Les passagers clandestins de l'entreprise : la confiance comme remède

En voulant lutter contre les comportements de passager clandestin (free riding), les managers peuvent accentuer le problème qu'ils veulent résoudre. Une autre voie est plus efficace, celle de la confiance.
Je m'abonneOn les appelle les passagers clandestins : ces salariés qui profitent des résultats du travail accompli par les autres sans y participer.
Ce phénomène de free riding est particulièrement redouté dans les grandes organisations, où les tâches sont compartimentées, l'esprit de compétition stimulé, et l'encadrement des activités encouragé. Les managers consacrent des ressources importantes pour identifier et sanctionner les passagers clandestins, créant ainsi une dynamique de contrôle qui peut se révéler tout à fait délétère.
Une stratégie doublement perdante
Problème : ils risquent de voir des comportements de free riding là où les collaborateurs sont en réalité submergés par des difficultés personnelles ou adeptes d'une autre vision du travail bien fait.
De même, le développement d'un système de contrôle permettant d'évaluer, de comparer et de sanctionner les moins performants - minoritaires en entreprise - peut avoir pour effet de décourager la majeure partie des employés, en particulier les plus motivés qui se sentent infantilisés. On parle alors de « management pour les 3 pour cent ». L'absurdité vient de ce que ces quelques passagers clandestins sont rares dans le monde des organisations et plutôt résistants à la pression managériale.
Un changement de perspective : le bien commun
Une alternative repose sur la perspective du bien commun inspirée de la philosophie aristotélico-thomiste. Elle propose une vision positive de l'être humain et de son besoin de se sentir digne de confiance dans une entreprise dans laquelle les biens internes (notamment les valeurs) priment sur les biens externes (profit, pouvoir et statut).
La confiance généralisée
Cette nouvelle voie consiste pour les managers à offrir leur confiance inconditionnelle, indépendamment de toute preuve de fiabilité des employés. Par exemple, une entreprise offrant la possibilité à ses salariés de suivre des formations parallèles dans le but d'aider la communauté locale diffuse une culture du don. La confiance exprimée par les managers vise ici moins à obtenir un résultat particulier dont ils pourraient se prévaloir qu'à créer une confiance généralisée dont d'autres personnes peuvent à leur tour bénéficier.
Prendre en compte la vulnérabilité
Non seulement cette perspective managériale fondée sur la confiance généralisée promeut le droit à l'erreur ; mais en outre, elle prône un usage des sanctions en dernier recours et à des fins pédagogiques et constructives.
Plutôt que de sanctionner les absences en les associant à du free riding, une entreprise peut chercher à en comprendre les causes. Cette attention des managers leur permet de proposer de l'aide aux salariés en difficulté, réduisant ainsi les risques de développement de comportements de retrait ou d'absence.
Il s'avère ainsi que la confiance inconditionnelle peut enclencher une dynamique vertueuse favorable à l'engagement. Dans un environnement qui privilégie la motivation au statut, qui accueille les vulnérabilités personnelles et professionnelles et qui adopte un présupposé positif à l'égard des comportements inattendus, les managers peuvent prendre le « risque de la confiance », encourager une culture de l'engagement, voire même réduire durablement les comportements de free riding.
Audencia et auteure de « L'entreprise et le bien commun », Nouvelle Cité. Elle traite de ce qu'on appelle le free riding (les passagers clandestins en entreprise, qui ne contribuent pas à la réussite collective mais profitent de ses bénéfices) et propose une nouvelle vision - basée sur la confiance - pour gérer ces cas particuliers, à contrepied de beaucoup de pratiques actuelles en entreprise.