Retour à l'emploi : la grande illusion.

L'histoire se répète, mais jamais tout à fait de la même manière. En 2019, le Covid-19 avait forcé les gouvernements à confiner leur population pendant des mois. Le télétravail devenait la règle en 48 heures accélérant de 5 ans la transition digitale de la quasi-totalité des entreprises, avec succès. En février 2031, face au Desperado Virus, la réaction a été similaire mais les effets sont différents. Confinement instantané de 2 semaines seulement, modélisation prédictive des vaccins par l'intelligence artificielle boostée par les ordinateurs quantiques de seconde génération, mise sur le marché express en 3 semaines, produits et distribués en 4 jours sous forme de gélules. L'humanité a bien gagné la bataille sanitaire. Mais elle ne s'attendait pas à perdre la bataille économique.

Car cette fois, ce n'est pas le confinement qui a paralysé l'économie. C'est l'intelligence artificielle. En moins d'une semaine, les IA génératives, cognitives, décisionnelles, toutes armées par les avancées quantiques, ont été déployées dans les entreprises pour remplacer purement et simplement les humains.

Jusque-là, la loi "bouclier IA" votée en 2028 freinait ce remplacement, imposant taxes et régulations sur l'usage de l'IA sur les postes de travail. Mais face à l'urgence sanitaire, en catimini, sous l'ombrelle de "l'adaptation nécessaire", le gouvernement a suspendu la loi. Le barrage a cédé pour un temporaire qui devrait durer. Les entreprises, déjà prêtes, s'y sont engouffrées, les éditeurs sont les grands gagnants de la dérégulation de l'IA.

Le résultat est sans appel : en quatre mois, le management intermédiaire semble être décimé. Les chaînes de production sont en pleine transformation, les services comptables, la relation client et les hotlines passent au 100% IA... partout où la décision et la relation client pouvaient être automatisées, elle l'a été.

Vers un nouvel ordre économique et social

Les entreprises affichent aujourd'hui une rentabilité record. Mieux encore : certaines versent, à grand renfort de communication bien rodée, des allocations de non-retour au travail à leurs anciens salariés pour maintenir la paix sociale. Il coûte moins cher de payer les gens à rester chez eux que de maintenir des structures humaines lourdes. L'immobilier de bureau vit sa pire période de tous les temps. 18% des baux ont déjà été cédés d'après les organisations professionnelles du secteur, définissant une tendance lourde sur le long terme.

L'État, lui, observe. Il planche actuellement sur la mise en place d'un Revenu Universel d'Inactivité (RUI). Une allocation pour tous ceux dont le métier a été, littéralement, supprimé. Une simple reconnaissance du fait que le travail humain, tel qu'on l'a connu, n'a plus la même valeur. Le RUI s'annonce comme la première brique d'une nouvelle économie, une économie de transition, où l'humain n'est plus indispensable pour faire tourner la machine.

Alors que les vacances d'été approchent, une partie des Européens s'apprête à prendre du "repos"... sans savoir s'ils retrouveront un jour leur place dans ce nouveau monde. La pandémie du Desperado Virus a pris fin rapidement. Mais la pandémie technologique, elle, ne fait que commencer.

L'été sans horizon

Le taux de retour à l'emploi est si bas qu'il ne s'agit plus d'une crise temporaire. C'est un nouvel ordre structurel. Ceux qui espéraient "reprendre comme avant" devront réviser leurs attentes. Les 23 % d'actifs encore en poste se concentrent dans quelques métiers physiques, les soins, les services à la personne, là où l'IA peine encore à remplacer le contact humain.

Mais pour combien de temps ? Le spectre de l'inutilité programmée plane sur l'été 2031. La pandémie sanitaire est derrière nous. Mais la pandémie économique, elle, pourrait redessiner durablement nos sociétés.

L'Europe se prépare à un été étrange. Un été d'abondance économique... mais de vacuité humaine.

Par Vincent C. pour le Journal de l'Entreprise Libre

Vincent Caltabellotta est un entrepreneur, un auteur et un conférencier spécialiste de l'avenir des entreprises et du commerce.