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Traitement fiscal des rémunérations des associés de SEL vers un régime strict et discriminatoire

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Traitement fiscal des rémunérations des associés de SEL vers un régime strict et discriminatoire

Le 15 décembre 2022, l'administration a modifié le traitement fiscal des rémunérations des associés de Société d'Exercice Libéral à compter du 1er janvier 2024. Cette position modifiant le traitement fiscal de la plupart des associés de SEL a suscité de nombreuses réactions et interrogations.

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Le 27 décembre 2023, sans infléchir sa position, l'administration a précisé la distinction des rémunérations versées au titre du mandat social de celles versées au titre de l'exercice libéral. Elle a également précisé un certain nombre de conséquences fiscales pour les associés. Qui est concerné par cette réforme ? Quelle position doit prendre l'associé libéral ? Quelle démarche doit-il accomplir ? Quelles sont les conséquences financières de cette réforme ?

Contexte

Dans les sociétés commerciales « classiques » (SA, SAS, SARL, ...), il existe, pour un associé, deux modes d'exercice d'une profession au sein d'une société : mandataire social ou salarié.

La loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales a introduit une possibilité supplémentaire d'exercice pour les associés de sociétés d'exercice libéral : la qualité d'Associé Exerçant.

Si le traitement fiscal et social des rémunérations des associés titulaires d'un mandat social ou salariés était clair (traitement et salaire sur le plan fiscal, travailleur non salarié ou salarié sur le plan social selon le cas), il n'en a pas été le cas pour le statut d'Associé Exerçant.

La doctrine administrative s'était positionnée pour l'imposition en traitements et salaires transposant les règles applicables aux dirigeants des sociétés commerciales aux dirigeants de SEL.

De même, la réponse ministérielle « Cousin » du 16 Septembre 1996, avait fléché les rémunérations des associés non dirigeants de SEL vers la catégorie des Traitements et Salaires.

La jurisprudence est venue contredire cette position dans deux arrêts de Conseil d'Etat : en 2013 pour un associé non dirigeant d'une SELAFA, en 2017 pour un associé d'une SELASU. Le Conseil d'Etat a qualifié les rémunérations (hors mandat social) des associés en Bénéficie Non Commercial.

L'incertitude ne concernait que les SEL par actions. En effet, le traitement fiscal des dirigeants de SELARL était clairement fléché dans la catégorie des traitements et salaires (article 62) sans aucune évolution ou controverse dans le temps.

Le 15 décembre 2022, l'administration a souhaité mettre fin à cette divergence en mettant à jour son BOFIP mais en élargissant la qualification en BNC des rémunérations (hors mandat social) de tous les associés de toutes les SEL sauf en cas d'existence d'un lien de subordination.

Le traitement fiscal des rémunérations des associés de SEL au 1er janvier 2024


Distinction des rémunérations

L'associé doit être en mesure de prouver qu'il ne peut pas dissocier les deux rémunérations.

L'administration oblige ainsi l'associé à distinguer la rémunération du mandat social de celle de l'activité libérale.

Pour cela, elle a défini les fonctions relevant du mandat social : convocation aux assemblées, représentation de la société dans les rapports avec les associés et à l'égard des tiers, décision de déplacement du siège social de la société, ....

A contrario, relèvent de l'activité libérale : la facturation client, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes, ....

Il est regrettable que l'administration ait retenu une définition aussi restrictive des fonctions du mandataire social.

A titre de règle pratique, l'administration admet que soit retenue au titre du mandat social une part de 5% de l'ensemble des rémunérations perçues.

Qui est concerné par cette réforme ?

A ce jour, tous les associés exerçant au sein de SEL sont concernés mais uniquement les associés de SEL. Les libéraux exerçant dans des sociétés de capitaux « classiques » (SA, SAS, SARL, ...) ne sont pas concernés.

Quelles formalités juridiques consécutives à la réforme ?

Les associés libéraux devront s'identifier sur le guichet unique pour déclarer leur activité à l'administration et obtenir ou confirmer leur SIRET, SIRET distinct de celui de la SEL. Un parcours fléché doit prochainement voir le jour sur le guichet unique.

La rémunération du mandataire social et la rémunération du professionnel libéral doivent être décidées par une assemblée générale des associés.

Impôt sur les revenus des rémunérations de l'activité libérale de l'associé

En l'absence de lien de subordination, ces rémunérations relèvent désormais des Bénéfices Non Commerciaux.

Cette requalification de ces rémunérations précédemment taxées en traitements et salaires (art 62 pour les SELARL) en BNC a pour conséquence de faire perdre au contribuable le bénéfice de l'abattement de 10 % pour frais professionnels, abattement plafonné actuellement à 14.171 €, soit une majoration d'impôt pouvant aller jusqu'à 6 K€.

Deux régimes sont possibles en BNC :

  • La déclaration 2035 avec déduction des frais professionnels réels (cotisations sociales obligatoires et facultatives, indemnités kilométriques Domicile-Lieu de travail, ...) : imposition selon les règles recettes-dépenses ou option possible en créances-dettes pour provisionner les régularisations de charges sociales
  • Le régime micro : taxation après application d'un abattement de 34 % sous réserve d'avoir un chiffre d'affaires (rémunération chargée) N-1 ou N-2 < 77.700 €

Le régime micro ne sera que peu pratiqué du fait de ce seuil de 77.700 € et du faible avantage qu'il procure en matière de déduction (34 % de cotisations sociales, cotisations facultatives et autres frais professionnels).

En cas d'établissement d'une déclaration 2035, il conviendra de tenir une comptabilité retraçant les rémunérations de l'associé libéral, rémunérations brutes englobant les cotisations sociales obligatoires et facultatives, ainsi que les cotisations sociales et autres frais professionnels déductibles.

L'ouverture d'un compte bancaire dédié est préférable permettant de tenir une comptabilité assurant la traçabilité et l'exhaustivité des opérations.

Les contribuables déposant une déclaration contrôlée alors que leurs recettes sont inférieures à 77.700 € pourront prétendre à la réduction d'impôt pour frais de comptabilité (réduction = 2/3 des honoraires de comptabilité versés, plafonnés à 915 €).

L'administration a précisé que l'associé libéral ne peut être qualifié d'entreprise individuelle et ne peut donc opter à l'impôt sur les sociétés.

TVA sur les recettes de l'associé libéral

Les rémunérations techniques de l'associé libéral n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA et ne sont donc pas soumis à TVA ni à facturation.

CFE et CVAE

L'associé libéral n'exerçant pas une activité professionnelle propre n'est pas imposé à la CFE et à la CVAE.

Incidence en matière d'épargne salariale

L'associé libéral n'est pas éligible aux dispositifs d'épargne salariale (participation, intéressement et PEE) au titre de ses fonctions techniques mais l'est en qualité de mandataire social. Il peut donc être opportun de lui conserver la rémunération de 5 % au titre du mandat social.

En conclusion

La réforme imposée par l'administration étend à toutes les SEL, y compris les SELARL, le dispositif initié par le Conseil d'Etat dans les SEL de capitaux mais n'impacte pas à ce jour les associés et mandataires sociaux des autres formes juridiques.

Ces modifications sont sources d'impôts supplémentaires pour le contribuable mais aussi et surtout de complexités administratives. Elles engendrent aussi des déséquilibres entre professionnels en fonction de la société d'exercice choisie (ex : traitement fiscal des rémunérations des associés libéraux des SARL différent du traitement fiscal de celles des associés de SELALRL). Un grand nombre d'associés de SEL risque d'envisager le changement de forme juridique d'exercice.

La position de l'administration peut encore être précisée ou confirmée au regard de quelques points (plus-value de cession de titres, réduction d'impôt pour frais de comptabilité, ...) mais est surtout susceptible d'évoluer au regard de certaines actions initiées par les organisations professionnelles (ex : le CNB pour les avocats). Il semble donc urgent d'attendre avant de trancher définitivement le sujet.

Thierry Voirin est expert-comptable, commissaire aux comptes et associé au sein d'ORCOM, entreprise française indépendante de référence en expertise comptable, audit et conseil. Depuis près de 30 ans, Thierry a développé ses compétences autour de la fiscalité, du juridique et de la gestion de patrimoine au service de ses clients, notamment pour les professions libérales et les groupes de PME.


 
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