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Quentin Sannié, CEO de Devialet : "Les hommes politiques ne comprennent pas l'entrepreneuriat"

Publié par Julien van der Feer le | Mis à jour le
Quentin Sannié, CEO de Devialet : 'Les hommes politiques ne comprennent pas l'entrepreneuriat'

Levée de fonds de 100 millions d'euros, ouverture de sa première boutique à Hong Kong, élu l'un des Français les plus influents dans le monde, Quentin Sannié, CEO de Devialet, vit à cent à l'heure. Son objectif : devenir le leader mondial du son.

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Chef d'Entreprise : Devialet a levé 100 millions d'euros fin novembre 2016. Qu'allez-vous faire de cette somme ?

Quentin Sannié : Tout d'abord, développer notre modèle de distribution en ouvrant plusieurs dizaines de nouveaux points de vente dans les années qui viennent, poursuivre le déploiement de nos "immersive room", c'est-à-dire des shop in shop dans de grands magasins, mais aussi ouvrir des filiales au Japon, à Taïwan, en Corée...

L'Asie est un marché-clé pour votre entreprise ?

Tout est clé ! Si vous voulez créer une marque mondiale, il faut être présent dans tous les pays. Après, l'Asie est un énorme marché, très dynamique et nous avons désormais des investisseurs asiatiques. C'est donc une opportunité pour nous.

"Notre but n'est pas de rendre riche nos actionnaires en trois ans mais de construire un leader mondial."

Vous avez fait entrer de véritables poids lourds lors de ce tour de table, comme le groupe Renault, le fonds d'investissement européen Korelya, dirigé par l'ancienne ministre Fleur Pellerin, Bpifrance...

Oui, effectivement, mais aussi Foxconn. Il s'agit d'un énorme acteur taïwanais qui fabrique notamment les iPhones. Pour le fonds de Fleur Pellerin, il est financé par Naver, le champion de l'Internet coréen qui possède LINE, le WhatsApp leader en Asie, hors Chine continentale. Nous avons aussi Playground, la société d'Andy Rubin, le fondateur du système d'exploitation Android.

Bref, des acteurs qui vont nous permettre de nous développer rapidement à l'international et qui nous offrent, aussi, de vraies opportunités industrielles avec des synergies dans nos activités.

Que voulez-vous dire ?

Le marché de l'audio classique, c'est 100 millions de ­produits par an. Le marché global du son, quant à lui, c'est 3 milliards de produits par an en incluant les télévisions, les voitures, les smartphones, etc. Notre technologie nous permet de faire des produits beaucoup plus petits et elle va forcément prendre de plus en plus de valeur sur ces marchés.

Lors de vos précédentes levées de fonds, vous avez aussi convaincu Marc Simoncini, Xavier Niel ou encore Bernard Arnault. Quel est votre secret ?

C'est beaucoup de travail et il faut le vouloir. J'ai toujours préféré m'associer à des entrepreneurs qu'à des financiers. Je veux dealer avec des gens qui connaissent l'entreprise, qui savent ce que signifie entreprendre. Et pour les séduire, il faut bien faire son boulot.

Nous avons de beaux produits et notre stratégie est cohérente. Nos plans sont ambitieux, nous avons les meilleures équipes possibles et nos perspectives sont excitantes. En outre, des personnes comme Xavier Niel ou Marc Simoncini comprennent que notre projet se construit sur dix ans minimum. Notre but n'est pas de rendre riche nos actionnaires en trois ans mais de construire un leader mondial. Et ça prend du temps.


En 2016, vous avez doublé votre chiffre d'affaires à 60 millions d'euros grâce à votre partenariat avec Apple. Là encore, comment avez-vous séduit le géant californien ?

La base de tout, c'est l'ambition qu'on se fixe. Dès la création de Devialet en 2007, nous voulions être leader mondial du son. Au final, il y a eu peu d'innovations dans la qualité du son et le partage de la musique. Notre technologie est dix à mille fois meilleure que les technos les plus chères disponibles sur le marché. Quand j'ai entendu le premier prototype Devialet, j'ai pleuré. Et je me suis dit qu'avec notre produit, nous allions tout rafler. C'est ce que nous faisons. Et c'est pour ça que nous nous associons avec les meilleurs. Pour entrer chez Apple, nous ne sommes pas passés par le service achats mais nous avons discuté directement avec le top management. Là encore, c'est une démarche qui est liée à notre ambition de développement.

Vous comprenez que cette démarche peut paraître étonnante...

Nos seules limites sont mentales. Tu ne peux pas arriver en haut de l'Everest si, à la base, tu n'es pas parti pour ça. Ce n'est pas possible. Rien de difficile ne peut s'accomplir par chance ou par hasard dans l'entrepreneuriat. Pour atteindre des buts élevés, il faut de grands rêves.

Vous avez eu de nombreuses expériences entrepreneuriales avant de créer Devialet. Est-ce que cela vous a aidé ?

Tu n'apprends que de tes échecs ! Surtout, tu apprends à t'écouter et à savoir t'entourer de personnes plus compétentes que toi sur certains sujets.

Comment décririez-vous votre entreprise en quelques chiffres-clés ?

Ça change très vite. Aujourd'hui, nous sommes 250 personnes et certainement 500 à la fin de l'année. Nous avons réalisé 60 millions de chiffre d'affaires en 2016 et, j'espère, environ 120 millions en 2017.

Le conseil de Quentin Sannié aux entrepreneurs



Devialet grandit à vitesse grand V. Arrivez-vous à garder un esprit start-up ?

Il faut avoir le sentiment de ne pas être arrivé. Personnellement, je ne pense pas avoir fait un succès. J'ai l'impression que nous sommes toujours en route et que le plus dur reste à venir. Nous devons rester agiles car nous sommes fragiles. Il faut comprendre qu'avec nos niveaux de croissance, si nous ne changeons pas de métier tous les trois mois, c'est que quelque chose ne va pas bien. Le jour où vous vous dites "ça marche bien en ce moment", il faut que l'ampoule "alerte rouge" s'allume immédiatement.

Pourquoi ?

Vous ne pouvez pas vous permettre de gérer une entreprise qui fait 10 millions de chiffre d'affaires comme une entreprise qui fait 60 millions. Tout comme vous ne pouvez pas avoir les mêmes process de recrutement, de financement, de transmission de l'information quand vous recrutez dix personnes par an ou cent personnes par an. C'est évident. Tout ce que nous mettons en place aujourd'hui, nous le faisons en ayant en tête la taille que fera l'entreprise dans neuf mois. Pour être clair, les process que nous développons sont prévus pour une entreprise qui fait 1 milliard de CA. Et ça, c'est forcément inconfortable.

"Il faut raisonner de façon libre"

Comment embarquez-vous vos équipes dans un projet aussi ambitieux ?

Il faut des personnes joyeuses, courageuses, enthousiastes, talentueuses et pleines d'énergie. Le recrutement est crucial, tout comme notre comité de direction. Mes associés sont incroyables. C'est aussi beaucoup de dialogue et de partage.

Quel regard portez-vous sur vos concurrents ?

Pour vous répondre, je vais prendre l'exemple de la téléphonie mobile. Nokia, Sony Ericsson, Motorola, Philips, et j'en oublie, se sont regardés entre eux pendant des années. Et quand Apple est arrivé, ils ont été balayés. Aujourd'hui, 85 % de la valeur de ce marché appartiennent au groupe californien.

Dans un autre registre, Tesla vend 500 000 voitures qui n'existent pas en 15 jours. La disruption ne vient pas du secteur ! Si on doit être en alerte, il faut comprendre que la vision sectorielle est dépassée. Qui sont mes concurrents ? Certainement pas ceux auxquels les gens pensent. Il faut raisonner de façon libre, sans se faire plaquer des schémas mentaux à la con qui conduisent à des décisions stratégiques à la con ! Et qu'au final que tout le monde fasse la même chose.

Dans un autre registre, Vanity Fair vous a élu parmi les 50 Français les plus influents dans le monde...

Il faut prendre cela avec plaisir et légèreté. Si ce que nous faisons peut inspirer les gens, leur donner du courage et de l'envie, personnellement, ça me va. Mais je pense que Marcel Proust est bien plus influent que moi dans le monde et il n'était pas dans ce classement.

Quel est votre regard sur l'élection présidentielle ?

Depuis cinq ans, nous avons eu quelques hommes et femmes politiques qui comprenaient ce qu'est une entreprise. Je pense à Fleur Pellerin, François Fillon ou Emmanuel Macron. Et c'est l'une des premières fois. Jusqu'à présent, ni à droite ni à gauche nous n'avions été gâtés car, globalement, les hommes politiques ne comprennent pas l'entrepreneuriat. On a assimilé pendant des décennies les entrepreneurs aux patrons. Personnellement, je suis un entrepreneur. Je n'ai rien à voir avec un grand commis de l'État qui se retrouve à la tête d'une entreprise. Et si nos gouvernants pensent qu'une entreprise c'est le CAC 40, ils se trompent totalement.

C'est-à-dire ?

Un entrepreneur est passionné par son projet avant même de penser à l'argent. Bien sûr que le cadre fiscal compte, mais ce qui le motive avant tout, c'est son projet. Et il a besoin d'être reconnu pour ça. Je suis entrepreneur depuis que j'ai 22 ans. Longtemps, dans certains milieux, on m'a traité de salaud parce que j'étais patron. Mais de quoi parle-t-on ? Il faut dépasser la lutte des classes. Depuis quelques années, avec la French Tech notamment, on a dit aux entrepreneurs "ce que vous faites, c'est bien". Et heureusement. Si nous ne pouvons plus inventer notre vie, il nous reste quoi ?

On pointe du doigt ceux qui partent de la France, mais ce ne sont pas des entrepreneurs, ce sont des rentiers ! Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon ou Marc Simoncini, ils sont ici et se battent au quotidien. Un entrepreneur dort mal, il ne peut pas être serein car il a le poids de sa boîte sur les épaules. Naturellement, les médecins, les infirmières, les pompiers, les professeurs, et j'en passe, ont des responsabilités fortes et vivent des choses difficiles. Ce n'est pas mon propos. Mais les entrepreneurs sont là pour inventer un futur, pour faire grandir leurs équipes. Chez nous, il y a 250 personnes et j'espère qu'un bon nombre dispose d'opportunités uniques grâce à Devialet.

 
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