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Les meilleurs extraits du Journal d'un salaud de patron

Publié par Eloïse COHEN le - mis à jour à
Les meilleurs extraits du Journal d'un salaud de patron

Julien Leclercq sort Journal d'un salaud de patron aux éditions Fayard. Soit les tribulations d'un dirigeant de PME face à son quotidien. Anecdotes, qui va de la recherche d'idéal au licenciement d'un salarié.

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Extrait 1 : Le patron idéal est un Saint-Bernard

Le patron idéal doit à la fois être à l'écoute de ses équipes, savoir se remettre en question et être un bon manager. Il doit également savoir décider vite : oui ou non, mais tout de suite. Je ne suis pas surpris après avoir lu cela de découvrir que les deux tiers de nos compatriotes souhaitent que leur boss soit plus préoccupé par leur bien-être que par le chiffre d'affaires de la société. Il paraît loin le patron "à l'ancienne"... Sauf que, un peu plus tard, la même étude demande aux Français quel animal représenterait ce supérieur idyllique et que le grand gagnant poilu est un saint-bernard. Une preuve que, malgré tout ce qui précède, le paternalisme n'est pas à jeter aux orties. Car, s'il y a une condition sine qua non pour qu'un salarié soit à l'aise dans son univers professionnel, c'est bien qu'il s'y sente en sécurité. Ayant pendant des années dirigé une entreprise en sursis, je ne peux que confirmer cette donnée. Pour rendre mes équipes heureuses, j'ai commencé par tout faire pour qu'au quotidien, ils oublient notre situation financière.

Extrait 2 : Créer en France ou à l'étranger ?

Jonathan m'attend déjà au bar du Pullman quand j'arrive. Invariablement affublé d'un pantalon gris clair trop grand pour lui et d'une chemisette bleue bien trop petite, cet entrepreneur breton est mon ami depuis près de dix-huit mois. Je l'avais rencontré à l'occasion d'une conférence lors de laquelle il avait témoigné de la difficulté qu'il avait à décrocher des subventions. Dirigeant d'une agence web, il avait multiplié les rendez-vous avec les collectivités pour monter un projet de site. Sans succès. D'après ce que j'ai compris sur son sms m'invitant à le rejoindre, c'est de ce projet dont il souhaite me parler aujourd'hui. Comme à son habitude, Jo m'accueille avec une franche accolade.

"Ah ça fait du bien de te voir ! Dis-moi, t'as pas maigri toi. Faudrait voir à arrêter les hamburgers. Bon enfin, on n'est pas là pour parler de notre ligne, pas vrai ? Je voulais te voir, tu te souviens mon projet de photothèque ?

- Merci Jo, si ça te va on va laisser ma silhouette de côté. Bien sûr que je me souviens de ton projet. Y a du neuf ?

- Un peu qu'il y a du neuf ! Je t'avais raconté mon parcours du combattant ? Huit mois à monter et défendre un dossier, pour un nouveau service Web. Une dizaine d'emplois à la clé, un nouveau secteur d'activité, bref l'extase a priori, sauf que tout avait été retoqué. Plus de budget, qu'on m'a dit.

- Oui, oui, je m'en souviens bien.

- Je t'ai raconté que ma nana était à moitié polonaise ?

- Peut-être, je ne sais plus. C'est quoi le rapport ?

- Attends, tu vas voir. L'été dernier, nous sommes allés passer quinze jours là-bas, avec sa famille. Figure-toi qu'au milieu de nos vacances il y a eu une grande réception à l'ambassade de France, à laquelle j'ai été convié par l'intermédiaire de mon beau-père qui connaît la cousine de... bon enfin bref, désolé. J'y suis allé, et j'ai pu discuter une dizaine de minutes avec la nana qui s'occupe des PME pour le gouvernement français. Ou qui s'occupait, je sais plus trop, moi, tu sais, la politique... Je lui parle de mon projet, elle le trouve génial et me demande si je n'ai pas envisagé de le monter là-bas.

- En Pologne ?

- Oui, en Pologne ! Donc là, je me dis banco, on tente le coup. J'ai pris exactement le même dossier, et j'ai fait mes demandes de subventions pour monter mon truc là-bas. Ben tu sais quoi ?

- Vu ta tronche, je dirais que tu l'as eu, ton argent...

- Affirmatif !

- C'est génial ça, félicitations !

- Bien sûr que c'est génial, mais quand même, c'est un peu con.

- Là, je ne te suis plus.

- Julien, je monte un dossier pour créer un business en France, qui créerait de l'emploi en France. La France ne peut pas me prêter. Quelques mois plus tard, je présente le même dossier pour embaucher des Polonais en Pologne. Et là, la France me donne. Tu trouves pas ça un peu con, toi ?"

Extrait 3 : Recrutement

J'enchaîne difficilement avec un "Moi-je-voulais-faire-directrice-artistique-mais-je-ne-trouve-pas-alors-bon-je-suis-obligée-de-revenir-à-l'iconographie-je-veux-bien-faire-ça-pour-vous-si-vous-voulez" auquel je n'accorde pas plus de temps qu'il n'en faut, puis parle avec une jeune femme qui m'explique qu'elle serait ravie de prendre le poste... mais :

- L'été je fais une pause.

- Oui, bien sûr, vous aurez des vacances, comme tout le monde. D'ailleurs chez nous, c'est six semaines par an.

- Les miennes seront plus longues.

- Comment ça, plus longues ?

- Il me faut trois mois au minimum.

- Hein ??

- Je suis fan de musique, vous savez, alors je dois faire la tournée des festivals, de juin à septembre. Et puis déjà que j'aurai bossé le reste de l'année...

Extrait 4 : licenciement

Je suis en colère, bien sûr, mais sais que ce sentiment ne m'habitera pas longtemps, et laissera place à un autre. J'ai rendez-vous à notre bureau parisien pour annoncer à l'un de nos salariés que nous allons devoir mettre fin à son aventure chez nous. Une décision terrible, la plus difficile qui puisse jalonner le parcours d'un entrepreneur. En tout cas lorsque l'on dirige une PME et qu'on laisse l'affectif entrer dans la vie de celle-ci.

Après avoir dormi moins de quatre heures, après avoir discuté économie avec un acteur majeur du monde politique français, après avoir pesté contre un voleur à la sauvette, pris deux métros et un taxi... me voilà enfin assis sur une chaise, dans un environnement a priori favorable puisque celui de mon bureau. Pourtant je ferais tout pour être ailleurs. Oui, partout ailleurs que devant cet homme que je respecte, pour ce qu'il est et pour ce qu'il fait. C'est un mec bien, qui fait bien son boulot mais auquel je suis obligé de dire que c'est fini parce que j'ai perdu un contrat important.

Une décision à peine plus facile à porter parce qu'au moins je la partage avec mes compagnons du comité de direction, qui sont en train de vivre un moment pareillement douloureux du côté d'Astaffort, ce matin. Je cache mes larmes, très ému, extrêmement déçu de ne pas pouvoir proposer une autre fin de carrière à ce salarié qui ne demandait que trois ans de plus pour arriver à la retraite. Je lui dis combien on l'apprécie, qu'évidemment rien de tout cela ne vient remettre en cause ses qualités. Mais rien n'y fait, et rien n'y fera, je sens qu'il m'en veut. Je le comprends et je sais que c'est sain.

L'auteur

À 33 ans, Julien Leclercq dirige l'agence de presse et de communication Com'Presse, située à Astaffort (Lot-et-Garonne). Blogueur et auteur de Chronique d'un salaud de patron (Les Cavaliers de l'orage, 2013), il est également le fondateur du mouvement des Déplumés. Journal d'un salaud de patron est son deuxième essai.


 
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