Nicolas Beuvaden : « Le bureau est devenu un levier RH à part entière »

Entrepreneur depuis ses années étudiantes, Nicolas Beuvaden est aujourd'hui à la tête de Welcome at Work, acteur clé de l'hospitality management dans les immeubles de bureaux. Il revient sur son parcours, sa vision du bureau de demain, et les vraies exigences de la vie d'entrepreneur.
Je m'abonneVous avez lancé Welcome at Work après une première entreprise dans l'énergie. Comment est née cette nouvelle aventure ?
Après la revente de ma première société, j'ai échangé avec de nombreux propriétaires d'immeubles. Tous s'interrogeaient sur l'impact des nouvelles générations et du digital sur l'immobilier de bureaux. À l'époque, on ne parlait ni de télétravail ni de flex office. Je suis donc allé observer les modèles de coworking à Londres, New York, Bruxelles... Et j'ai compris deux choses : ces espaces avaient très bien saisi l'importance de l'expérience au travail. Mais tout le monde n'ira pas dans un coworking.
J'ai alors eu l'idée d'en importer les codes (services, design, atmosphère) dans les immeubles plus classiques. Un client m'a donné l'opportunité de tester le concept dans un bâtiment vide. Nous avons ouvert en 2018, et quelques mois plus tard, l'aventure démarrait. Aujourd'hui, nous opérons une soixantaine d'immeubles en France et en Belgique, et accueillons chaque jour près de 40 000 salariés.
Vous dites que l'entrepreneuriat est parfois idéalisé. Pourquoi ce recul critique ?
Parce que ces dernières années, on a mis l'entrepreneur sur un piédestal, sans toujours parler de la réalité. Créer une entreprise, c'est exigeant, solitaire, risqué. Ce n'est pas un chemin évident. Je le répète souvent aux jeunes entrepreneurs que j'accompagne : si vous cherchez la stabilité, ce n'est pas la bonne voie. Il faut le faire pour créer, pour se réaliser.
Personnellement, j'ai beaucoup appris en écoutant les retours d'expérience d'entrepreneurs plus expérimentés. L'un d'eux disait : « Être entrepreneur, c'est comme être sportif de haut niveau. » Cela implique rigueur, endurance, et un fort engagement personnel. Pour tenir sur la durée, il est indispensable de s'entourer et de savoir s'appuyer sur les bonnes personnes.
En quoi Welcome at Work se démarque-t-il de vos concurrents ?
Nous avons été les premiers à appliquer le concept d'hospitality management au bureau. Notre objectif est de créer une expérience globale, pas seulement de fournir des services en silo. Nous ne faisons pas simplement de l'accueil ou de la conciergerie : nous animons les espaces, créons du lien, développons une communauté.
Nous recrutons aussi différemment. Un tiers de nos managers n'avaient jamais managé auparavant. Nous les accompagnons, les formons, et leur donnons rapidement des responsabilités. Ce pari humain est au coeur de notre projet. Et cela se ressent dans la qualité de service : sourire, attention, reconnaissance, ce sont des détails qui font la différence dans la vie d'un bureau.
Quels types de services proposez-vous aujourd'hui ?
Nous couvrons un large spectre : conciergerie traditionnelle, bien sûr, mais aussi services de mobilité douce (réparation de vélos sur site, boutiques d'accessoires), organisation d'événements internes, animations, ateliers originaux, comme la customisation de sneakers, qui a eu un grand succès.
Nous adaptons nos offres en fonction des immeubles et des populations. Ce que nous proposons place Vendôme ne sera pas pertinent à La Défense ou dans un immeuble du 13e arrondissement. Le sur-mesure est essentiel. Nous avons même, dans certains cas, mis en place un service de personal shopping.
Selon vous, le bureau est-il devenu un levier RH à part entière ?
Oui, clairement. Aujourd'hui, le bureau est une vitrine de l'entreprise. Quand un candidat passe un entretien, il découvre aussi vos espaces. S'il ne se projette pas, il n'ira pas plus loin. C'est devenu un outil de recrutement, mais aussi de fidélisation, voire de retour au travail dans un contexte de télétravail partiel.
Les salariés sont d'ailleurs nos meilleurs ambassadeurs. Ils parlent des services, de l'accueil, de la qualité de vie... Et cela marque profondément les dirigeants. Ce n'est pas toujours mesurable avec des indicateurs classiques, mais c'est palpable. Quand les collaborateurs sont bien, ils restent, ils s'impliquent davantage, et cela se ressent très vite dans l'entreprise.
Comment imaginez-vous l'avenir du bureau, dans cinq à dix ans ?
Je crois à un modèle hybride, plus fluide. Le télétravail restera, mais mieux structuré. Les immeubles évolueront aussi : on verra moins d'immeubles monofonction. Le bureau va cohabiter avec du commerce, du coworking, peut-être même du logement ou des espaces culturels. On réfléchit déjà à ce genre de formats.
Pourquoi, par exemple, une cafétéria d'entreprise ne pourrait-elle pas devenir un bar accessible le soir, ouvert à d'autres publics ? En croisant les usages, on redonne de la vie aux lieux de travail. Cela prendra du temps, mais c'est la direction que l'on observe.