Reconversion : bifurquer oui mais pas n'importe où, ni n'importe comment
Dans son livre "Se reconvertir, trouver sa voie professionnelle pour les nuls", Laurence Bourgeois passe en revue les questions à se poser quand on veut changer de voie, d'orientation ou se lancer dans l'aventure entrepreneuriale. Un ouvrage simple et didactique dont voici un premier extrait.
Je m'abonneAffirmer qu'il existe de bonnes et de mauvaises reconversions n'aurait aucun fondement et aucun sens. En effet, tout dépend de vos objectifs. Toutefois, une reconversion raisonnée, initiée de façon posée et structurée, et qui offre toutes les chances d'être couronnée de succès, n'échappe pas à un certain nombre de critères.
- Elle doit vous laisser entrevoir un degré de satisfaction au moins égal à celui que vous procure votre situation professionnelle actuelle. Comme le recommande l'auteur Laurent Lagarde, « pour mettre à jour d'autres solutions, vous pouvez (...) raisonner en termes de besoin à satisfaire ». Pour ce faire, il suggère d'identifier « le besoin profond que votre solution originelle cherche à satisfaire. Généralement, la réponse tient en un mot : sécurité, respect, reconnaissance... Posez-vous ensuite la question de savoir ce que sont toutes les solutions qui peuvent contribuer à satisfaire ce besoin ».
- Elle impose d'identifier les points sur lesquels vous n'accepterez jamais de transiger (et également ceux qui vous paraissent acceptables). Lesquelles de vos valeurs ne supportent pas d'être bafouées ? Quel est votre seuil de tolérance ? Comment réagiriez-vous si vous les outrepassiez ?
- Elle correspond à vos goûts, à vos désirs, à vos objectifs de vie.
- Elle émane soit d'un désir enfoui, soit d'un brainstorming au cours duquel vous aurez pris soin de ratisser le champ des possibles. Libérez votre créativité ! Listez un maximum d'issues envisageables, de la plus raisonnable à la plus farfelue.
- Elle vous porte vers ce que vous voulez vraiment plutôt que de représenter une fuite de la situation actuelle. Définir ce que l'on souhaite n'est pas toujours facile, dans la mesure où nous présentons une tendance naturelle à nous raccrocher aux éléments que nous connaissons, persuadés qu'eux seuls nous maintiennent en équilibre.
- Elle doit être compatible avec vos contraintes et, donc, rester réaliste. Vous lancer dans une nouvelle activité en décalage complet avec vos contraintes personnelles ou professionnelles du moment, c'est prendre le risque d'entrer en conflit avec vous-même et, par la même occasion, de trouver un bon prétexte à votre immobilisme !
Dresser un état des lieux de la situation
Parfois, un outil vaut mieux qu'une longue explication. C'est donc sur le « Score », outil de diagnostic proposé en coaching individuel ou collectif, que je souhaite ici m'arrêter.
Le Score est un outil de construction mentale qui permet :
- d'élaborer un vrai diagnostic de situation, utile par exemple avant de se lancer dans un nouveau projet ;
- de passer d'un espace problème (« je ne veux plus ») à un espace solution (« je veux ») ;
- de prendre conscience de vos freins et de vos ressources.
L'outil Score
À gauche (causes et situation) se trouve la zone d'exploration de la situation présente (espace problème) ; à droite (objectif et effets) celle des futurs possibles (espace solution).
Identifier ses ressources mobilisables
Les ressources d'un individu regroupent ses compétences (savoirs, savoir-faire, savoir-être), ses talents (ce qu'il réalise bien et sans effort), ses appétences (ce qu'il aime faire... et donc ce qu'il a toutes les chances de bien faire !), ses zones d'apprentissage (qui représentent autant de vides à combler en termes de connaissances ou de savoir-faire), ses supports (familiaux, environnementaux, financiers, etc.), et plus généralement toutes les opportunités qui s'offrent à lui.
De quelles ressources avez-vous besoin pour atteindre votre nouvel objectif professionnel ?
La ligne de vie, outil très largement utilisé en coaching pour revisiter son passé afin de mieux construire son avenir, représente un très bon moyen d'identifier ses ressources mobilisées (et donc mobilisables) de façon récurrente.
Plus concrètement, cet outil permet :
- de prendre conscience de ce que vous avez accompli, en essayant de rapprocher les événements, d'identifier des schémas répétitifs (qu'ils soient positifs ou négatifs),
- de vous projeter vers l'avenir, en vous appuyant sur votre passé (facteurs clés de réussite à reproduire, causes d'échecs à contourner).
La ligne de vie
Tracez deux axes.
Sur l'axe des abscisses, indiquez les grandes réussites de votre vie professionnelle et personnelle (entourées sur le schéma).
Concentrez-vous uniquement sur les « sommets », placés au-dessus de l'axe des abscisses.
Identifiez à présent les ressources que vous avez mobilisées pour remporter ces victoires : existe-t-il des récurrences (scenarii) ? Les mêmes facteurs clés de réussite et ressources sont-ils mobilisés ?
Après avoir mis en lumière les réussites et le contexte de leur réalisation (lieu, comportement adopté, ressources mises en oeuvre, croyances aidantes, besoins satisfaits), faites une synthèse de l'ensemble de ces points forts.
Comme le soutient notre champion olympique de ski acrobatique Edgar Grospiron : « Lorsque l'on ne connaît pas ses forces, on ne sait pas sur quoi s'appuyer. Cela engendre des doutes, parfois bénins, parfois destructeurs, et enrôle dans une spirale d'échec inéluctable. [...] L'objectif est de savoir localiser ce qu'on identifie comme talent et de s'appuyer dessus. »
Les finances, un alibi de poids
Nombreux sont les freins qui peuvent nous empêcher d'emprunter une nouvelle voie professionnelle, aussi attachés soyons-nous à ce projet. Manque de confiance en nous, peur de l'inconnu, doute sur nos capacités d'apprentissage, environnement familial peu aidant, échecs antérieurs... la liste des barrières qui, consciemment ou non, se dressent devant nous, semble illimitée.
D'expérience, le frein financier est sans doute le premier motif invoqué pour justifier de rester dans un statu quo professionnel : « Je ne peux pas faire n'importe quoi car je suis seul(e) à supporter financièrement le foyer », « Aujourd'hui, je gagne bien ma vie, mais demain, si je me lance, cela ne sera plus le cas », « On a les études des enfants à payer, il ne faut pas faire n'importe quoi », etc.
Quand elles parviennent à remonter le fil de leur histoire, il n'est pas rare de constater que ces personnes sont aussi celles qui s'interdisent l'exercice d'une passion qui dure depuis l'enfance, sous prétexte que les leçons de violon qu'on aurait aimé prendre coûtaient trop cher. « Généralement réduit à son unique dimension économique, l'argent apparaît comme un objet qui nous demeure extérieur », note la psychanalyste Luce Janin-Devillars.
Sous l'emprise de cet objet, l'imaginaire finit par se rigidifier.
Ces raisons sont peut-être très valables, et les besoins financiers (premiers besoins – besoins de sécurité – à satisfaire chez tout individu selon la pyramide de Maslow) sont à prendre en considération.
Mais n'oubliez pas que toute reconversion ne pourra se construire que si vous avez écarté vos « vraies » problématiques financières et si vous vous placez dans un état d'esprit positif.
Les rêves ne se réalisent que sur un terreau fertile en énergies positives et pauvre en émotions paralysantes : peur, anxiété, découragement, doute, impuissance, etc.
Attention aux fausses bonnes raisons qui ne seraient que des prétextes récurrents, dont la seule vocation consisterait finalement à laisser filer vos envies.
Pour en savoir plus
"Se reconvertir pour les nuls, changer de voie professionnelle", de Laurence Bourgeois, éditions First, septembre 2021, 7,99 €