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Congés payés et maladie : quand la Cour de cassation réécrit le code du travail

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Congés payés et maladie : quand la Cour de cassation réécrit le code du travail
© Sébastien Eich - Fotolia

Dans plusieurs arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a considéré que les salariés malades devaient continuer à acquérir des droits à congés payés pendant toute la durée de suspension de leur contrat de travail.

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Selon le code du travail français : Un salarié atteint d'une maladie non professionnelle n'acquiert pas de jours de congés payés pendant la durée de son arrêt de travail (article L 3141-3). Les périodes d'absence à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle sont assimilées à du temps de travail effectif pour l'acquisition des droits à congés payés mais uniquement dans la limite d'un an (article L 3141-5).

Ces règles sont toutefois contraires au droit de l'Union Européenne et notamment les dispositions de la Directive 2003-88 « temps de travail » du 4 novembre 2003 qui garantissent à chaque salarié un minimum de 4 semaines de congés payés et qui sont interprétées par la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) comme n'autorisant aucune distinction entre les salariés en situation de maladie et ceux ayant effectivement travaillé sur la période concernée.

Cette Directive européenne n'est toutefois pas directement applicable par les juridictions françaises dans le cadre de litiges entre particuliers. Or, l'Etat français n'a jamais transposé, sur la question de l'acquisition des congés payés par les salariés en arrêt de travail pour maladie, cette Directive européenne en droit interne.

L'Etat français avait d'ailleurs été récemment condamné par la Cour Administrative d'Appel de VERSAILLES à indemniser des organisations syndicales de défense des droits des salariés en raison de sa carence dans la transposition de la Directive européenne du 4 novembre 2003. Ainsi, tout en soulignant la contradiction entre le droit français et la Directive européenne du 4 novembre 2003, la Cour de cassation n'avait ainsi, jusqu'à présent, jamais été jusqu'à écarter les dispositions du Code du travail en matière de droit à acquisition de congés payés pour les salariés malades ou victimes d'accidents.

Toutefois, dans une série d'arrêts rendus le 13 septembre 2023 (Cass. Soc. 13 septembre 2023 (n° 22-17.340 à 22-17.342 ; 22-17.638)), la Cour de cassation a fait évoluer sa position en se fondant, cette fois-ci, sur les dispositions de l'article 31, paragraphe 2 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne, qui prévoit que « tout travailleur a droit à [...] une période annuelle de congés payés ». En effet, à la différence des Directives européennes, les dispositions de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne peut être invoquée dans le cadre d'un litige entre un salarié et son employeur.

Les juridictions françaises doivent donc écarter l'application d'une disposition de droit interne lorsque celle-ci apparaît contraire à la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne. Dans ses arrêts du 13 septembre dernier, la Cour de cassation a ainsi déduit des dispositions de l'article 31, paragraphe 2 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne qu'il ne devait pas y avoir de différences dans l'acquisition des droits à congés payés entre les salariés en situation de maladie et ceux ayant effectivement travaillé. Dès lors, la Cour de cassation a considéré que les salariés atteints d'une maladie ou victimes d'un accident, de quelle que nature que ce soit (professionnelle ou non professionnelle) ont le droit de réclamer des droits à congés payés en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n'ont pas travaillé.

Dans la même logique, la Cour de cassation a également considéré qu'en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, l'indemnité compensatrice de congés payés ne pouvait pas être limitée à un an. La Cour de cassation a donc décidé de mettre en conformité le droit français avec le droit européen en matière d'acquisition de droits à congés payés en cas d'arrêt de travail.

Désormais, en application de cette nouvelle jurisprudence : Le salarié doit acquérir des droits à congés payés pendant les périodes d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle. Le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle doit, pendant sa période d'arrêt de travail, acquérir des droits à congés payés sans que cette acquisition puisse être limitée à un an.

Les incidences de cette évolution de position de la Cour de cassation

À la suite de cette évolution de la position de la Cour de cassation, les employeurs doivent donc faire évoluer, sans délai, leurs pratiques pour l'avenir. Une interrogation demeure toutefois sur la possibilité pour le salarié de conserver, de manière indéfinie, ses droits acquis à congés payés lorsqu'il ne peut pas effectivement les prendre du fait de sa maladie. Par exemple, est-ce qu'un salarié qui serait absent pour maladie pendant plusieurs années pourrait ainsi cumuler des droits à congés payés pour l'ensemble de cette période d'absence (ce qui lui permettrait ensuite de reprendre son activité avec un solde de congés payés particulièrement important) ? Ne peut-on, quand même, considérer qu'au bout d'un certain délai les droits acquis non pris sont perdus (afin que le compteur des jours de congés payés à prendre soit, à un moment donné, bloqué) ?

Il est désormais admis que les droits à congés payés qui n'ont pas pu être pris en raison d'un arrêt maladie puissent être reportés sur la période suivante. Pour autant, nous pensons que ce report doit pouvoir être limité dans le temps.Il serait cependant opportun que le législateur intervienne rapidement pour modifier les dispositions du code du travail afin de les mettre, enfin, en conformité avec le droit européen.

Le législateur pourrait ainsi profiter de cette mise en conformité pour limiter expressément, dans le temps, la faculté de report des éventuels congés n'ayant pas pu être pris par le salarié du fait de ses arrêts de travail. Cela éviterait l'aberration qu'un salarié absent 3 ans pour maladie puisse, à son retour dans l'entreprise, totaliser plus de 90 jours ouvrables de congés payés à prendre.

Jean-Jacques FOURNIER, avocat associé, spécialisé en en droit de la sécurité sociale et de la protection sociale au sein du cabinet Oren Avocats dont l'activité est dédiée à l'accompagnement des entreprises en droit social.



 
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