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[Interview] Jean-Charles Samuelian (Alan) : "Je recrée un pacte de confiance"

Publié par Céline Tridon le - mis à jour à
[Interview] Jean-Charles Samuelian (Alan) : 'Je recrée un pacte de confiance'

Sacrée 'licorne' au printemps 2021, l'assurtech Alan a su dépoussiérer le secteur de l'assurance et prendre la voie de l'hypercroissance. Rencontre avec son cofondateur Jean-Charles Samuelian, qui a imaginé avec son associé Charles Gorintin une entreprise disruptive.

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Alan a levé 185 millions d'euros en avril 2021. Pourquoi ce tour de table ?

En 2020, malgré le contexte chaotique, nous avons réussi à avoir une croissance très solide de 105 %. Nous avons déployé de nouveaux outils pour nos membres, comme une hotline psychologique pour mieux surmonter cette crise sanitaire.

Nous avons signé des contrats avec de grands groupes, de plus de 5 000 salariés, ce qui était assez nouveau pour nous.

Nous avons aussi ouvert de nouveaux pays : l'Espagne et la Belgique. Tous ces éléments font que nous avons été approchés par plusieurs fonds.

À quoi est destiné ce financement ?

Nous nous sommes fixés un objectif qui est d'atteindre un million de membres d'ici trois ans, sur cinq pays.

Aujourd'hui, nous en comptons 165 000 (contre 140 000 en début d'année). Notre enjeu est de continuer à consolider notre offre d'assurance santé pour les entreprises de toutes tailles, de rendre l'assurance santé plus accessible et plus instantanée, de créer une véritable équipe médicale qui accompagne chacun de nos membres (en prévention, parentalité, santé mentale, suivi des maladies chroniques, etc.). Mais il s'agit aussi de poursuivre l'expansion internationale, en renforçant déjà notre présence en Espagne et en Belgique.

Allez-vous également recruter ?

Actuellement, nous sommes 350 collaborateurs et nous prévoyons de recruter 400 personnes sur les trois prochaines années. Le tour de table doit aussi nous permettre de faire une ou deux acquisitions. Nous regardons les équipes qui ont réalisé des choses intéressantes dans le monde de la santé et dont le produit a beaucoup de valeur.

Cela signifie-t-il que l'innovation est importante chez Alan ?

Oui, dès le départ, l'innovation est notre cheval de bataille et notre angle de différenciation.

Nous essayons de penser à très long terme et d'être inventifs. C'est ce qui nous a fait construire une assurance de zéro, en repensant la création d'un produit sur mesure ou en revoyant par exemple la manière de gérer les remboursements, car 85 % des remboursements chez Alan se font dans l'heure.

Plus de la moitié de notre équipe est dédiée à la R&D et à l'innovation.

Comment avez-vous vécu 2020 en interne ?

Nous avons une culture d'entreprise qui prend forme autour de la responsabilité distribuée, du travail asynchrone, des collaborateurs en distanciel. Elle était déjà effective avant la Covid. Aussi, l'année dernière, nous n'avons pas été disruptés en matière d'organisation, car nous étions déjà faits pour opérer de cette manière-là.

Évidemment, pour ceux qui sont restés un an enfermés dans 35 m², ce n'était pas agréable en termes de santé mentale, nous avons donc essayé de les accompagner. Ainsi que les 150 collaborateurs que nous avons recrutés sur les quinze derniers mois.

Comment avez-vous fait pour bien les intégrer ?

Nous avons repris différents process qui existaient déjà, pour les mener à distance, comme un " culture buddy " (qui accompagne le nouveau collaborateur durant les trois premiers mois), le partage de documentations, de nombreux échanges improvisés avec des membres de son équipe (ou pas d'ailleurs) et la rencontre avec un coach toutes les deux semaines pour progresser. C'est tout cet " on boarding " que nous déployons, quel que soit le contexte finalement.

Comment gérez-vous l'hypercroissance d'Alan ?

Il s'agit de ne pas micro-manager. Il faut plutôt faire en sorte que les collaborateurs puissent prendre le plus de décisions possibles, dès le début. Cela fait d'ailleurs partie de notre culture d'entreprise, au même titre que la transparence radicale.

Donner beaucoup d'informations permet en effet à ce que les collaborateurs prennent ces décisions. De même, il faut prévoir des " feed back " pour s'améliorer en permanence.

Bien sûr, cela peut sembler dangereux car nous faisons très tôt confiance aux personnes. Or, tout le monde est capable de prendre des risques et d'apprendre de ses erreurs. Cela se révèle donc payant pour l'entreprise. Notre vélocité augmente.

Un acteur comme Alan a-t-il un rôle à jouer dans l'impact social ?

Nous essayons de jouer ce rôle dans la manière dont nous construisons l'entreprise, pour obtenir une entreprise qui soit différente. Nous recréons un pacte de confiance avec l'équipe, nous partageons le capital avec tous, le salaire de chacun est connu... Nous voulons mélanger excellence et bien-être.

2016

Création d'Alan.

Reçoit l'agrément de l'ACPR Banque de France.

2018

Lève 23 millions d'euros.

Lève 50 millions d'euros.

2020

Ouverture à l'Espagne et à la Belgique.

2021

Lève 185 millions d'euros et devient une licorne.

Quel sera le futur du travail chez Alan ?

Il y a des futurs du travail, je pense. Je n'aime pas trop les personnes qui mettent des systèmes en place et décident que c'est ce qu'il faut suivre.

Bien sûr, il y a une évolution des attentes : les actifs veulent plus de flexibilité, de confiance. Ils ne veulent plus être infantilisés. C'est un nouveau pacte social qui se crée. Nous devons aider chaque collaborateur à grandir. Mais ils doivent aussi faire grandir l'entreprise et l'améliorer en permanence.

Depuis la dernière levée de fonds, Alan est valorisée 1,4 milliard d'euros. Le statut de licorne met-il une certaine forme de pression ?

C'est un nouveau statut, mais il ne change rien à notre vie de tous les jours. C'est le message que j'essaie de faire passer en interne et en externe : le statut de licorne importe peu.

Ce qui compte, c'est notre mission. Mais il y a clairement un gap en termes de notoriété parce que les gens parlent davantage de nous. Et forcément, quand nous sommes plus connus, nous sommes plus attendus. Nous veillons donc à être encore plus inventifs. Se concentrer sur la pression extérieure fait prendre de très mauvaises décisions.

Que manque-t-il, selon vous, aux entreprises françaises pour devenir des licornes ?

Il faut se donner du temps. Peut-être que l'écosystème français est un peu moins mature que d'autres, comme le suédois par exemple... Mais il commence à accélérer et même à attirer de nombreux talents internationaux.

Il faut juste être patient : des entreprises réussiront, d'autres échoueront, mais nous allons y arriver. Plus nous aurons de licornes, plus notre tissu économique sera sain. Il créera de l'emploi, investira dans le futur.

Comment des initiatives comme French Tech ou le Next 40 y contribuent-elles ?

Elles permettent de faire connaître les entreprises au public : cela fait donc sauter certains freins ou des complexités. Pourquoi ne pourrions-nous pas avoir une entreprise valorisée à 50 milliards en France ? Et pourquoi irait-elle faire son introduction en Bourse sur le Nasdaq plutôt qu'ici ?

Vous inspirez-vous d'ailleurs pour diriger Alan ?

Notre métier d'entrepreneur consiste notamment à réfléchir de manière analytique sur quels sont nos problèmes, puis de s'inspirer d'autres entrepreneurs ou en lisant beaucoup, en se nourrissant des discussions internes et de mélanger tout cela.

Il faut en faire une synthèse qui est adaptée à nos problèmes et à qui nous sommes. Le risque est de copier bêtement ce que d'autres font. Chez Alan, nous avons regardé ce que développaient Netflix, Spotify, Amazon ou Google...

Soit des entreprises de la Silicon Valley...

Il s'agit de comprendre comment elles sont devenues aussi grosses. Pourquoi ? Qu'est-ce qui a fait la différence ? Comment pouvons-nous l'adapter chez nous ? Ces entreprises ont un temps d'avance sur l'hypercroissance.

Pour donner naissance aux entreprises de demain, il faut savoir allier les deux : les connaissances de la Silicon Valley et notre ADN européen. Ce dernier reste important, il ne faut surtout pas le sacrifier.

Votre principale source d'inspiration ?

La lecture, autant des livres business que des romans.

Si vous deviez explorer un autre métier ?

Architecte ou photographe.

Votre meilleur souvenir professionnel ?

J'en ai des milliers : chaque grande étape dans la vie d'Alan.

Le meilleur conseil qu'on vous ait donné ?

Reprendre le contrôle de son temps.

Le manager que vous êtes ?

Apprenant.

Ce que vous recherchez le plus chez vos collaborateurs ?

Un mix d'excellence et d'humilité.

L'entreprise que vous auriez voulu inventer ?

SpaceX.

 
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