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Comment envisager le principe de laïcité au sein de son entreprise ?

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Comment envisager le principe de laïcité au sein de son entreprise ?

Le principe de laïcité est un principe constitutionnel qui impose à l'État français la neutralité face à toute manifestation de convictions religieuses. Ce principe n'a pas les mêmes conséquences au sein des entreprises privées. Étant souvent mal compris ou maladroitement appréhendé dans le secteur privé, expliquons l'application de ce principe.

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Le secteur privé, contrairement à l'État français et à ses agents, n'est pas tenu d'afficher une neutralité face à la religion. En vertu des libertés fondamentales [1], les entreprises privées doivent laisser la liberté à leurs salariés et leurs clients d'exprimer les manifestations des convictions religieuses. Cependant, depuis la loi du 8 août 2016 (dite loi « El Khomri »), les employeurs privés peuvent décider de restreindre la liberté individuelle pour garantir le bon fonctionnement de l'entreprise.

Le règlement intérieur : outil pour restreindre la manifestation des convictions religieuses

Contrairement au secteur public où la neutralité s'impose de droit afin de préserver une indivision et une impartialité face aux religions et d'assurer l'égalité de tous les citoyens devant la loi, la neutralité ne s'impose pas au secteur privé.

Au sein des entreprises privées, la neutralité peut être prévue et inscrite dans le règlement intérieur sous certaines conditions strictes. Le principe de neutralité face aux manifestations religieuses doit :

  • Être justifié par la nature de la tâche à accomplir, les nécessités tirées du bon fonctionnement de l'entreprise ou l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ;
  • Être proportionnée au but recherché [2] .

Ainsi, pour des raisons de santé et de sécurité, il est admis que le règlement intérieur prévoie l'interdiction de porter le turban sikh, le voile islamique ou même une simple casquette sur un chantier. Le port de ces couvre-chefs est incompatible avec le port du casque de chantier, mesure de sécurité obligatoire pour le personnel de chantier.

De même, il est admis que le règlement intérieur prévoie l'interdiction pour des médecins de porter une chaîne avec une croix chrétienne, une étoile de David ou tout pendentif pour des raisons de sécurité lors de la manipulation de patients.

La jurisprudence est assez stricte sur l'application de ce principe de neutralité au sein du secteur privé. Elle exige notamment que le règlement intérieur ne porte pas d'interdiction générale et imprécise [3] auquel cas il y aurait atteinte aux libertés fondamentales.

Le principe de laïcité : une application risquée pouvant s'avérer discriminatoire

La mise en place dans le secteur privé du principe de neutralité est controversée en ce qu'elle peut pousser à des différences de traitement entre les salariés.

Une des libertés individuelles fondamentales que possède chaque citoyen est de ne pas être discriminé en raison de ses convictions religieuses. Ce principe de non-discrimination, en application au monde du travail, est prévu dans le préambule de la Constitution [4] : « nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».

En imposant la neutralité au sein de son entreprise, il est indispensable de faire attention à ne pas discriminer une catégorie de personne. Par exemple, il a été reconnu que le licenciement d'une salariée qui refusait d'ôter son voile islamique lors d'une mission auprès d'un client est discriminatoire en ce qu'il est directement fondé sur des convictions religieuses [5]. Dans cette affaire, toutefois, le client exigeait la neutralité de la salariée alors que le règlement intérieur ne prévoyait aucunement ce principe. Régir les dispositions applicables au sein d'un règlement intérieur s'avère donc un préalable indispensable à toute éventuelle mesure.

Une attention doit être faite plus particulièrement aux discriminations indirectes qui résultent d'un critère ou d'une pratique en apparence neutre, mais susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour une catégorie de personnes.

Les différences de traitement admises : les cas où le principe de neutralité prime sur les libertés individuelles

Dans le secteur privé, il existe deux cas exceptionnels dans lesquels le principe de neutralité prime sur les libertés individuelles des salariés à manifester leurs convictions religieuses :

  • L'entreprise dite « de tendance », et
  • Les missions de service public assurées par des organismes de droit privé.

L'entreprise de tendance doit être entendue comme « toute entreprise qui a une orientation idéologique marquée, laquelle, connue de tous, peut imposer certaines obligations particulières aux salariés soumis par ailleurs aux règles du droit du travail ». Sont reconnues comme entreprises de tendance les écoles privées religieuses, les syndicats, les partis politiques, etc.

Il est admis que les salariés travaillant dans ce type d'entreprise se voient restreindre leur liberté de manifester leurs convictions religieuses afin de mettre en avant l'orientation idéologique de l'entreprise.

Il apparaît aussi clairement que, dans les organismes de droit privé assurant une mission de service public, ce principe de neutralité leur est imposé. Pour ces entreprises particulières, des restrictions peuvent être apportées aux libertés individuelles afin de préserver l'impartialité du service public face.

[1] Article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; Article 1e de la loi de 1905 ; Article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme

[2] Cass. Ass. Plén., 25 juin 2014, n°13-28.369

[3] Cass. Soc., 19 mars 2013, n°11-28.845

[4] Principe établit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 fait référence

[5] CJCE, 10 juil. 2008, aff. C-54/07 ; Cass. Soc., 9 avr. 2015, n°13-19.855 ; Cass. Soc., 22 nov. 2017, n°13-19.855

Roxane Cousu, consultante en Droit social chez ORCOM H3P, conseille et accompagne les entreprises internationales sur toutes les questions relevant du droit social français.


 
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