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Forfait jour : pourquoi revenir aux 35 heures ?

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Forfait jour : pourquoi revenir aux 35 heures ?

Les salariés rémunérés pour un nombre de jours sur l'année, qui obtiennent en justice la nullité de leur forfait-jours, bénéficient d'heures supplémentaires comme s'ils étaient rémunérés pour 35 h. La condamnation des employeurs, très coûteuse, est parfaitement injustifiée. Voici pourquoi.

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Un salarié, qu'il soit cadre ou agent de maîtrise, peut être soumis, en matière de durée du travail, à un régime de forfait-jours aux termes duquel il travaille "x" jours par an en fonction des stipulations des conventions et accords collectifs - dans la limite de 218 jours - sous réserve qu'il dispose d'une réelle autonomie dans l'organisation de son temps de travail. Sa rémunération est alors forfaitaire pour le nombre de jours travaillés au cours de l'année. Aussi les avocats d'entreprise interpellent-ils régulièrement les tribunaux : pourquoi un salarié payé pour travailler 218 jours par an bénéficierait-il des heures supplémentaires comme s'il travaillait 35 heures par semaine ?

Quelles sont les conditions pour la validité d'un tel système ?

Le 29 juin 2011, la Cour de cassation a apporté une réponse claire à cette question . Pour que le salarié puisse valablement être soumis à un régime de forfait-jours :

  • Il doit signer une "convention individuelle de forfait" précisant les conditions applicables, soit dans son contrat de travail d'origine, soit par avenant à ce contrat si la convention de forfait-jours est convenue ultérieurement
  • Les conditions d'organisation du forfait-jours doivent être prévues soit par un accord collectif de branche, soit par un accord d'entreprise, soit par une décision unilatérale de l'employeur
  • L'employeur doit, non pas décompter les heures de travail du salarié, mais, ce qui s'en approche, s'assurer que le salarié respecte les temps de repos obligatoires (11 h par jour et 35 h en fin de semaine, soit un jour de repos de 24 heures auxquelles s'ajoutent les 11 heures de nuit) et des durées de travail raisonnables (un arrêt de la Cour de cassation ayant même pu imposer le respect des durées maximales du travail )
  • En outre, pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, l'employeur doit s'assurer que l'amplitude et la charge de travail de ce dernier restent raisonnables, que l'équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée est respecté, que son travail est bien réparti dans le temps et que sa rémunération est en adéquation avec sa durée réelle de travail.
  • Par ailleurs, l'employeur doit tenir au moins un entretien annuel sur ces sujets avec le salarié selon la loi ; toutefois, cela n'est pas suffisant en pratique ; la jurisprudence de la Cour de cassation lui impose de vérifier régulièrement la charge de travail du salarié pour s'assurer, au cours de l'année, que celle-ci reste raisonnable, et ce afin de prendre rapidement des mesures pour rattraper la situation le cas échéant. Il doit donc mettre en oeuvre les mesures très concrètes permettant d'assurer la santé et la sécurité du salarié.

Ces obligations sont lourdes et difficiles à mettre en oeuvre en pratique...

De nombreux employeurs sont donc contraints de s'en affranchir en partie. Or, les conséquences financières, lorsque le sujet est porté au contentieux, sont totalement disproportionnées par rapport à la réalité des faits et au préjudice subi par le salarié.

En effet, de nombreux salariés soumis au forfait-jours qui contestent, à tort ou à raison, la validité de leur licenciement, en profitent pour contester dans le même temps la validité de leur convention de forfait. Moyen plus ou moins affiché et plus ou moins efficace d'augmenter leurs chances d'obtenir, au terme de la procédure contentieuse, des dommages-intérêts. Généralement, le motif tient à l'insuffisance du suivi par l'employeur de la charge de travail du salarié.

Quelle conséquence

En cas de non-respect par l'employeur de l'ensemble de ses obligations citées précédemment, la convention de forfait individuel en jours est jugée nulle. Ainsi, en concluent les tribunaux, puisqu'il n'est pas valablement soumis à un régime individuel particulier (le forfait-jours), le salarié est alors considéré comme soumis à la durée légale du travail (35 heures) ! 35 heures pour un salarié qui a été rémunéré en fonction d'une durée du travail imprécise et parfois difficile à contrôler, par exemple pour les itinérants.

C'est là que le bât blesse !

S'il peut démontrer son horaire précis de travail, le salarié réclame alors, sur trois ans, le paiement d'heures supplémentaires décomptées au-delà de 35 heures hebdomadaires avec les majorations applicables et le paiement de la contrepartie obligatoire en repos, auxquels s'ajoutent l'indemnité de congés payés afférents et le recalcul de plusieurs sommes assises sur le salaire (treizième mois, prime d'ancienneté etc). Le salarié en profite pour réclamer également des dommages-intérêts pour atteinte à la santé du salarié, pour non-respect de la durée du travail, pour travail dissimulé, etc. Par conséquent, si l'employeur n'est pas en mesure de justifier clairement des temps de travail du salarié jour par jour et semaine par semaine, la facture est extrêmement lourde pour lui alors que la réclamation du salarié est bien souvent purement opportuniste, n'ayant jamais même songé avant son licenciement à contester sa durée du travail. C'est la frustration de beaucoup d'employeurs qui sont surpris de découvrir ce type de réclamations de la part de salariés qui n'ont jamais rien dit et ajoutent les heures supplémentaires et tout ce qui en découle à leur contestation de leur licenciement.

Autrement dit, une injustice

Ce qui apparait comme une injustice totale, une rémunération sans cause du salarié, devrait pousser la Cour de cassation à modifier sa jurisprudence : ces salariés sont généralement rémunérés, non pas pour 35 heures mais pour une durée du travail aléatoire au jour le jour, mais nécessairement plus élevée que celle des salariés ordinaires. Ça se saurait, si un salarié au forfait-jours n'était rémunéré que pour 35 heures ! Dès lors, en quoi est-il légitime de condamner l'employeur à payer au salarié des heures supplémentaires par rapport à 35 heures hebdomadaires et sur la base de sa rémunération au forfait-jours alors que cette rémunération est très supérieure à celle des autres salariés, justement parce qu'elle tient compte du fait qu'il ne suit pas l'horaire collectif, qu'il ne travaille pas 35 heures, ne rentre pas chez lui tous les jours à 17 heures ? Un calcul sur une base de 35 heures est parfaitement injustifié.

S'il est légitime qu'un salarié au forfait-jours soit correctement rémunéré et ne travaille pas de manière excessive, ne soit pas corvéable à merci, nuits et week-ends compris (et le droit à la déconnexion est là pour s'en assurer), s'il est légitime de demander à l'employeur de s'en assurer, il n'est nullement légitime de payer à un salarié au forfait-jours des heures supplémentaires au-delà de 35 heures et ce qui plus est sur la base d'un salaire beaucoup plus élevé que celui d'un salarié travaillant 35 heures par semaine.

La question mérite d'être posée tant les décisions de la Chambre Sociale de la Cour de cassation sont injustes dans ce domaine.

Viviane Stulz, membre fondateur d'AvoSial, premier syndicat des avocats d'entreprise en droit social, réunissant près de 500 adhérents. Associée au sein du cabinet 5QB Avocats, elle conseille ses clients - qu'il s'agisse de PME françaises ou de groupes internationaux - dans tous les domaines du droit du travail et de la protection sociale, en matière de relations individuelles et collectives du travail.


 
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