3 % choisi, contre 17,6 % dans l'ensemble des métiers.

Côté conditions de travail, ces métiers sont plus exposés aux risques physiques : 37,4 % des actifs concernés déclarent une forte exposition (contre 25,9 % tous métiers confondus). Chez les agriculteurs, la proportion grimpe à 70 %.

Embaucher un senior : une réalité limitée mais ciblée

Entre 2013 et 2024, le taux d'embauche médian des seniors plafonne à 0,2 %, contre 3,7 % pour les moins de 55 ans. Pourtant, certains métiers recrutent davantage de seniors, souvent peu qualifiés : agents d'entretien, aides à domicile, employés de l'hôtellerie-restauration.
Quelques exceptions existent néanmoins :

• formateurs : taux d'embauche de 0,9 % chez les seniors, bien supérieur à la médiane,
• techniciens et agents de maîtrise de l'électricité et de l'électronique, où les seniors trouvent plus facilement leur place.

Autre point marquant : près de 46 % des embauches de seniors se font en contrats courts (CDD de moins de 6 mois ou intérim), contre 37,6 % tous âges confondus.

France-Allemagne : deux modèles

Si la France peine à dépasser 60 % d'emploi des 55-64 ans, l'Allemagne culmine à 75,2 %. La différence est particulièrement forte entre 60 et 64 ans : 66,7 % d'emploi en Allemagne contre seulement 42,4 % en France.
La répartition sectorielle diverge aussi : en Allemagne, les seniors se distinguent dans l'industrie et l'assemblage, tandis qu'en France, ils sont plus présents dans l'enseignement et les services aux particuliers.

Ces données soulignent un enjeu double : élargir l'accès des seniors aux métiers qualifiés et stabiliser leurs emplois dans les secteurs où ils sont déjà fortement représentés. Dans un contexte de vieillissement démographique, le défi est autant économique que sociétal.