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Les moteurs entrepreneuriaux de Jean-Claude Bourrelier, pdg de Bricorama

Publié par Eloïse COHEN le | Mis à jour le
Les moteurs entrepreneuriaux de Jean-Claude Bourrelier, pdg de Bricorama

En quarante ans, Jean-Claude Bourrelier a fondé Bricorama, l'une des ETI françaises les plus remarquables. Quelles forces ont animé cet autodidacte? Et quelles leçons peuvent aujourd'hui en tirer les entrepreneurs? Réponses dans son livre témoignage "Ma boîte à outils pour la reprise". Extraits.

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Entrepreneur et optimiste

L'enfance est déterminante. Cette énergie folle qui m'habitait, canalisée par ma surdité, a débouché sur une rage de gagner, une volonté de réussir en dépit de cette éducation que je n'ai pas eue. Une conviction que je pouvais aller aussi loin que les autres, ne jamais baisser les bras ni avoir peur, et toujours essayer. Cela grâce à mon optimisme, à ma faculté de voir toujours le verre à moitié plein, et à l'envie d'entreprendre qui m'animait; sachant qu'un travail acharné paie toujours, à condition de s'y dévouer corps et âme. Sans optimisme, impossible d'entreprendre. À la campagne, on dit qu'il y a "les diseux, les taiseux et les faiseux". Moi, je suis un faiseux.
Il est plus facile d'agir lorsque l'optimisme est dans votre nature. Les pessimistes sont plus lucides, mais avec une approche plus froide, ce qui constitue parfois un frein pour entreprendre. J'ai refusé toute notion de limite, ce mot étant étranger à mes projets, à mon plan de vie.
Néanmoins, la niaque, l'énergie, c'était certes bien joli à cette époque de plein-emploi, mais je n'avais pas encore réalisé à quel point le manque d'études et de diplômes constituerait un obstacle qui bloquerait mon ascension en entreprise. La seule solution fut pour moi de créer ma propre affaire, jusqu'à bâtir une entreprise de 4 600 salariés. Et pourtant je suis resté dans mon for intérieur un petit commerçant.

Les Vilains petits canards

De tout temps, en toutes circonstances, l'association des deux moteurs que sont l'insatisfaction et l'ambition est à l'origine de l'entrepreneuriat, poussant à prendre des initiatives, innover, lancer des constructions intellectuelles ou matérielles dans tous les domaines! Pas seulement dans l'entreprise, mais aussi en politique, comme dans tous les métiers, et cela n'est pas honteux, bien au contraire. Ces moteurs sont nécessaires pour modifier son destin et s'engager sans limite à progresser, sans économiser sa peine! Agir sans attendre et donner énormément avant de recevoir, savoir que rien n'est dû et que tout est devoir. Un manque qui trouve sûrement ses racines dans mon enfance.
Une amie m'a un jour offert l'essai de Boris Cyrulnik sur la résilience, Les Vilains petits canards. Je ne vais pas me comparer aux rescapés des camps de concentration, sur lesquels est fondée la démonstration du livre. Mais la résilience est un concept que je comprends parfaitement. C'est le sentiment profond et puissant de vouloir exister: après avoir vécu des traumatismes, après avoir été rabaissé et considéré comme nul. Ceux qui sortent de cette dégradation recherchent le succès et la considération dans tous les domaines, pour retrouver une dignité qu'ils avaient perdue et effacer le sombre passé par la lumière. Ils veulent justifier leur vie même par la considération que leur apportera le succès qui effacera le passé!

Entreprendre ou s'engager positivement

Sans modèle familial, j'ai avancé dans la grande aventure de l'entrepreneuriat comme un pionnier, sur la force de mes intuitions. Je ne voulais pas me lancer seul, toutefois. J'avais un copain ouvrier, donc de même origine sociale que moi, avec qui je jouais au foot le week-end. Ouvrier tourneur, Alain Vincent partageait mes insatisfactions, qui servaient à nourrir ses motivations. Il aurait pu se consacrer au syndicalisme, mais il avait décidé de s'engager positivement et ne pas dépenser son énergie en contestation. Les refus et obstacles ont servi à renforcer ses convictions de ne pas baisser les bras.

Entrepreneuriat: une intense source de satisfactions

L'entrepreneuriat, comme la création en général, part d'un besoin de reconnaissance. Ce besoin est au sommet de la pyramide de Maslow -La pyramide de Maslow, ou pyramide des besoins, est une représentation pyramidale de la "hiérarchie des besoins", une théorie de la motivation élaborée à partir des travaux d'observation dans les années 1940 du psychologue Abraham Maslow, Ndlr. Bien d'autres besoins doivent être comblés avant la soif d'indépendance. Dans mon cas, ce n'est pas l'évolution normale des besoins qui m'a fait franchir les étapes. Ce sont les refus de mes interlocuteurs qui m'ont conduit à sauter de nombreux stades de l'évolution. Hasard ou nécessité, dixit le professeur Monod. Dans notre société évoluée, ce besoin devrait être normal. Mais devenir indépendant demande énormément de travail, sans être assuré de la réussite. Aujourd'hui le besoin de sécurité est toujours plus grand, mais devenir son propre patron est-il vraiment plus risqué que de dépendre d'autrui? Les nouvelles générations ne doivent pas envisager la seule réussite sans prendre conscience du chemin parfois ardu qui y mène et de l'engagement que cela nécessite. C'est essentiel. Cela évite les désillusions et les fausses routes. Oser entreprendre ne signifie pas pour autant foncer tête baissée sans réfléchir ni anticiper les difficultés. Il faut oser entreprendre en ayant conscience des charges et réalités que cela recouvre. L'entrepreneuriat procure tellement de satisfactions que cela en vaut la peine, comme les passions dans tous les domaines valent d'être vécues!

Freins

La liste des freins à l'entrepreneuriat est longue, mais quelques-uns crèvent tant les yeux que le simple bon sens devrait permettre de les lever. À commencer par le Code du travail et les charges sociales. Un exemple pour montrer l'urgence d'agir: dans nos magasins situés à la frontière suisse, il est très difficile de garder les salariés. Ils préfèrent travailler en Suisse, bien que le temps de travail y soit de quarante-deux heures par semaine. Mille huit cent quarante-quatre heures annuelles contre mille six cent sept en France, soit deux cent trente-sept heures de plus, et seulement quatre semaines de congés payés. Là-bas, les emplois sont mieux rémunérés, les antagonismes ne débouchent pas systématiquement sur des conflits et le Code du travail suisse ne fait que cinq cents pages, alors que le français en compte plus de trois mille!

Du travail, du travail, du travail!

À partir du moment où je me suis mis à mon compte, adieu les week-ends et les vacances! N'exagérons pas, mais il est vrai que les loisirs viennent après le travail. J'ai toujours travaillé sept jours sur sept. Tout passait et passe encore après le travail, je ne pensais plus qu'à ça, je ne faisais plus que ça. Je me rappelle avoir dû interrompre mes premières vacances pour revenir régler un incident au magasin... Pour moi c'était normal, la question ne se posait pas, c'était le prix à payer pour la liberté. Je ne mentirai pas: se lancer à son compte, entreprendre, nécessite des sacrifices, ne pas compter ses heures, ne se laisser accaparer par rien d'autre que son objectif. Rien n'arrive par hasard, la chance est pour partie responsable de la réussite d'un projet, mais le travail est la base pour le faire décoller. C'est l'énergie pour faire avancer son entreprise! Non seulement pour l'installer mais plus encore pour la faire durer, la rendre solide. Ne ménagez pas votre peine, que vous soyez paysan, cuisinier ou artiste, c'est le surcroît d'investissement personnel qui fait la réussite, et presque toujours au détriment d'autres plaisirs. Le succès n'est jamais garanti pour autant. Mais sans travail l'échec est certain. Les dons sont un bienfait mais peuvent être source de malheur, car sans effort il y a peu de récompenses. Qu'il est bon de posséder la naïve certitude dans le travail. Je laisse les oisifs à leurs satisfactions, et s'ils sont plus heureux, tant mieux. Mais quand vous avez comme moi la chance que le travail vous apporte plus qu'il ne vous coûte, soyez bienheureux! Ayez conscience qu'il y existe toujours un facteur risque sur lequel il n'y a pas de prise. Mais si vous faites l'erreur de ménager votre peine, de ne pas être disponible, de mégoter sur votre investissement personnel, que vous soyez écrivain, journaliste, avocat ou gérant de magasin de bricolage, sans travail, n'espérez pas réussir! Même s'il est vrai aussi que vous ne serez pas nécessairement récompensé à la hauteur de ce travail... Cela est peut-être ridicule, j'en ai conscience, mais je préfère avoir cette certitude plutôt qu'attendre que le succès tombe du ciel! Et je ne connais rien d'autre que le travail pour forcer le destin.

L'auteur
Quatrième enfant d'une famille pauvre de la Sarthe, Jean-Claude Bourrelier est à l'origine de l'une des épopées entrepreneuriales les plus fascinantes de France. En quarante ans, cet ancien vendeur au BHV a fondé l'enseigne de bricolage Bricorama, qui emploie près de 5 000 personnes. Remarqué du grand public pour ses prises de positions sur le travail dominical, il publie, aux éditions Michel Lafon, "Ma Boîte à outils pour la reprise", livre témoignage et autobiographique, où il vante les vertus de l'entrepreneuriat... et donne quelques conseils!

 
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