Réinventer sa marque ou disparaître

Les marques de mode et de cosmétique doivent se réinventer pour rester désirables. Décryptage de quelques leviers à activer pour rester dans la course.
Je m'abonneEngagement sincère, digitalisation créative, nouveaux modèles circulaires : en 2025, réinventer sa marque ne se limite plus à changer son logo ou lancer une nouvelle collection. « Il y a avant tout un besoin de storytelling » pointe Juliette Meo, consultante en stratégie créative chez NellyRodi, agence spécialisée en stratégie marketing et créative, observe les comportements des consommateurs et accompagne les marques pour y répondre.
A l'image des marques de luxe qui fonctionnent en mettant en avant leurs valeurs et en créant de la désirabilité, une marque ne peut plus séduire sans un récit structurant. « Une marque doit ouvrir non pas seulement à un produit mais à quelque chose qu'elle fait vivre au consommateur, à un univers dans lequel il peut se projeter et évoluer ». Objectif, « le captiver et l'attirer dans un lifestyle ».
Le retail devient expérientiel
En magasin, les marques doivent faire vivre de vraies expériences aux consommateurs. C'est ce qu'a fait Uniqlo place Vendôme il y a quelques mois en mettant en avant, dans un mini musée, les tissus et les technologies de sa nouvelle collection.
À Pékin, la marque canadienne haut de gamme spécialisée dans les vêtements et équipements techniques de plein air Arc'teryx a poussé l'immersion à son paroxysme en plongeant ses clients dans des univers sensoriels inspirés des forêts et montagnes de la côte pacifique nord-américaine, mêlant espaces de détente, matières naturelles et installations artistiques.
De la même manière, dans le secteur de la beauté, l'entreprise sud-coréenne de cosmétiques Amore Pacific propose à ses clients de vivre une expérience interactive en boutique avec des ateliers animés par des experts beauté. Si elles ne disposent pas de boutiques en propre, les marques ont également la possibilité d'investir des pop-up stores pour s'exprimer à des moments-clés pour elles et créer une communauté.
L'IA au service de la personnalisation
Même en ligne, l'expérience client doit être forte. L'IA y contribue en facilitant les interactions personnalisées. « Le consommateur doit se sentir suivis dans son parcours client, explique Juliette Meo. L'algorithme va suivre ce qu'il regarde ou ce qu'il lit pour l'accompagner et lui proposer du sur-mesure ».
L'enjeu : créer un lien émotionnel et prouver à chaque étape qu'on le comprend et qu'on agit pour lui. Nombre d'entre elles personnalisent à outrance les parcours clients en proposant par exemple des scans du visage ou encore des analyses de l'environnement de l'utilisateur. Pionnière en clean beauty, la marque française oOlution a proposé dès sa création 2013 un diagnostic de peau en ligne via un algorithme propriétaire. Ingénieure de formation et forte de sa connaissance en biochimie cutanée, sa fondatrice, Anne-Marie Gabelica, mise aussi sur l'aspect pédagogique avec un blog dédié et des conseils personnalisés.
Celle qui avait validé les formules d'oOlution après sept études cliniques a depuis renforcé son rôle de conseil et choisi de réaffirmer son expertise en tant que laboratoire de dermo-cosmétiques. « Nous ne sommes pas là seulement pour recommander des produits aux clients. On leur pose des questions de manière assez ludique, à l'image des quizz que l'on peut trouver dans les magazines pour générer des réponses et dispenser des conseils produits. Et nous allons même au-delà en les accompagnant de manière globale et en leur donnant des conseils d'hygiène de vie ».
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Si la marque avait bénéficié d'un gros coup de boost pendant le covid grâce à son positionnement digital, les cartes ont depuis été rebattues. « Le digital étant devenu la norme, il a fallu redoubler d'ingéniosité pour se démarquer », confie Anne-Marie Gabelica. Dans le secteur de la mode aussi, la guideline est de proposer aux clients des contenus personnalisés en fonction de leur historique d'achat. Pour améliorer l'expérience en ligne, développer des expériences personnalisées et améliorer ainsi le taux de conversion, les marques du secteur misent par exemple sur l'essayage virtuel.
La start-up Veesual, qui a développé une technologie de génération d'image capable d'adapter n'importe quel vêtement d'une collection à des mannequins de différentes morphologies, travaille avec nombre d'entre elles. Pour son cofondateur Maxime Patte, proposer de nouvelles silhouettes fait partie des attentes des consommateurs, ces derniers ne réussissant pas à s'identifier aux mannequins proposés par les marques. Pour lui, il est indispensable que les marques écoutent leurs clients. « Il faut les interroger. Ils ont beaucoup de choses à dire. Ce sont leurs insights qui doivent les guider ».
Et engagement environnemental
Autre prérequis indispensable pour continuer à engager les consommateurs : la prise en compte de l'environnement. Avec 82% des Français qui considèrent la durabilité comme un critère clé lors de l'achat selon une étude Opinion Ways datant de 2023, les marques de mode et de cosmétique doivent intégrer des pratiques écoresponsables à tous les niveaux de leur chaîne de valeur. « Elles doivent être transparentes et donner le maximum d'informations possibles sur la fabrication des produits. Elles doivent adapter leur discours, rassurer les consommateurs et montrer qu'elles sont elles aussi expertes sur le sujet » conseille Juliette Meo qui alerte néanmoins contre le risque de greenwashing. « Face à des consommateurs de plus en plus experts, il faut utiliser les bons termes si on parle environnement et communiquer sans en faire trop ». Là encore, il s'agit de bâtir le bon storytelling avec un narratif sincère autour de la démarche responsable.
Dans la mode comme dans la beauté, les labels ne sont selon elle pas forcément la bonne clé d'entrée étant donné qu'ils ne parlent pas forcément à tout le monde. Pionnière sur le sujet de l'éco-conception, oOlution, détentrice du label b-corp et fabricante de produits bio a mis en place la première consigne de produits cosmétiques afin de pouvoir récupérer les flacons et favoriser ainsi l'économie circulaire.
Aujourd'hui, elle va encore plus loin avec ses nouveaux packagings. « Nous avons créé les premiers étuis compostables à partir de résidus agricoles » explique sa fondatrice. Autres leviers, les produits de seconde main ou encore les produits upcyclés. Avec une croissance de 15 % par an et un poids de 12 % du marché de la mode, la seconde main pousse de nombreuses enseignes à lancer leur propre plateforme de revente. Aigle, Kiabi, The Kooples, Zalando, Maje, Sandro ou encore Petit Bateau se sont ainsi lancés sur le créneau pour répondre à une demande croissante des consommateurs.