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[Interview] Céline Lazorthes, Leetchi : "Je souhaite que les femmes soient libres d'entreprendre"

Publié par Céline Tridon le - mis à jour à
[Interview] Céline Lazorthes, Leetchi : 'Je souhaite que les femmes soient libres d'entreprendre'

La fondatrice du groupe Leetchi a délaissé sa casquette d'entrepreneure pour celle d'investisseuse. Business angel depuis 2015, elle veille notamment à défendre le financement des femmes porteuses de projet. Un combat qu'elle porte aussi à travers le collectif Sista.

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Vous avez créé la solution de cagnotte en ligne Leetchi en 2009, puis la solution de paiement Mangopay en 2013. Aujourd'hui, vous êtes présidente du conseil de surveillance du groupe Leetchi. Comment s'est passée cette transition ?

Elle s'est faite petit à petit. Les dirigeants actuels de Leetchi et Mangopay, respectivement Alix Poulet et Romain Mazeries, sont arrivés depuis longtemps dans le groupe. Alix Poulet, par exemple, je l'ai recrutée. Romain Mazeries est un ami d'enfance, je me suis lancée dans Leetchi avec lui à mes côtés. Au final, c'est une vie à trois qui a évolué pas à pas. Ce sont des personnes pour lesquelles j'ai de la confiance et beaucoup de respect, d'amitié et d'admiration.

Pourquoi cette envie d'évoluer ?

Je suis une créatrice et une développeuse, et je sentais que j'avais atteint le bout de mon projet. Aujourd'hui, le groupe Leetchi [NDLR : Leetchi et Mangopay] compte 160 collaborateurs répartis sur six pays. Le cap du 0-150 salariés, je sais le gérer. Mais le 150-500, c'est une autre histoire. Il s'agit aussi d'une suite logique : avoir une nouvelle figure dirigeante apporte une nouvelle vision, une autre énergie.

Que représentent Mangopay et Leetchi aujourd'hui ?

En 2019, Mangopay réalisera 4 milliards de volume d'affaires et Leetchi 250 millions avec une tendance forte : les cagnottes solidaires représentent environ 50 millions d'euros. Leetchi est présent dans 150 pays.

Avec le recul, quel regard portez-vous sur vos années d'entrepreneuriat ?

Souvent, les entrepreneurs parlent du roller coaster de leur quotidien : c'est un mot encore trop léger ! En effet, la vie entrepreneuriale est faite d'aventures et de rencontres. Elle est très palpitante. On peut inventer les choses à sa manière, on peut créer une petite société qui est à l'image de ses valeurs. C'est à la fois très riche et très enthousiasmant, mais aussi parfois très dur et très solitaire.

Pensez-vous avoir commis des erreurs ?

Plein ! Mais les erreurs forgent l'entrepreneur. C'est un principe que mon père m'a enseigné : quand on fait une erreur, il faut s'assurer de ne pas la reproduire deux fois. Il faut apprendre de ses erreurs. Et c'est d'ailleurs ce que j'essaie de transmettre à mes équipes. Il faut faire de nos failles, de nos écueils, une force ! Entrepreneur, c'est un métier où l'on apprend en permanence. Cela demande beaucoup d'humilité.

Quelle réussite vous rend particulièrement fière ?

Je suis particulièrement fière de mes équipes. L'équipe constituée au fil des années me semble épanouie, et elle porte les valeurs de Leetchi (générosité, universalité, responsabilité). Il y a deux semaines, j'ai participé au team building du groupe, près de Montpellier. J'y ai vu un ensemble de collaborateurs ouverts, dynamiques et qui veulent changer le monde.

Vous êtes Business angel depuis 2015. Quels sont les projets qui retiennent votre attention ?

En quatre ans, j'ai financé une trentaine d'entreprises (dont Le Slip Français, Frichti ou Yuka, entre autres), aux degrés de maturité différents et aux secteurs variés, même si je garde une certaine affinité avec le domaine des services ou de la webtech. Ce qui retient mon attention, c'est avant tout la personnalité du porteur de projet. Et j'aime bien aussi l'idée de financer des femmes entrepreneures : un tiers de mes investissements leur est d'ailleurs dédié.

La french tech, on en parle beaucoup en ce moment. Votre point de vue ?

Elle est bien sûr vouée à grandir encore. On le voit sur le marché américain : 50 % des emplois créés sont issus de la tech. En France, on en est à peine à 10 %. Il y a donc une grande marge de progression. Cela signifie aussi que c'est la source de croissance de demain. Mais c'est un secteur d'activité qui doit encore être structuré, car il est récent. Il ne doit pas reproduire les mêmes biais de genre que l'industrie, par exemple.

Vous voulez parler de mixité ?

Il faut avoir en tête que les entreprises, les produits et services de demain doivent être créés par des gens qui reflètent la société civile. Il faut en finir avec l'image de l'homme blanc quadragénaire qui a fait une grande école de commerce !

Et la mixité passe par une meilleure représentation des femmes donc ?

Il faut en tout cas qu'elles soient libres d'entreprendre et qu'elles aient les mêmes chances que les hommes.

2009

Création de Leetchi.

2011

Levée de fonds 360 Capital Partners (1,2 million d'euros).

2012

Levée de fonds Idinvest Partners (4 millions d'euros).

2013

Création de Mangopay.

2015

Acquisition par le groupe Crédit Mutuel Arkéa.

2019

Création du collectif Sista.

C'est l'objectif que s'est fixé Sista, le collectif que vous avez co-créé avec Tatiana Jama...

Il y a des inégalités de financement entre les femmes et les hommes dans la tech. Les chiffres ont de quoi être angoissants. Au cours de notre vie entrepreneuriale, nous avons souvent rencontré des femmes qui nous ont dit combien les levées de fonds sont pour elles un enfer. Celles qui sont enceintes s'entendent dire qu'elles n'ont qu'à revenir quand elles n'auront plus leur bébé. D'autres ont vu leur business plan être qualifié "de fille". Soit autant de remarques aberrantes. Sista est né pour répondre à un sentiment d'injustice.

Le financement est-il au coeur du problème ?

Dans l'univers de la tech, les enjeux sont globaux, internationaux. Si on veut construire un leader, il faut avoir accès au financement. Donc celui des femmes entrepreneures doit être tout aussi facile que celui des hommes.

Quels sont les freins à ce financement ?

La moitié des fonds d'investissement français n'a aucune femme parmi ses partners, qui sont à 86 % des hommes. C'est pourquoi nous avons rédigé, en collaboration avec le Conseil national du numérique, la charte Sista x CNNUM.

Quel est l'objectif d'un tel document ?

La charte permet de définir une feuille de route précise. Les fonds signataires s'engagent à ce qu'il y ait 30 % de femmes parmi leurs partners. Il faut aussi arriver à 25 % d'équipes féminines ou mixtes financées à l'horizon 2025. Aujourd'hui, nous sommes à 12,5 %. La charte s'appuie aussi sur une quinzaine de recommandations : féminisation des équipes, communication non genrée, questions identiques posées aux femmes et hommes entrepreneurs, etc.

Ce n'est pas le cas ?

Lorsqu'un homme se présente avec un projet, il est tout de suite placé dans une attitude de promotion : on lui pose des questions sur son potentiel de réussite, ses investissements, ses succès passés. La femme est inconsciemment placée dans une position de défiance : on l'interroge sur ses pertes, ses risques... et au final, on n'aura pas envie de la financer. C'est un biais inconscient auquel chacun doit être sensibilisé.

Cette démarche a trouvé écho auprès des intéressés ?

Près de 60 fonds d'investissement ont déjà signé la charte : l'écosystème a été assez sensible à la démarche qui se veut inclusive. C'est aussi une question de prise de conscience collective et une problématique d'éducation. Nous avons réveillé quelque chose dans l'esprit de chaque fond d'investissement que nous avons sollicité. Ils sont plus attentifs.

Ce n'est donc pas uniquement un combat féminin ?

C'est en effet un combat de tous ! D'ailleurs, nous ne cherchons pas à le construire en opposition à qui que ce soit. Le monde a besoin de tous pour fonctionner, hommes et femmes, mais il doit être plus juste.

Votre principale source d'inspiration ?

Les autres, mes rencontres.

Si vous deviez explorer un autre métier ?

Un métier en rapport avec la médecine ou la pâtisserie.

Votre meilleur souvenir professionnel ?

Ma rencontre avec Muhammad Yunus, inventeur du microcrédit et prix Nobel de la paix.

Ce que vous recherchez le plus chez vos collaborateurs ?

La bienveillance.

La manager que vous êtes ?

Humaine, à l'écoute.

L'entreprise que vous auriez voulu inventer ?

Bic, car c'est simple mais tellement génial. Pour sa capacité à durer dans le temps aussi.

Une citation que vous aimez vous répéter ?

" Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ", Mark Twain.

Un entrepreneur que vous admirez ?

Un entrepreneur ? Gilles Babinet,vice-président du CNNUM et l'un de mes premiers boss. Une entrepreneure ? Tatiana Jama !

 
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