Recherche
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Comment remettre à flot une PME qui coule

Publié par le | Mis à jour le
Comment remettre à flot une PME qui coule

Les difficultés économiques s'accumulent de tous les côtés ? Il est urgent d'ouvrir les yeux et d'adopter les bons comportements pour faire face à l'adversité, se maintenir à flot... et en sortir plus fort.

Je m'abonne
  • Imprimer

"Il n'y a pas de bonnes solutions, il n'y a que des bonnes attitudes." Pour Pascale Auger, professeur de management en situations complexes à la Kedge Business School, auteur de Manager des situations complexes (éditions Dunod), il est essentiel, pour surmonter ses difficultés, de changer de regard... et d'admettre que ça ne s'arrêtera pas là. "C'est l'essence même des situations complexes, qui impliquent tellement de composantes et d'interactions qu'il faut accepter une grande part d'incertitude." Pour y faire face, l'enseignante préconise une attitude empreinte d'humilité. À partir de là, on peut développer "des formes d'intelligence qui vont adoucir la situation, et faire passer entre les gouttes... tout en sachant qu'il pleuvra toujours".

Bruno Delcampe, fondateur de l'association SOS Entrepreneur, qui vient en aide aux dirigeants de PME en galère, estime qu'il faut savoir "exercer une analyse express qui permet de différencier l'accident de parcours de la grande difficulté". Par exemple, les déboires liés à la perte d'un client doivent amener à se poser la question d'une éventuelle dépendance commerciale. Ou encore une baisse de rentabilité avec un client. "Le chiffre d'affaires est sensiblement au même niveau, mais l'entreprise se met à perdre de l'argent... Il faut alors tout de suite déterminer, par secteur d'activité, lesquels la portent et lesquels la plantent." Une vigilance qui doit s'exercer sur tout un tas de facteurs de difficulté pour identifier les éventuels "éléments récurrents qui, eux, mettent en cause la pérennité de l'entreprise. Le chiffre ne peut pas se dégrader de manière récurrente".

Des retards répétés dans le règlement des salaires, un fort absentéisme, des départs de salariés-clés, des relations qui se dégradent avec les banques, l'administration fiscale, les clients quand on enregistre des retards de livraison... "Autant d'éléments qui doivent tirer la sonnette d'alarme, surtout quand ils sont concomitants, notamment parce qu'ils contribuent à la perte de confiance. Et il en va à mon sens de la responsabilité morale du dirigeant: on n'a pas le droit de polluer son écosystème parce que ça va mal. Ne plus déposer ses déclarations au trésor public, c'est dramatique."

Une fois qu'on a accepté la peur, il faut changer sa vision du monde, pour Pascale Auger. "C'est-à-dire, plutôt que de se dire je détiens la vérité, penser: mon choix c'est ça." Des décisions plus facilement assumées qui s'appuient sur les intentions profondes et les valeurs de l'entreprise, îlot de stabilité dans ce monde complexe.

Tenir bon la barre

Pour illustrer l'indispensable congruence, Pascale Auger estime que le chef d'entreprise doit se voir comme un navigateur en eaux troubles plutôt que comme un conducteur de train. "Ce dernier est dans la procédure, relativement confortablement installé dans sa cabine de pilotage. Le navigateur, il a froid, il est mouillé, mais il doit tenir la barre fermement, affronter moult situations plus ou moins contrôlables et prendre tout un tas de décisions pour mener son bateau à bon port."

Être à l'écoute des éléments, c'est recueillir le feed-back des collaborateurs pour définir une intention qui traverse cet océan de complexité, à coups d'ajustements permanents. "Le mouvement des entreprises libérées est très inspirant de ce point de vue: simplifier au maximum les process face à une réalité dont on a admis la complexité." Autre avantage de faire toujours au plus simple, cela permet de renforcer la confiance, ce qui est d'autant plus important que le dirigeant n'a "pas d'autre choix que de miser sur les gens. Le dirigeant doit avoir confiance dans l'humain, sinon il est mal barré, prévient l'enseignante, encore plus avec les jeunes générations qui ont besoin de s'épanouir".

Pour autant, il est important de se débarrasser de l'affectif, comme le souligne Frédéric Assant, manager de crise spécialisé dans les PME, qui doit, lors de ses missions pour Amadeus, faire face à une présence de l'actionnaire très forte. "Dans les entreprises familiales, cet attachement aveugle souvent le dirigeant, surtout si les conseils d'administration ont lieu entre le café et le digestif! plaisante-t-il. Mais plus sérieusement, ce manque de gouvernance rend la prise de décisions plus délicate. Il est certain que si l'on doit agir sur les effectifs, il est déchirant, par exemple, de licencier quelqu'un que l'on a connu en culottes courtes. Mais l'attentisme est extrêmement dangereux et ses conséquences peuvent être encore plus dramatiques."

© Michel Szlazak

© Michel Szlazak

Agir à temps

Même discours du côté de SOS Entrepreneur. Les appels à la plateforme téléphonique confidentielle, ouverte 24h/24, proviennent la plupart du temps de dirigeants "qui ont attendu trop longtemps, parce qu'ils pensaient qu'ils allaient obtenir la commande qui allait tout résoudre, et se sont mis à accepter n'importe quel client pour compenser la perte d'un autre". Or, si on n'analyse pas la situation entre-temps, "on creuse sa tombe", prévient Frédéric Assant, qui a lui-même traversé de grandes difficultés avant de rebondir.

Il n'y a rien de pire que le déni.

"Beaucoup de choses sont sauvables quand on s'y prend assez tôt. L'optimisme du dirigeant, qui est nécessaire, ne doit pas l'aveugler."Il n'y a rien de pire que le déni pour ce chef d'entreprise: "On se dit que c'est conjoncturel, alors que c'est l'arbre qui cache la forêt. Mais un petit pansement ne suffit pas à aller au fond des choses." L'intervention d'un tiers peut alors aider "à ouvrir les yeux et prendre des décisions, avec les moyens du bord", insiste Frédéric Assant.

"Si l'analyse aboutit au diagnostic d'une dégradation lente du modèle, il faut prendre des décisions de restructuration, de diversification, d'amélioration, préconise Bruno Delcampe, et renégocier, il n'y a rien d'anormal à ça!" En sachant que cela ne marchera pas forcément parfaitement. "Si la situation est très préoccupante, il ne faut pas s'interdire de penser à des procédures amiables."

"Ne pas hésiter à se métamorphoser"

Grégory Loez, dirigeant d'Eco Alternativ

À 35 ans, Grégory Loez a déjà dix ans d'entrepreneuriat derrière lui. Le fondateur d'Eco Alternativ, fournisseur de solutions d'économie d'énergie, a gagné en maturité et tiré les leçons des déboires de la société. "Quand ça va mal, tout le monde vous ferme les portes. C'était particulièrement dramatique pour nous, qui finançons une grande partie des projets de nos clients. Sans partenaire financier, on n'avait plus de package à proposer!"

Après un redressement judiciaire, l'effectif tombe de 30 à 14 salariés... et est aujourd'hui remonté. "Nous n'avons pas changé notre coeur d'activité, mais on a multiplié les business, on fait maintenant du B to B, des installations dans d'autres sociétés." Pour Grégory Loez, "c'est certainement le plus difficile mais aussi le plus important: dans un écosystème qui bouge, il ne faut pas hésiter à réviser son business model et se métamorphoser". Le trentenaire préconise également de ne pas rester seul. "Crédit d'impôt, contrats aidés... il y a tout un tas de ficelles qu'on ne connaît pas mais qu'il faut tirer pour ne pas se prendre trop de gamelles!"

Eco alternativ
Installation et entretien de poêles et inserts à granulés
Seclin (Nord)
Dirigeant : Grégory Loez, 35 ans
SARL > 28 salariés
CA 2015 : 2,8 M€

Fédérer autour de soi

"L'humilité et la réflexion permettent d'établir le taux d'erreur que l'on accepte d'endurer", analyse Pascale Auger, qui préconise de s'accorder sur l'intention plutôt que sur l'outil. "La transparence, ce n'est pas une affaire de charte que l'on affiche dans les bureaux. C'est ce qui permet de vérifier que les procédures incarnent les valeurs de l'entreprise, et ce qui maintient la confiance." Par exemple, si l'on décide de valoriser l'innovation, pas question de sanctionner les erreurs au risque de tuer l'esprit d'initiative... "Les salariés ne sont pas dupes, insiste Frédéric Assant. Il faut écouter tout le monde pour sortir du cercle vicieux où les fournisseurs rappellent, on a des ruptures de stocks... et des gens démotivés."

Il faut que tout le monde sente qu'il y a un capitaine à bord.

Et revoilà la métaphore maritime: "Il est important que tout le monde sente qu'il y a un capitaine à bord, qui doit être capable de prendre du recul pour relancer un cercle vertueux." Qui tourne à la confiance. "Il faut fédérer, faire adhérer tout le monde à la stratégie qu'on a choisie. Et avoir confiance en celle-ci pour redonner de la confiance." En se nourrissant du feed-back, "facile à obtenir si on le veut bien". Pour la bonne et simple raison, avancée par Pascale Auger, que "les équipes sont forcément motivées pour résoudre les problèmes qu'elles vivent au quotidien, parce qu'elles n'en peuvent plus!"

L'enseignante avoue "sécher" elle-même régulièrement les réunions pédagogiques et se nourrir des critiques des étudiants. "Ce sont eux qui me font évoluer, pas des slides où il ne reste plus rien de la réalité vécue!" À ses yeux, le feed-back doit se recueillir de manière spontanée. "Cela permet un ajustement rapide, et forcément on vise beaucoup plus juste", estime-t-elle, plaidant pour un management par la culture d'entreprise.

"Quand ça va mal, il ne faut surtout pas se planquer dans son bureau, préconise Frédéric Assant. C'est parfois un véritable changement culturel, dans des entreprises où il n'y avait aucune transparence. Et cela doit se faire vite, il faut absolument se remettre en cause, et mettre les mains dans le cambouis." Des révolutions qu'il impulse au cours de missions de neuf mois à un an en moyenne, et dont il faut tirer les leçons bénéfiques pour l'avenir. "À chaque fois, cela renforce la dimension collective et l'identité de l'entreprise."

 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Chef d'Entreprise Newsletter

Artisans Newsletter

Commerce Newsletter

Event

Event

Event

Les Podcasts de Chef d'Entreprise

Lifestyle Chef d'Entreprise

Artisans Offres Commerciales

Chef d'Entreprise Offres Commerciales

Commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

La rédaction vous recommande

Retour haut de page