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Retour au bureau : le grand malentendu

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Retour au bureau : le grand malentendu
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Les entreprises françaises ont relancé la marche arrière. Après cinq années de télétravail et de modèles hybrides, près de 80 % des salariés affirment être soumis à une pression explicite pour revenir au bureau. Un retour qui, dans bien des cas, ne s'accompagne ni de meilleures conditions, ni d'un vrai sens.

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En 2020, la pandémie avait brutalement imposé un nouveau paradigme professionnel. Cinq ans plus tard, le travail hybride s'est inscrit dans les habitudes... mais visiblement pas dans les mentalités. Une étude récente menée par Owl Labs, spécialiste des technologies collaboratives, révèle une pression croissante exercée sur les salariés français pour revenir sur site, dans un contexte de déconnexion croissante entre attentes des équipes et politiques managériales.

Présentiel imposé, motivation en berne

Selon l'enquête conduite en avril 2025 auprès de plus de 1 000 salariés français, 76,1 % d'entre eux ont reçu une consigne explicite de retour au bureau. Près d'un quart (23,9 %) doit même être présent cinq jours par semaine. Un retour en force qui tranche avec les pratiques installées depuis la crise sanitaire : aujourd'hui encore, 72 % des collaborateurs participent chaque jour à des réunions virtuelles, indépendamment de leur localisation.

Le décalage est d'autant plus flagrant que la performance, elle, ne semble pas remise en cause. Près de 44 % des salariés affirment que le travail hybride ou à distance a amélioré leur capacité à tenir les délais. L'étude souligne également un autre paradoxe : 86 % des personnes interrogées rencontrent encore des difficultés techniques récurrentes lors des visioconférences - problèmes de connexion (34,4 %), matériel défectueux (26,4 %), lenteur de lancement (24,1 %). Autrement dit, ce ne sont pas les modèles hybrides qui freinent la productivité, mais l'absence d'investissements adaptés.

Une régression sociale silencieuse

L'obligation de présence physique ne passe pas inaperçue auprès des salariés - et encore moins auprès des jeunes générations. Plus d'un sur deux (56,7 %) envisagent aujourd'hui de changer d'emploi. Le retour au bureau est vécu comme un recul des acquis, sans réelle contrepartie. À la logique de contrôle s'oppose une aspiration croissante à la responsabilisation.

Ce que veulent les salariés ? Des horaires aménageables (pour 27,7 %), des journées plus flexibles (33,1 %), et la possibilité d'ajuster leur emploi du temps en fonction de leurs contraintes personnelles. Des attentes qui résonnent d'autant plus fortement que les déserts médicaux et la pression sociale rendent ces ajustements indispensables : deux salariés sur trois se déclarent à l'aise avec l'idée de s'absenter jusqu'à une heure dans la journée pour des tâches personnelles, sans que cela ne nuise à leur productivité.

La flexibilité, une promesse à géométrie variable

Si la demande de souplesse est unanime, sa mise en oeuvre reste inégale. 15,6 % des salariés estiment que la flexibilité n'est pas distribuée équitablement dans leur entreprise. Elle serait réservée aux cadres supérieurs (10,2 %), modulée selon le site géographique (7 %) ou appliquée de manière aléatoire (6,6 %). Résultat : un climat de défiance s'installe. 14,2 % des salariés affirment nourrir du ressentiment envers leur entreprise à cause de cette inégalité de traitement. Une tension silencieuse, mais corrosive.

Pour les managers, cela implique une refonte de leur rôle : de superviseurs, ils doivent devenir facilitateurs. Or, beaucoup ne sont ni formés ni accompagnés dans cette transition. Résultat, les résistances s'installent, les décisions restent verticales, et les pratiques se figent.

Bureaux inadaptés, démotivation assurée

Le retour au bureau pourrait-il être mieux perçu si les conditions de travail suivaient ? Rien n'est moins sûr. L'étude Owl Labs pointe des lacunes structurelles dans l'aménagement des espaces professionnels : 20,8 % des salariés jugent leur environnement de travail trop bruyant, 20,7 % dénoncent un manque d'ergonomie, et 18,3 % évoquent des technologies obsolètes. Autant de facteurs qui freinent l'envie - voire la possibilité - de se réengager physiquement.

Ce désalignement révèle une erreur stratégique : imposer une présence sans améliorer les conditions concrètes revient à ajouter une contrainte sans apporter de solution. Un cocktail explosif pour la fidélisation.

L'IA : espoir technique, crainte sociale

Alors que les entreprises investissent dans les outils numériques, l'intelligence artificielle devient un enjeu central. 56,4 % des salariés disent être encouragés à l'utiliser dans leur quotidien professionnel. Mais l'adoption reste partielle : un tiers n'y a pas encore accès, et les bénéfices perçus restent modestes (22,2 % se disent un peu plus efficaces grâce à l'IA, 16,5 % beaucoup plus).

Surtout, la technologie suscite des peurs très concrètes : 36 % des répondants redoutent un impact négatif sur leur carrière. Remplacement pur et simple (10 %), besoin permanent de formation (10 %), réduction des opportunités d'évolution (8,5 %), voire licenciement (10,6 %). Autant d'angoisses qui doivent être anticipées par des politiques RH proactives.

Changer de logiciel managérial

L'enseignement principal de l'étude Owl Labs est limpide : les freins ne sont pas techniques, mais culturels. La défiance vis-à-vis du télétravail, la rigidité hiérarchique et le manque de reconnaissance de la maturité des salariés forment un terreau de désengagement. À l'heure où la guerre des talents reprend de plus belle, continuer à ignorer ces signaux reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

Réinventer le management, repenser les espaces, instaurer une flexibilité équitable et mieux intégrer les outils numériques : voilà les chantiers urgents pour éviter une crise silencieuse mais profonde. À défaut, la fuite des compétences et la baisse d'implication pourraient s'accélérer, mettant en péril bien plus que la productivité : la pérennité même de l'entreprise.




 
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