PME et droit de la concurrence : en quoi sont-elles concernées ?

Ententes, prix imposés, abus de position dominante... Les PME ne sont pas à l'abri des infractions du droit de la concurrence. Elles peuvent aussi utiliser ces règles à leur avantage, pour se défendre ou obtenir réparation.
Je m'abonneBeaucoup de dirigeants de PME pensent à tort que le droit de la concurrence ne concerne que les multinationales. Rien n'est plus faux ! Les sanctions de l'Autorité de la concurrence sont fréquentes et peuvent atteindre des montants susceptibles de mettre en péril la survie d'une entreprise (les amendes peuvent s'élever jusqu'à 10% du chiffre d'affaires de l'entreprise contrevenante). Récemment, onze PME du secteur du béton préfabriqué ont écopé d'une sanction globale de plus de 76,6 millions d'euros.
Le droit de la concurrence s'applique à toute entreprise, quelle que soit sa taille, dès lors qu'elle exerce une activité économique. Une auto-école locale, un artisan plombier ou une PME industrielle sont tous soumis aux mêmes règles. Il est impératif pour les PME de maîtriser ces règles pour éviter les sanctions, mais aussi pour être capables de faire valoir leurs droits.
Les infractions qui guettent les PME
? Les ententes entre concurrents : le piège des « arrangements locaux »
L'entente sur les prix reste l'infraction la plus sanctionnée. Peu importe qu'elle soit informelle ou uniquement locale. Des auto-écoles qui s'accordent sur le prix du forfait permis, des artisans qui se répartissent les chantiers communaux, des transporteurs qui harmonisent leurs tarifs : toutes ces pratiques sont interdites.
À cet égard, les appels d'offres constituent un terrain particulièrement propice aux infractions. Se répartir les lots à l'avance, déposer des « offres de couverture » pour faire croire à une mise en concurrence, échanger sur les prix avant de soumissionner : autant de pratiques systématiquement sanctionnées. En 2023, deux entreprises ont été condamnées à 124 000 euros d'amende pour s'être coordonnées sur le marché de la rénovation et de la restauration de couvertures et de charpentes de bâtiments dans la Région des Hauts-de-France.
Les échanges d'informations entre concurrents sont toujours suspects. Si partager des données publiques reste licite, communiquer sur ses hausses tarifaires futures constitue une infraction. Les réunions professionnelles peuvent devenir des lieux à risque.
? Les pratiques verticales : attention aux relations avec les distributeurs
Imposer un prix de revente à ses distributeurs est strictement interdit en France, même pour une PME. Une société spécialisée dans les thés de luxe a été condamnée à 4 millions d'euros d'amende pour avoir maintenu cette pratique pendant 15 ans. Peu importe que les prix soient simplement « conseillés » ou « recommandés » sur le papier ; s'ils sont en réalité obligatoires, c'est-à-dire qu'ils font l'objet d'une surveillance et que les récalcitrants risquent une sanction, l'infraction est constituée.
Les restrictions de vente en ligne piègent également de nombreuses PME. Interdire à ses distributeurs de vendre sur internet (sauf exception, par exemple pour des raisons de sécurité) ou de se réserver l'exclusivité de l'e-commerce constituent des pratiques condamnables. Le commerce en ligne est considéré comme un canal de distribution à part entière que les entreprises ne peuvent verrouiller.
? L'abus de position dominante : pas seulement pour les géants
Une PME peut se retrouver en position dominante sur un marché local ou une niche. Une PME avec 45% de parts de marché sur sa zone de chalandise doit faire preuve de prudence et éviter certaines pratiques comme l'imposition de ventes liées, l'obligation faite à un partenaire de lui consentir une exclusivité ou la mise en oeuvre de prix prédateurs pour évincer un nouveau concurrent.
Se protéger : Former et sensibiliser
La prévention passe d'abord par la formation. Les commerciaux qui répondent aux appels d'offres, les dirigeants qui participent aux réunions professionnelles, les responsables des achats : tous doivent connaître les lignes rouges. Un programme de conformité adapté à la taille de l'entreprise constitue un investissement judicieux face au risque de sanctions.
En cas de réunion professionnelle dérivant vers des sujets anticoncurrentiels, le seul bon réflexe est de quitter immédiatement la réunion et demander que ce départ soit consigné au compte-rendu, avec l'heure précise du départ.
Limiter la sanction
Si l'infraction est déjà commise, la rédemption est toujours possible. La clémence reste l'arme absolue en cas d'entente : le premier à dénoncer l'entente à l'Autorité de la concurrence obtient une exonération totale de sanction. À défaut, la procédure de transaction permet de négocier le montant de la sanction en échange de la reconnaissance des faits.
PME victimes : les recours disponibles
Une PME peut être victime de pratiques anticoncurrentielles : dénigrement, refus d'accès à une ressource essentielle, discrimination, prix prédateurs d'un concurrent dominant, surcoûts dus à un cartel de fournisseurs... Des hausses de prix simultanées et identiques chez tous les fournisseurs, des refus systématiques et coordonnés ou encore des conditions commerciales discriminatoires sans justification objective sont de bons indices de comportements potentiellement anticoncurrentiels.
Saisir les autorités
La saisine de l'Autorité de la concurrence ou de la DGCCRF est gratuite. Elle peut être effectuée par l'entreprise elle-même ou via un avocat. Les demandes doivent être étayées avec des preuves concrètes : emails, comptes-rendus, témoignages, analyses de prix, etc. L'anonymat n'est pas possible lors d'une saisine formelle, mais un simple signalement peut déclencher une enquête.
En cas d'urgence (risque de disparition de l'entreprise), des mesures conservatoires peuvent également être demandées.
Obtenir réparation
Dans les cas où l'Autorité de la concurrence a sanctionné une pratique anticoncurrentielle, toute entreprise victime (même si elle n'a pas participé à la procédure devant l'Autorité) peut intenter une action devant le tribunal de commerce pour obtenir des dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice subi.
Le droit de la concurrence représente à la fois un risque et une opportunité pour les PME. Les sanctions peuvent être lourdes, mais les mécanismes de protection et de réparation existent. La clé : former ses équipes, documenter ses pratiques et ne pas hésiter à utiliser ces règles pour défendre ses intérêts. Dans un contexte de concentration croissante des marchés, le droit de la concurrence peut devenir l'allié des PME face aux pratiques abusives des acteurs dominants.
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