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Nicolas Chabanne : "Je veux soutenir les petits producteurs"

Publié par Julien van der Feer le - mis à jour à
Nicolas Chabanne : 'Je veux soutenir les petits producteurs'

Nicolas Chabanne est à la tête de la coopérative "C'est qui le patron ?!", une marque alimentaire équitable créée par les consommateurs. Elle a pour objectif d'aider les producteurs à vivre décemment. Mais c'est aussi un véritable carton commercial.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur la marque "C'est qui le patron ?! " ?

Il s'agit de la première marque réellement portée par les consommateurs. Surtout, nous avons inversé le schéma habituel qui passe par des réunions préparatoires en marketing et communication pour faire naître un produit. Concrètement, nous avons demandé l'avis des consommateurs par Internet sur les critères d'équité, de qualité et d'origine de nos produits. La grande nouveauté, c'est que nous montrons l'incidence de ces choix sur le prix final. C'est cette démarche qui a tout changé.

Pourquoi ?

En sachant comment les produits sont fabriqués, les consommateurs obtiennent une transparence totale. Surtout, ils se sont rendu compte que l'incidence de leurs choix sur le prix final est faible. Ce sont quelques centimes en plus. En remettant le volant dans les mains des consommateurs, nous avons compris que des prix bas c'est important, mais pas à n'importe quel prix !

C'est-à-dire ?

Avec "C'est qui le patron ?!", ils savent à quoi sert leur argent, quel monde ils soutiennent. Le marché a organisé, par défaut et par habitude, un système construit pour tirer au maximum les prix vers le bas, pensant que c'est cela que recherchent les Français. Ce n'est pas si simple, car la course au prix le plus bas tue tout le monde.

Pouvez-vous nous donner des chiffres sur "C'est qui le patron ?!" ?

C'est 63 millions de produits vendus parmi 13 références (lait, beurre, compote de pommes, pizza...). Nous sommes organisés en coopérative, comptant 11 salariés, plus de 6 300 sociétaires. Nous prenons une commission de 5 % pour faire vivre la marque soit, depuis le lancement, environ 3 millions d'euros.

Nous n'avons donc pas besoin de banques, ni d'actionnaires. C'est extraordinaire. Le lait, c'est 45 % de taux de recrutement. Il s'agit de la capacité d'un produit à attirer une personne venue dans un magasin pour ça. C'est un pourcentage OVNI dans le secteur. Selon LSA, nous avons aussi le 1er taux de réachat parmi les innovations 2017 devant des marques comme Andros ou Bonne Maman.


Vous êtes moins connu que la marque "C'est qui le patron ?! " . Est-ce une volonté ?

C'est vrai que la marque est plus connue que les personnes qu'il y a derrière. C'est une volonté totale et nous aurions préféré mener un projet à la Daft Punk (rires). "C'est qui le patron ?!" est une aventure collective et c'est difficile de la réduire à une seule personne.

C'est la marque des consommateurs. Nous avons donc communiqué un maximum autour de la marque, jusqu'au moment où il était obligatoire de l'incarner. Mais il faut bien comprendre que le "je " est fini aujourd'hui. Et c'est une bonne nouvelle ! Il a été remplacé par le "nous " . L'intelligence collective est bien supérieure à l'intelligence individuelle.

La victoire française lors de la Coupe du monde incarne-t-elle ce "nous " qui dépasse le "je " ?

Incroyable ! Je n'y avais pas pensé, mais c'est juste. Cette Coupe du monde a montré qu'un génie, aussi bon soit-il, ne suffit plus pour gagner. Même un individu extraordinaire, un leader né, n'est pas suffisant. Il faut des talents, peut-être moins bons individuellement, mais qui jouent en équipe pour remporter la victoire.

Comment vous est venue l'idée de "C'est qui le patron ?! "

Tout a été fait d'instinct. J'étais au pied de mon Mont Ventoux et, en pleine nuit, je me suis dit qu'une marque réalisée par les consommateurs, transparente et vraie, ça devrait fonctionner. C'était au moment de la crise du lait. Je me suis alors intéressé aux coulisses et, le moment-clé, c'est lorsque j'ai compris que cette idée, qui tient du bon sens, serait facile à mettre en oeuvre grâce aux réseaux sociaux.

Il faut dire que ce n'est pas votre coup d'essai...

C'est vrai. Avec Les Gueules Cassées, nous avions décidé de vendre les fruits et légumes avec des petits défauts d'aspect plutôt que de les jeter. Et à un prix moins cher. Naturellement, tout le monde a dit oui, surtout les distributeurs qui ont compris le bon sens de la démarche.

Aujourd'hui, tout peut aller aussi vite. Il ne faut plus fausser les idées de bon sens par des postures et des réflexions trop complexes pour essayer d'atteindre les consommateurs. Tout cela est fini car les consommateurs sont interconnectés et ne veulent plus qu'on leur raconte des histoires.

Où en êtes-vous du développement de votre marque ?

Après 18 mois, nous avons vendu 60 millions de litres de lait. C'est le produit le plus vendu de l'histoire de l'agroalimentaire en tant que nouvelle marque. Alors que nous n'avons pas de commerciaux dans les magasins et que nous ne faisons pas de publicité à la télévision. Et nous ne sommes même pas présents dans tous les points de vente. C'est un révélateur de la transformation actuelle, assez incroyable, de notre façon de consommer. Notre ambition, au début, était seulement de vendre 5 millions de litres de lait en un an...



Vous vous diversifiez ?

Tout à fait. Les oeufs viennent d'arriver et leurs VMH (ventes moyennes hebdomadaires, NDLR) sont deux fois supérieures à celles des grandes marques présentes sur le marché depuis des années. Pour le beurre bio, c'est la même chose, alors que nous avons ajouté 15 centimes dans le prix du produit pour répondre au choix des consommateurs et aider à la conversion au bio ! Le prix le plus bas n'est plus la seule boussole du consommateur.

Comment expliquez-vous votre succès ?

Dans l'agroalimentaire, les grandes marques ne se sont pas assez remises en question. Aujourd'hui, elles rencontrent une défiance extraordinaire et parfois injuste. Il y a des personnes très bien qui travaillent chez ces grandes marques mais la relation avec les consommateurs est devenue épidermique.

C'est pour cette raison que "C'est qui le patron ?!" a eu cette force très rapidement. Nous sommes arrivés au moment où les consommateurs voulaient se retrouver dans une dimension plus proche de leur quotidien. Les marques, par nature, proposent une projection lointaine. Sauf que les Français veulent du bon sens et de la proximité.

Quelle est la prochaine étape du développement de la marque ?

Nous sommes en train de travailler sur l'acte deux de notre projet. Pour que le marché bouge, il faut une raison forte. Souvent, c'est pour économiser de l'argent ou parce que les entreprises établies craignent les nouveaux entrants. Et c'est un peu ce qu'il se passe aujourd'hui.

C'est-à-dire ?

"C'est qui le patron ?! " n'a pas l'histoire, ni les traits de caractère des marques traditionnelles. Souvent, elles ont tendance à se replier sur elles-mêmes, à défendre leurs parts de marché et à très peu s'autocritiquer.

De notre côté, nous passons notre temps à nous autocontrôler avec notre cahier des charges en main. Et nous rêvons de trouver quelque chose qui ne fonctionne pas pour tout de suite le changer.


La transparence est donc essentielle...

Exactement. Comme nous vérifions tout, nous déployons des arguments ultra-crédibles pour les autres consommateurs. D'autant plus que nos contrôles sont visibles sur YouTube. Ce sont les premières images certifiées par les consommateurs eux-mêmes. C'est aussi la communication la plus forte et la plus juste qui existe. Et elle est gratuite.

Mais quel est cet acte deux ?

Nous allons travailler avec les marques qui le souhaitent pour les labelliser. Pour le moment, nous avons été sollicités par 40 marques et nous avons donné un accord de principe pour dix d'entre elles. Nous avons aussi un distributeur avec sa MDD. À terme, il y aura un moteur de recherche où l'on pourra savoir si sa marque préférée a été certifiée par la marque des consommateurs.

Comment ce label sera-t-il attribué ?

Tout passera par les consommateurs. Ce sont eux qui décideront de valider ou pas la labellisation d'un produit. Il sera cocréé au contact direct des consommateurs impliqués. Nous gardons la même indépendance et la même exigence que pour les produits "C'est qui le patron ?!". Enfin, chaque étape sera vérifiée et validée par les consommateurs-sociétaires. À noter que notre commission sera de 2 % sur les produits labellisés.

N'est-ce pas un risque ?

Peut-être. Mais nous pensons surtout que c'est une opportunité pour faire changer les choses. Grâce à ce projet, un maximum de produits de grande consommation seront encore plus transparents et un maximum de producteurs seront soutenus.

 
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