Reconfinement : quelle gestion des salariés ?
Comme pour le premier confinement, cette nouvelle période de crise complexifie l'organisation des ressources humaines. Entre cadre légal et situations spécifiques, voici quelques pistes pour traverser au mieux ce moment un peu délicat.
Je m'abonne" Il est certain que ce nouveau confinement, avec son lot d'adaptations et d'attestations, génère une surcharge de travail non négligeable ", souffle Caroline Boullier, CFO de l'entreprise Capsum, spécialisée dans la fabrication de produits cosmétiques (180 salariés, CA 2019 : 33 M€). Elle note néanmoins que la situation est moins " catastrophique " que lors du premier épisode de confinement. " En mars dernier, nous avons été pris de court. Aujourd'hui, nous avons appris autant sur l'organisation permettant de respecter les gestes barrières que sur les démarches administratives ou le télétravail. "
Télétravail : entre réglementation générale et situations individuelles
Lors du premier confinement, les entreprises avaient en effet organisé en urgence la mise en place du travail à distance. La très grande majorité des salariés qui n'avaient pas d'obligation absolue d'être sur site avaient ainsi été placés en télétravail, avec l'adhésion de la plupart d'entre eux.
Le contexte sanitaire incertain, associé à la demande de beaucoup de salariés, a d'ailleurs incité un grand nombre d'entreprises à enclencher une démarche de télétravail plus durable, en actant la mise en place pérenne de quelques jours de remote par semaine.
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Mêmes causes, mêmes conséquences avec ce deuxième confinement, même s'il est, pour l'heure, moins strict que le premier.
A l'attention de ceux qui n'auraient pas compris, la ministre du Travail Elisabeth Borne a été claire : " Le télétravail n'est pas une option. " Tous ceux qui le peuvent doivent donc télétravailler 5 jours sur 5. La ministre a même évoqué des sanctions pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu. " Nous ne savons pas exactement quelles sanctions pourraient être appliquées, il n'existe pas (encore ?) de texte réglementaire sur le sujet. En revanche, nous savons que des risques pénaux et civils existent pour les employeurs qui ne placeraient pas en télétravail complet tous ceux qui pourraient l'être, précise Elvira Martinez, avocate au sein du cabinet juridique FTPA. Ils pourraient être poursuivis pour mise en danger de la vie d'autrui et/ou violation des obligations de sécurité. "
Idem, de façon plus générale, sur la mise en oeuvre rigoureuse du protocole sanitaire qui relève de la recommandation, mais qui permet d'exempter les entreprises de la plupart des risques.
Mieux vaut donc se conformer aux consignes gouvernementales ! Sauf que la situation semble aujourd'hui plus complexe qu'au printemps. L'adhésion des salariés au télétravail intégral est nettement moins massive que lors du premier confinement. " Pour le premier confinement, c'était un peu l'aventure pour des salariés qui ne connaissaient pas du tout le télétravail. Ils paraient à l'urgence. Aujourd'hui, nous sommes dans l'incertitude. Les salariés se lassent. Et puis, pour certains, le télétravail total avait été compliqué la première fois ", analyse Eric Lhomme, directeur Activités Stratégies RH au sein du cabinet Oasys Mobilisation.
Dans ces conditions quelle doit-être la position de l'employeur ? " Si le salarié vient quand même sur site alors que son responsable lui a indiqué qu'il devait faire du télétravail, l'insubordination pourrait être évoquée, une sanction disciplinaire est envisageable. Mais il faut bien comprendre que si le salarié ne veut pas télétravailler, c'est parce qu'il est en souffrance. Lorsque la crise sera terminée, l'entreprise aura besoin de toutes ses forces pour la relance. Plutôt que de sanctionner le salarié, mieux vaut donc l'accompagner ", insiste Elvira Martinez.
Jean-Marc Morel, associé du cabinet RSM, responsable du pôle social, se veut lui aussi pragmatique : " Il y a deux conditions à la possibilité de télétravailler à 100% : celle du besoin ou non de la présence sur site pour la continuité de l'activité et celle de la possibilité technique/morale du salarié de télétravailler. Dans tous les cas, il faut absolument éviter que l'entreprise impose au salarié une présence sur site si elle n'est pas absolument justifiée. "
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Maintenir le lien
Au-delà des aspects juridiques, télétravail rime avec management à distance. Et dans une configuration où la motivation pour un télétravail intégral est plutôt en berne, le sujet du management devient encore plus central. " Les managers doivent être extrêmement vigilants. D'ailleurs, lors du premier confinement, on voyait beaucoup d'humour sur les réseaux sociaux et dans les réunions. C'est beaucoup moins le cas aujourd'hui, souligne Eric Lhomme. Le manager doit continuer à créer des rites, du lien, etc. "
Un lien qu'essaie justement de maintenir Frédéric Pacotte, dirigeant de la start-up MyBus en Haute-Loire (18 salariés), positionnée sur la billettique dématérialisée. " En mars, nous avons mis en place un télétravail total. Idem sur ce reconfinement, sauf exceptionnellement pour ceux qui sont en souffrance. Je constate qu'il y a un peu moins d'entrain qu'en mars, les salariés connaissent les difficultés. Mais nous avons appris du premier confinement, nous essayons à tout prix de maintenir la cohésion d'équipe pour préserver le plaisir de travailler ensemble. "
Le casse-tête des plannings
Autre casse-tête des chefs d'entreprises et des cadres en charge des RH : la gestion des plannings. Les absences pour maladie ou pour situation de cas contacts se multiplient un peu partout en France. " Oui, il y a plus d'absences qu'en temps normal mais nous nous adaptons, d'autant que cette fois les commandes se maintiennent à un bon niveau. Notre priorité est de poursuivre l'activité tout en préservant la santé des salariés ", commente Caroline Boullier, Daf de Capsum. Pour Jean-Marc Morel, nul doute : " Le contexte devrait accélérer la mise en place d'outils de gestion de planning dans les entreprises qui n'en seraient pas encore dotées. "
La problématique des plannings est accrue dans les grandes villes où les horaires des salariés ne pouvant télétravailler doivent être étalés afin de permettre des flux plus légers dans les transports en commun. C'est le cas à Lyon par exemple. Fasteesh, avec ses 16 salariés fabriquant un dispositif innovant de brossage de dents, avait déjà adapté les horaires lors du premier confinement pour pallier cette problématique. Et n'était pas revenue en arrière depuis pour faciliter la vie quotidienne de ses salariés, selon son fondateur, Benjamin Cohen.
Bon à savoir
- En télétravail : les titres restaurants restent dus. L'employeur est également tenu de prendre en charge les frais professionnels. En revanche pas d'obligation concernant le chauffage, l'électricité, etc.
- Les modifications des horaires des salariés n'entrainent pas forcément d'avenant au contrat de travail. Une note de service est suffisante dans la plupart des cas.
- Les employeurs peuvent désormais proposer des tests antigéniques aux salariés volontaires. Attention, ils doivent être réalisés dans le cadre très strict du secret personnel.