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Rapport Mettling : forfait jours, devoir de déconnexion, télétravail... ce qui attend les PME

Publié par le | Mis à jour le
© François Maréchal pour Orange
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Bruno Mettling, DRH d'Orange, a remis mardi 15 septembre 2015 à Myriam El Khomri, ministre du Travail, le rapport "Transformation numérique et vie au travail". Voici les 28 mesures qui pourraient impacter les PME.

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Les nouvelles technologies ont un impact important dans les entreprises et leur organisation. Et celles-ci vont devoir s'adapter. C'est tout le propos du rapport "Transformation numérique et vie au travail" remis mardi 15 septembre 2015 par Bruno Mettling, DRH d'Orange, à Myriam El Khomri, ministre du Travail.

Au total, six impacts majeurs de la transformation numérique ont été identifiés, sur la diffusion massive de nouveaux outils de travail, sur les métiers et les compétences, sur l'organisation du travail, sur le management, sur les formes inédites de travail hors salariat et sur l'environnement de travail des cadres. Le rapporteur a émis 36 préconisations pour accompagner cette transition numérique. Voici les 28 qui impacteront les PME.

1. Miser sur la formation

Moins d'un actif concerné sur quatre juge que la formation continue "les a très bien préparés" à l'utilisation des technologies de l'information dans le cadre professionnel. Face à ce constat, le rapport insiste sur l'importance de l'éducation au numérique, dans le cadre de formations aussi bien initiales que continues. L'objectif est notamment de développer chez les salariés une véritable culture du digital. Autrement dit, il ne s'agit pas seulement de les former à la maîtrise des nouveaux outils, mais aussi aux méthodes de travail induites par l'apparition de ces outils : travail en réseau, autonomie, agilité, etc.

2. Consulter les branches pour mesurer leurs besoins spécifiques en la matière

Afin d'optimiser ces formations, le texte propose que, dans un délai de six mois, les partenaires sociaux fassent remonter leurs besoins spécifiques liés à leur secteur d'activité. L'objectif serait d'élaborer, en collaboration avec le ministère du Travail, un cahier des charges pour préciser l'effort à faire en matière d'éducation au numérique.

3. Confier à la BPI une mission de mobilisation des différents acteurs du numérique

La transformation numérique mérite la mobilisation de tous les acteurs : grandes entreprises (apportant leurs plateformes de développement dans une logique d'open innovation), start-up (caractérisées par leur agilité, des business models compétitifs et moins de rigidité organisationnelle), sans oublier les mondes académique et étudiant. La Banque publique d'investissement semble, selon le rapport, "particulièrement adaptée" pour cette mission de coordination.

4. Encourager la reconversion dans le numérique

Il faut développer les formations de reconversion vers le numérique. Pas de façon systématique cependant, quand bien même il existe un vrai potentiel d'emplois dans le secteur, et que ces emplois dans le numérique ne nécessitent pas tous des compétences très poussées. Il faut également s'appuyer sur la GPEC (gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences) pour développer la requalification et la reconversion. De quoi renforcer à la fois la compétitivité des entreprises et l'employabilité des salariés.

5. Mettre l'accent sur la formation des managers

Les managers ont un rôle-clé à jouer dans la réussite de la transformation numérique. Il faut donc les aider à maîtriser les outils et à comprendre les enjeux de la transformation numérique en en faisant des bénéficiaires privilégiés de la formation. À la fois managers de performance économique, de projets, de communautés, de réseaux, ils sont soumis à une forte pression qu'il faut alléger en les déchargeant de certaines tâches opérationnelles pour favoriser leur réussite. Les formateurs à la formation ne doivent pas non plus être oubliés.

6. Promouvoir la diversité hommes/femmes

Le rapport pointe un risque : celui que les femmes soient exclues des nouveaux emplois du numérique à cause de stéréotypes persistants. Pour l'éviter, il insiste sur la nécessité de soutenir la parité et la promotion de la féminisation de ces métiers.

7. Sécuriser le forfait jour

Le forfait jours couvre aujourd'hui 47 % des cadres français, selon le rapport. Ainsi, le droit européen et français doivent être adaptés pour mieux en définir les contours afin d'éviter les litiges. L'une des missions clés des autorités publiques consisterait à "prendre en compte la réalité des modes de travail des salariés connectés à distance et autonomes dans l'organisation de leur travail quotidien, tout en respectant les dispositions proposées par la directive européenne".

Le but : supprimer les déséquilibres observés au sein de la communauté des travailleurs du numérique, notamment en ce qui concerne les temps de repos.

8. Promouvoir l'essaimage digital des salariés

La France dispose de nombreuses entreprises déjà engagées dans la transformation numérique. Parallèlement, de nombreux salariés sont tentés par l'aventure de l'entrepreneuriat, notamment dans le secteur numérique, mais peuvent rester freinés dans leur élan compte tenu du caractère protecteur du CDI.

Selon Bruno Mettling, il faudrait encourager le développement de l'essaimage digital des salariés des entreprises par des dispositifs incitatifs, tant en termes de contrat de travail que d'incitations fiscales à destination des entreprises. Ainsi, les salariés seraient incités à créer leur propre entreprise tout en ayant un "filet de sécurité" pour réintégrer leur entreprise d'origine.

La proposition : l'élargissement du champ d'application du mécénat d'entreprise - en particulier du mécénat de compétences - pour promouvoir l'essaimage digital des salariés.

9. Supprimer les avantages en nature pour les outils numériques

Aujourd'hui, le cadre réglementaire est contraignant et "freine les entreprises qui ont besoin de développer les usages de leurs salariés afin de répondre aux besoins des clients", souligne le rapporteur. Ainsi, la règlementation sur les moyens attribués aux salariés pour leur permettre d'effectuer leur mission dans le cadre du nomadisme devrait être redéfinie et élargie tant pour les prêts de matériels que pour les remises gratuites, sans pour autant impacter l'entreprise tant au niveau de l'IS et de la TVA que de la CVAE.

La proposition : suppression de toute référence aux avantages en nature pour les équipements des salariés (smartphones et tablettes), ainsi que pour certains frais liés au nomadisme.

10. Encadrer l'économie collaborative

L'économie numérique a vu naître des plateformes dans lesquelles une partie du travail, et parfois du capital, nécessaires à la réalisation du service est réalisée, non par l'entreprise à l'origine de la plateforme, mais par une partie de ses utilisateurs. Si, dans la plupart des cas, ce travail reste amateur et ne rapporte presque rien, le rapporteur souligne que certaines personnes en font un métier permettant de percevoir des revenus significatifs. Revenus que doivent être soumis, eux aussi, à des cotisations et des taxes.

La proposition : prévoir une obligation de transmettre toutes les informations nécessaires à l'établissement des droits et des cotisations, pour les plateformes de services qui mobilisent le travail d'une partie de leurs utilisateurs.

11. Créer un socle de droits attachés à la personne

De nouvelles formes de travail, notamment indépendantes, se développent en France. Et la porosité avec une activité salariée classique devient de plus en plus importante : alternative en matière de statuts, mais aussi parfois cumul (un auto-entrepreneur sur trois exerce également une activité salariée pour compléter leurs revenus selon l'Insee).

Pour le rapporteur, il faut favoriser "un développement harmonieux de ces nouvelles formes d'emplois et d'activités, en construisant un socle de droits attachés à la personne et transférables d'une entreprise à l'autre et/ou d'un statut à l'autre, afin de lever les freins à la mobilité intra et inter entreprise."

Point important : l'accès à une protection sociale pour les nouvelles formes de travail se ferait par une participation au financement général de la protection sociale, ce niveau de protection devant être établi en rapport avec le niveau d'activité.

12. Clarifier la qualification de salarié

Pour Bruno Mettling, compte tenu de l'émergence de nouvelles formes d'activité hors salariat, une réflexion doit être portée en France pour réactualiser la jurisprudence relative à la qualification de salarié. Cette évolution pourrait s'appuyer sur l'établissement d'un faisceau de critères élargi (degré d'autonomie du travail, décisionnaire de la rémunération, exclusivité des services du travailleur, etc...) et permettra de qualifier un statut d'emploi comme relevant du salariat, ou, au contraire, du travail indépendant (au sens générique).


13. Un devoir de déconnexion

Savoir se déconnecter est une compétence qui se construit également à un niveau individuel mais qui a besoin d'être soutenue par l'entreprise. Avec l'accès à l'information partout, tout le temps, pour tous, il existe un risque de surcharge cognitive et émotionnelle, avec un sentiment de fatigue, d'excitation. Se pose en creux la question des risques psycho-sociaux, ainsi que l'enjeu de concurrence du temps d'attention disponible. Selon l'auteur, il faut donc encourager, au sein de l'entreprise, différentes démarches, pas forcément juridiques, comme la mise en place de chartes, de configurations par défaut des outils ou encore l'exemplarité des managers.

La mission rappelle également qu'il ne s'agit pas de substituer au droit de déconnexion, le devoir de déconnexion mais bien de le compléter.

14. Une régulation de l'usage des outils du numérique

Cela passe notamment par le développement de dispositifs de régulation interne des usages des outils numériques associant systématiquement les utilisateurs sur le contenu, la finalité et les règles d'utilisation de ces outils, ainsi que la mise en oeuvre des projets.

15. Des espaces de travail propices à la culture digitale

La mission a constaté que la culture digitale (mobilité, collaboratif, ouverture) passe par un effort de reconfiguration des locaux en misant sur la convivialité et la modularité des espaces. La mission insiste sur l'impact de l'espace physique au travail quant à l'implantation d'une nouvelle culture du numérique.

16. Mesurer le temps de travail par la charge de travail

La durée du travail n'est aujourd'hui plus un outil suffisant pour appréhender la contribution de tous les salariés, notamment pour l'économie de la connaissance. Elle peut être utilement complétée par l'évaluation de la charge de travail, des résultats attendus et des moyens associés. Cette mesure de la charge de travail peut en effet un préalable indispensable pour savoir étendre le cas d'usage du forfait jours de façon raisonnable.

17. Intégrer le numérique dans la prévention des risques professionnels

L'arrivée massive des outils numériques et des formes d'organisations du travail qui en découlent mérite en effet une approche innovante de la part des médecins et de l'entreprise en général en termes de prévention, car il s'agit d'une modification des comportements et non d'une simple modification de processus. Le rôle du manager de proximité est aussi déterminant dans la gestion de la santé de ses salariés afin de ne pas mener à un relatif isolement du travailleur.

Les acteurs du réseau de prévention santé doivent être formés aux nouveaux risques psycho-sociaux issus des nouvelles technologies. Cette première dimension devra s'accompagner d'une vigilance particulière à ce que le dialogue social puisse, au sein de l'entreprise, permettre de définir un cadre de travail ainsi que des pratiques et comportements qui sachent intégrer cet enjeu à l'organisation du travail. Pour concrétiser cette vigilance, il sera utile de développer des outils de mesure des conditions de santé et de sécurité au travail, avec la mise en place d'un diagnostic partagé par l'ensemble des acteurs du réseau de prévention, et la fixation d'une périodicité de ces évaluations.

18. L'importance de l'évaluation collective

Afin de permettre la pleine contribution de chaque salarié à travers le plein exercice de ses qualifications et de ses compétences la mise en place de processus d'évaluation du collectif devra s'assurer de trois conditions : la mise en place d'espaces de discussion pour évaluer le contenu du travail et le niveau de performance du collectif de travail avec le manager, afin de favoriser les recherches de solutions communes aux problèmes rencontrés, l'élaboration collective des objectifs pour accompagner une discussion sur les incidences prévisibles et les moyens nécessaires.

19. Diffuser les bonnes pratiques d'organisation du travail à distance

À titre d'exemple, il s'agit de formuler des conditions d'éligibilité au travail à distance justes et claires, de souligner l'intérêt de l'option de réversibilité réciproque pour le managé, afin que le travail à distance ne soit pas vécu comme pénalisant, mais aussi pour le manager, après dialogue avec l'intéressé en cas d'inadéquation manifeste. Il s'agit aussi de fixer une période initiale et réciproque d'adaptation (un à trois mois), de favoriser une modalité de télétravail avec quelques jours collectifs obligatoires de présence physique par semaine, de définir les modalités de coordination (canal, créneaux, horaires...), de limiter les heures de disponibilité du managé à distance, de prévoir une ou des plages de disponibilités à distance du manager pour que le managé ne se sente pas isolé en cas de difficulté, d'instaurer des modes de contrôle du bon investissement du salarié.

La mission préconise par ailleurs que les partenaires sociaux se saisissent d'une modification de l'accord national interprofessionnel sur le télétravail, signé en juillet 2005.

20. Développer avec les collectivités territoriales des tiers lieux

La mission considère que le développement des tiers-lieux au plus près du domicile des travailleurs participerait opportunément de l'aménagement du territoire, dont les collectivités territoriales ont fort intérêt à se saisir. Ainsi, il convient de faire du développement des tiers-lieux une priorité et d'encourager les collectivités locales aussi bien rurales qu'urbaines à multiplier et diversifier ces lieux en s'assurant des conditions d'accès économiquement raisonnables.

21. Clarifier par accord d'entreprise la question de l'imputabilité en cas d'accident du travailleur à distance

Le nécessaire climat de confiance qui doit présider au développement du travail à distance conduit à recommander que, par accord d'entreprise, soit levée toute ambiguïté en cas d'accident survenant pendant les plages horaires travaillées.

22. Intégrer dans la rémunération les efforts d'adaptation des compétences au numérique

Le numérique suppose un effort d'adaptation des compétences important et quasi-permanent. Il est important que ces efforts, à l'initiative des entreprises, puissent être intégrés dans leur politique salariale, en regard des autres composantes de celle-ci (nature de l'emploi détenu, objectifs de performance...).

23. Encadrer l'usage des données relatives aux salariés

Le développement des big data sur la relation client commence à atteindre les données concernant les salariés eux-mêmes. La mission considère que cette approche prédictive peut apporter des progrès (relation personnalisée pour les salariés, amélioration des processus internes) mais aussi des risques importants (contrôle, non-respect de la vie personnelle). Elle recommande donc une disposition législative clarifiant l'usage des données concernant ou provenant des salariés, rendant notamment obligatoire la publication d'une charte des données salariés opposable dans chaque branche et entreprise.

D'une manière plus générale, l'importance que prendra la gestion des données personnelles des salariés invite à consacrer le droit individuel à accéder aux données les concernant et à procéder, le cas échéant, à leur rectification, et à explorer les conditions dans lesquelles ils peuvent avoir accès à ces dernières pour leur propre usage.

24. Généraliser l'utilisation d'outils numériques dans le dialogue social

Dans une logique de simplification et de fluidité du dialogue social, la mission pointe l'importance de l'intégration d'outils numériques dans l'information et la consultation des représentants du personnel. Une manière, selon le rapporteur, de "faire évoluer l'organisation du dialogue social en ouvrant des espaces d'échanges entre salariés, leurs représentants et l'entreprise sur les différents grands sujets de l'organisation du travail". Le numérique pourrait ainsi faciliter la co-construction d'enquêtes et de réponses sociales en interne.

25. Faciliter la communication numérique des partenaires sociaux

Autre proposition avancée : faire en sorte que les représentants syndicaux puissent pleinement utiliser des moyens de communication numériques afin de renforcer leur visibilité auprès des salariés mais aussi d'améliorer l'échange direct avec eux (ex : espace dédié sur l'intranet, abonnement des collaborateurs aux flux RSS des syndicats, plateformes collaboratives, etc.).

La mission insiste en revanche sur l'importance que ces dispositifs soient encadrés par un accord négocié fixant leurs modalités de mise en oeuvre, et que les acteurs soient formés sur les bonnes pratiques à adopter.

26. Passer en mode collaboratif

La transition numérique des entreprises ne se fera, selon le rapporteur, que grâce à la mise en place de processus de co-construction et de co-innovation internes (ex : management participatif, etc.). L'objectif : gagner en agilité et innovation et donc en performance et qualité de vie au travail.

27. Améliorer la recherche et les expérimentations

L'auteur défend le renforcement de travaux de recherche en sciences humaines et sociales plus prospectifs sur les mutations du travail liées à la transition numérique, financés notamment via le programme des Investissements d'avenir. Il recommande en parallèle de mener des expérimentations "à l'échelle des entreprises, d'une branche ou d'un territoire".

28. Intégrer la transition numérique à l'agenda de la Conférence sociale

Afin de coordonner au mieux un plan d'actions national sur cet enjeu, le rapport propose que l'impact de la transformation numérique sur la vie au travail figure à l'ordre du jour de la prochaine Conférence sociale des 19 et 20 octobre 2015. Un moyen efficace pour dégager "un paradigme français de la société numérique", face à de potentielles dérives.

 
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