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Entrepreneuriat : où sont les femmes ?

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Entrepreneuriat : où sont les femmes ?

En France, un chef d'entreprise sur trois est une femme. Une statistique qui semble depuis des années gravée dans le marbre malgré les multiples actions de sensibilisation portée par l'État, les territoires et les associations. L'entrepreneuriat se conjuguerait-il mieux au masculin ? Pas si sûr...

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Du 9 au 14 mars 2015, Najette Fellache, Corinne Lapras, Sandra Le Grand ou encore Caroline Cochet iront à Nantes, Lyon ou encore Auch rencontrer des jeunes de tous horizons. Leur mission : parler de leur histoire et surtout de leur métier, celui de chef d'entreprise. Comme elles, des dizaines de dirigeantes se mobilisent à travers toute la France à l'occasion de la troisième semaine nationale de sensibilisation des jeunes à l'entrepreneuriat féminin. L'occasion pour elles de prouver à ceux qui en doutent encore que, oui, une femme peut diriger une entreprise aussi bien voire mieux qu'un homme.

Une manière également de faire mentir les statistiques. Car, aujourd'hui en France, seule un entrepreneur sur trois est une femme, alors que ces dernières représentent la moitié des actifs et que leur niveau de diplôme est, en moyenne, supérieur à celui de leurs homologues masculins.

C'est pour briser ce plafond de verre que le gouvernement a initié, en 2013, un plan inter­ministériel de soutien à l'entrepreneuriat féminin axé autour de trois priorités : la sensibilisation, l'accompagnement et l'aide au financement. Derrière cette question d'égalité des sexes, c'est surtout un défi économique de taille qui est en jeu. "L'entrepreneuriat féminin a des répercussions au-delà de l'entrepreneuse elle-même avec, à la clé, des créations d'emplois. Il représente à la fois un ­levier pour la compétitivité, une source d'émancipation pour les créatrices et de cohésion sociale pour les territoires", résume Pascale Boistard, secrétaire d'État chargée des Droits des femmes. Objectif de cette politique volontariste : augmenter la part de femmes chefs d'entreprise (créatrices et repreneuses) de 30 % à 40 % d'ici à la fin du quinquennat, en 2017.

Cap sur les territoires

Deux ans après son adoption, ce plan national est progressivement déployé dans la plupart des régions par le biais de conventions multipartites entre les différents acteurs locaux (régions, Direccte, Caisse des dépôts et consignation, réseaux bancaires, etc.).

Si elle est l'une des plus actives sur le terrain de l'égalité professionnelle, la région Midi-Pyrénées compte seulement 28 % de femmes chefs d'entreprise. Pour y remédier, elle s'est notamment engagée à encourager la formation des acteurs de l'accompagnement et de l'orientation professionnelle, la sensibilisation des jeunes lors de salons d'information ou encore la valorisation des entrepreneuses dans le cadre de prix... Soit un investissement sur neuf champs d'action pour un budget de 95 k€ en 2015. "Nous venons par ailleurs d'adopter un troisième plan régional hors convention pour l'égalité entre les hommes et les femmes dans la vie locale sur la période 2015-2017, confie Nadia Pellefigue, vice-présidente du conseil régional. J'espère que toutes ces mesures correctives auront les résultats escomptés", ajoute l'élue.

L'actuel gouvernement n'est pas le premier à se saisir de la question. Déjà en 2008, Hervé Novelli, alors secrétaire d'État chargé des PME, proposait une batterie de mesures similaires pour encourager les femmes à entreprendre.La création par l'État du Fonds de garantie à l'initiative des femmes, facilitant l'emprunt de créatrices, remonte, elle, à 1989.

À l'échelle des territoires, "plusieurs acteurs n'ont pas attendu le gouvernement pour se mobiliser", note Séverine Le Loarne, professeur chercheur à Grenoble École de management, spécialiste de l'entrepreneuriat féminin, saluant en particulier l'investissement des coopératives d'emplois et d'activité ou celui des associations d'accompagnement. Depuis la fin des années 1990, les réseaux d'aide dédiés aux femmes chefs d'entreprise fleurissent, en effet, un peu partout en France. À côté des historiques comme Femmes Chefs d'entreprise (créé en 1945), beaucoup d'autres ont vu le jour tels que la Fédération pionnières et sa vingtaine d'incubateurs, Action'elles, Force femmes, Mampreneurs, le Réseau économique féminin, Racines Clefe... Des initiatives émergent aussi dans les mondes très masculins du capital-investissement (Femmes Business Angels, AFIC avec elles, programme Women Equity, etc.) ou encore des organisations patronales, comme les clubs "Entrepreneuriat au féminin" de la CGPME.

Une progression lente

Une dynamique qui commence petit à petit à porter ses fruits. "Il y a dix ans, quand on évoquait l'entrepreneuriat féminin, on parlait seulement de TPE, de micro­crédit et d'économie solidaire. Aujourd'hui, l'écosystème a perçu l'intérêt économique de soutenir les entrepreneuses. De plus en plus de projets ambitieux et innovants émergent", constate Frédérique Clavel, fondatrice de Paris pionnières en 2005.

Le classement annuel des 50 PME de croissance dirigées par des femmes, établi par l'association Women Equity for Growth, en est l'illustration parfaite. L'édition 2014, dévoilée en décembre dernier, montre la diversité des profils de créatrices et repreneuses se positionnant aussi bien sur le secteur de la santé (Horus Pharma, Dyomedea), du bâtiment (Solorpec, Isore Bâtiment) que de l'industrie (Thimonnier, Fragonard).

Par ailleurs, "l'écart entre hommes et femmes semble s'estomper chez les jeunes générations d'entrepreneurs", note Séverine Le Loarne. Reste que, dans les faits, "les chiffres ne progressent pas significativement", regrette Eva Escandon, présidente de l'association Femmes Chefs d'entreprise. Si la part de créatrices d'entreprises individuelles a légèrement progressé passant de 33 % en 2004 à 38 % en 2014, "cette hausse semble surtout liée à l'instauration du régime de l'auto-entrepreneuriat", estime Frédérique Clavel.

Malgré tous les dispositifs de soutien à ces entreprises, seules 8 % de sociétés innovantes sont aujourd'hui dirigées par une femme. En cause bien souvent, l'auto­censure des femmes elles-mêmes. 70,5 % d'entre elles considèrent l'entrepreneuriat comme un bon choix de carrière (vs 70,1 % des hommes) mais seules 6 % ont l'intention de se lancer, contre 10,5 % des hommes. Seules 3 % des Françaises le font contre 6 % au Royaume-Uni ou 10 % aux États-Unis. Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas tant la conciliation des temps de vie qui les bloquent mais le manque de confiance en elles et la peur de l'échec.

Une posture qui les pousse aussi à commencer leur activité avec moins de capitaux. Séverine Le Loarne va plus loin : "La femme française est enfermée dans un rôle modèle de superwoman, du travail à la maison en passant par son couple. Ce sont des postures incompatibles qui peuvent les bloquer surtout lorsqu'elles entreprennent."

Dans une enquête réalisée avec le Réseau entreprendre, la chercheuse a notamment mis en évidence leur difficulté à déléguer et à se dégager de l'opérationnel pour se concentrer sur le stratégique. Si bien que les structures fondées par des femmes restent, en moyenne, plus petites en termes de chiffre d'affaires et de nombre de salariés que celles créées par les hommes.

Et demain ?

Alors que faire pour changer réellement cette situation ? "Il faut sensibiliser les jeunes le plus tôt possible à l'entrepreneuriat mais aussi à la mixité des métiers. Nous souffrons d'un déficit de modèles qui n'incite pas les filles à se lancer", insiste Eva Escandon. Elle, en est persuadée, c'est par une orientation scolaire plus paritaire que se jouera le reste.

Par ailleurs, si beaucoup est entrepris pour récompenser les rares femmes qui se lancent, les institutions et médias ont encore de sérieuses marges de progression dans la valorisation des dirigeantes. "C'est bien de multiplier les prix récompensant les entrepreneuses mais ce qui compte, c'est qu'elles soient plus présentes dans les tribunes des journaux et les concours mixtes", pointe Frédérique Clavel, qui milite par ailleurs pour l'instauration de quotas de femmes assortis de sanctions, dans les processus de sélection des programmes d'aides aux créateurs.

Au-delà de l'incitation à la création, "la priorité est aussi surtout de travailler sur l'accompagnement sur la durée", appuie Séverine Le Loarne (Grenoble École de Management). Car, comme le souligne Anne-Laure Constanza, à la tête du site marchand Envie de Fraises, "le plus dur en France n'est pas de créer mais de se développer et franchir le cap des premières années d'activité".

L'autre enjeu majeur sera celui de la reprise d'entreprise par les femmes, selon la secrétaire d'État Pascale Boistard. "Des milliers de sociétés disparaissent chaque année faute de repreneur. Les femmes ont un rôle à jouer pour inverser la donne, à condition qu'on leur laisse aussi la chance d'accéder à des responsabilités à l'intérieur même des entreprises."

À l'intérieur certes, mais aussi à l'extérieur. "Elles sont sous-­représentées dans les réseaux d'entrepreneurs et les mandats économiques, comme les organisations patronales, les CCI ou les conseillers de prud'hommes. Il faut les inciter à s'investir et à donner une nouvelle couleur aux décisions et aux évolutions des territoires et de l'économie française."

Car, plus qu'une "simple" question d'égalité, l'entrepreneuriat féminin est aussi et surtout un combat pour la démocratie.

 
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