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L'emploi des seniors, un défi culturel et organisationnel

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L'emploi des seniors, un défi culturel et organisationnel

Avec sa réforme des retraites et le recul de l'âge légal, le gouvernement veut favoriser le maintien dans l'emploi des seniors. Les entreprises vont devoir apprendre à valoriser l'activité des plus de 50 ans, leur expérience, et mieux prendre en compte le sens au travail.

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« La France est l'un des pays où la part des personnes de 60 à 64 ans qui travaillent est la plus faible », a pointé la Première ministre, Elisabeth Borne, le 10 janvier 2023. Pour améliorer le maintien en emploi des seniors, le gouvernement compte sur sa réforme et le recul de l'âge légal de départ à la retraite. Avec le passage progressif de 62 à 64 ans, il fait le pari que le nombre des 55 à 64 ans en emploi augmentera de plus de 100 000 en 2025, trois fois plus en 2030. Conséquence, le taux d'emploi des plus de 60 ans gagnerait 2 points et 6 points respectivement pour atteindre 41,5 % à cet horizon.

Améliorer le taux d'activité des seniors, c'est bien là le coeur du sujet. D'une part, car les entreprises n'ont pas nécessairement organisé et anticipé le fait que ce public doit rester plus longtemps en emploi. D'autre part, car les salariés eux-mêmes n'ont pas tous envie de cette mesure à court terme. « C'est un vrai défi culturel. Il faut changer le regard porté sur les seniors. Depuis les années 70-80, nous considérons que les personnes doivent partir à 60 ans car elles sont usées, ce qui est vrai pour certains métiers où la pénibilité est forte. Nous avons globalement en France une image du senior comme quelqu'un qui a fait son temps, qui n'est plus productif et qui coûte cher », estime Patrice de Broissia, directeur associé d'Oasys, un cabinet de conseil qui accompagne les salariés dans leur transition professionnelle.

Changer le regard sur l'âge

Changer les représentations des plus de 50 ans et favoriser leur emploi semble donc constituer un préalable à toute réforme des retraites. « Un public expérimenté perçoit une rémunération relativement plus importante, mais il ne faut pas uniquement scruter le montant qui figure en bas de la fiche de paye, mais aussi regarder les coûts évités par le maintien à l'emploi d'un senior. C'est quelqu'un de plus productif, immédiatement en production, qui connaît moins d'absentéisme et qui est plus fidèle à l'entreprise, évitant ainsi d'éventuels coûts de recrutement. De nombreuses études le prouvent », ajoute Patrice de Broissia. Une enquête menée en 2019 par le Census Bureau et des chercheurs du MIT, la prodigieuse université de Boston, démontre notamment que les profils seniors seraient en réalité plus productifs que les jeunes.

Selon Françoise Kleinbauer, p-dg de France retraite, qui accompagne des dirigeants pour construire une politique de fin de gestion de carrière, la notion de sens au travail reste plus largement à interroger dans l'entreprise : « Quand le travail fait sens, tout le monde est gagnant. L'entreprise doit prendre conscience que c'est à elle de se transformer pour faire en sorte que les seniors aient leur place, prennent part à des formations , qu'ils s'engagent durablement et puissent participer efficacement au développement et à la stratégie de l'organisation ».

La réalisation de bilans de compétences, afin de prendre en main la gestion des carrières au regard de l'évolution des compétences techniques et relationnelles, des besoins de l'employeur, et plus généralement du marché, donne aux collaborateurs les moyens de réfléchir à l'orientation de leur deuxième partie de carrière.

La retraite progressive pour alléger les coûts

Les chefs d'entreprise doivent par ailleurs se pencher sur une approche plus souple du départ à la retraite. Le dispositif de la retraite progressive, relativement méconnu, permet de toucher une partie de sa retraite tout en travaillant à temps partiel. Les salariés qui le souhaitent peuvent passer à temps partiel, deux ans avant l'âge légal de départ, en liquidant une partie de leur retraite. « C'est un dispositif où toutes les parties prenantes peuvent y trouver leur compte. Avoir un collaborateur en retraite progressive permet de réduire les salaires et les charges afférentes. Pour le salarié, travailler va devenir plus acceptable. En ayant un pied dehors, il pourra mieux concilier ses projets personnels et sa vie professionnelle, et se préparer à la vie d'après », explique Françoise Kleinbauer.

La société Expert Connect, un cabinet de conseil dédié à la gestion des compétences rares et seniors - qui a, dès sa création en 2005, pris le contre-pied de la plupart des entreprises de son secteur en recrutant sciemment des seniors -, affirme baisser le salaire de ses collaborateurs. « Nous n'avons pas les mêmes moyens financiers que les grands groupes. Certains salariés consentent à une baisse très importante de leur salaire, parfois de 40 %, mais ces rémunérations restent parmi les plus élevées de la société », concède Caroline Young, la présidente de la société qui a embauché en janvier 2023 un salarié de 53 ans, en tant que directeur du développement.

Cette PME, qui compte une trentaine de salariés au siège et travaille avec 1 000 experts seniors qui interviennent sous forme de missions auprès des entreprises, mise sur le mentorat intergénérationnel et le transfert réciproque de connaissances, de compétences et d'expériences pour fédérer ses équipes. « Tout cela se fait naturellement. Les seniors disposent d'un savoir-faire qu'ils souhaitent transmettre. Ils ont un discours, une posture, une crédibilité que les jeunes n'ont pas. Lorsque vous placez en face d'un client grand compte une personne qui parle le même discours, qui a une parfaite connaissance de la façon dont sont vendus les chemins de fer à l'international, par exemple, ça apporte beaucoup de confiance », reconnaît la présidente. Un véritable atout économique pour la société.


L'emploi des seniors en chiffres

> Le taux d'emploi des personnes de 55 à 64 ans a augmenté de 7,7 points entre 2014 et 2021, selon la Dares. Le taux de chômage des seniors (6,3 %) est plus bas que celui des actifs (mais l'écart se réduit depuis 2003).

> Huit dirigeants et directeurs des ressources humaines sur dix rapportent qu'au regard de l'ensemble des salariés, les seniors sont plus fiables et plus autonomes. (étude d'Oasys Consultants et Syndex, "Pratiques d'entreprises en faveur de l'emploi des seniors" 2017).

> Sur des personnes âgées de 64 ans qui sont à la retraite, seules 13,3 % sont en emploi et 5,2 % continuent à travailler, tout en étant retraitées. Cette baisse est la conséquence des transitions progressives vers la retraite (source Dares).

> En Suède, 76,9 % des personnes âgées de 55 à 64 ans sont en emploi, contre 63,4 % au Portugal et 56 % en France. Les seniors français travaillent en moyenne moins longtemps que leurs voisins européens.


 
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