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Télétravail : ce qui change pour les entreprises

Publié par Mallory Lalanne le - mis à jour à
Télétravail : ce qui change pour les entreprises

La loi de ratification du 29 mars 2018 et l'ordonnance du 22 septembre 2017 donnent aux employeurs de réels garde-fous pour que le télétravail ne vienne pas perturber l'organisation de l'entreprise. Quelles sont les avancées ? Quelles clauses doivent figurer dans le contrat du télétravailleur ?

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Des grèves à répétition, des temps de transport qui s'allongent, des contraintes familiales et géographiques de plus en plus fortes... si certaines entreprises restent réfractaires au télétravail, elles pourraient être amenées à changer d'avis pour améliorer la qualité de vie de leurs salariés.

L'ordonnance du 22 septembre 2017 et la loi de ratification du 29 mars 2018 visent clairement à donner un coup d'accélérateur au télétravail, tout en donnant des droits et des obligations tant à l'employeur qu'au télétravailleur. Le télétravail est défini par l'article L1222-9 du code du travail comme "toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail (...) est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication".

Soucieuse de coller à la pratique des entreprises, la nouvelle règlementation permet en premier lieu aux employeurs de recourir au télétravail de façon occasionnelle. L'article L.1222-9 du code du travail vise ici les épisodes de pollution. Un autre article- L1222-11- prévoit d'étendre le télétravail occasionnel aux menaces d'épidémie, ou aux cas de force majeure.

Le recours au télétravail occasionnel peut aussi viser des situations individuelles spécifiques (état de grossesse et personnes en situation de handicap), des difficultés de transport liées aux grèves, et plus généralement en cas de situation personnelle exceptionnelle et temporaire du salarié comme les problèmes de garde d'enfant ou la conduite de travaux à domicile.

Ce que doivent prévoir l'accord ou la charte

L'article 1222-9 du Code du travail mentionne les informations minimales que l'accord collectif ou la charte doivent comporter : les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d'épisode de pollution ; les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en oeuvre du télétravail ; les modalités de contrôle du temps de travail ; la détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut contacter le salarié. "L'accord doit épouser vos conditions et doit être élaboré en fonction de vos besoins, du profil de vos salariés. Il y a un vrai travail de réflexion à mener", conseille Patrick Thiébart, avocat au sein du pôle social Jeantet.

À ces informations, qui constituent le bloc de base, s'ajoutent des mentions optionnelles, "quoi que vivement recommandées", selon Patrick Thiébart. Parmi ces éléments figurent le lieu de télétravail ou, inversement, ceux où il doit être interdit (lieux publics par exemple), le nombre maximum de jours télétravaillé par semaine (de préférence, les jours non utilisés ne sont pas transférables sur une autre semaine afin de ne pas entraver le bon fonctionnement de l'entreprise), une clause sur la protection des données.

Ou encore les postes éligibles au télétravail et le profil des salariés pouvant en bénéficier. Ces critères doivent être impérativement objectifs et non discriminatoires. Le poste de standardiste, par exemple, ne peut par définition être exécuté en dehors de l'entreprise. Il n'est donc pas éligible au télétravail. Certains postes possédant des contraintes techniques et des impératifs de sécurité des données traitées peuvent également ne pas être éligibles. Afin de faire face à toutes les éventualités, vous avez tout intérêt à les préciser dans une liste aussi complète que possible mais non-exhaustive.

Si des avenants au contrat de travail ont été précédemment établis et qu'ils ne sont plus aux normes par rapport à l'accord collectif, ce dernier s'imposera alors. Vous devez tout de même vous assurer que le salarié ne s'oppose pas aux mesures. Il dispose d'un mois pour faire connaître son refus.

Un accord verbal peut suffire

Êtes-vous pour autant contraints de signer un accord ou une charte pour recourir au télétravail ? Pas nécessairement. L'article L.1222-9 est sans équivoque. Il précise qu' "en l'absence d'accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l'employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen".

Un accord verbal peut donc suffire. César Solis, avocat au sein du pôle Jeantet, met toutefois en garde que "flexibilité peut rimer avec insécurité. Plutôt que de passer par un simple mail, on va essayer de négocier un accord collectif, ou de fixer des règles communes à travers l'avenant au contrat de travail". Il est donc probable qu'en pratique l'avenant contractuel demeure la règle.

Un accord bilatéral

L'article L1222-9 prévoit également que le télétravail ne peut pas être imposé. Il nécessite l'accord des deux parties. En cas de refus du salarié, quand bien même il est éligible, il n'y a donc pas possibilité de le licencier, ou de jouer la carte de l'insubordination.

De même, si vous vous opposez à la demande du salarié et qu'il existe un accord ou une charte dans votre entreprise, vous devez motiver par écrit la réponse négative en vous basant sur des exigences d'éligibilité posées par votre accord. En l'absence de charte ou d'accord, vous pouvez ne pas motiver votre réponse. Des questions peuvent toutefois se poser sur la rupture de l'égalité de traitement des salariés. "Le terrain est ici glissant car la loi travail a allégé la charge de la preuve du salarié, rappelle César Solis. Il n'est pas tenu d'apporter les preuves factuelles. Il est donc conseillé de motiver la décision par écrit en cas de refus".

Prise en charge des frais

Autre nouveauté: la prise en charge des coûts (matériel, logiciels, abonnement internet...) n'est plus une obligation légale. Elle peut toutefois s'imposer, à défaut d'accord d'entreprise, car cette prise en charge relève d'une obligation générale pesant sur l'employeur. Si vous mettez à disposition du matériel informatique, assurez-vous toutefois que l'assurance multirisque habitation du télétravail locataire couvre le vol du matériel informatique.

Vous n'êtes par ailleurs plus dans l'obligation de verser une indemnité spécifique d'occupation, si vous mettez à disposition du télétravailleur un bureau, ou si la demande de télétravail émane du salarié.

Le cas particulier des salariés en forfait-jours

Sachez par ailleurs que le télétravailleur jouit des mêmes droits collectifs et individuels que les salariés présents dans l'entreprise, à savoir la formation professionnelle, le droit à la politique d'évaluation RH, les tickets restaurants.

Il bénéficie par ailleurs de la même protection contre les accidents du travail. L'ordonnance du 22 septembre 2017 a apporté des précisions en matière de sécurité au travail. Elle introduit la présomption selon laquelle l'accident qui survient en temps et lieu du télétravail est présumé être un accident du travail. Si cette présomption s'applique facilement pendant les plages horaires du télétravailleur soumis aux 35 heures -dès lors qu'elles ont bien été définies-, il en va différemment pour les salariés en forfait-jours, qui ne sont pas soumis à des horaires de travail préétablis. "L'employeur peut agir à titre préventif au titre de son droit de contrôler le respect des normes d'hygiène et de sécurité sur tous les lieux de travail", conseille Patrick Thiébart.

De son côté, la personne en télétravail doit respecter le temps de repos obligatoire. Pas si simple dans les faits d'empêcher le salarié de travailler tard le soir. Pour éviter de vous retrouver en difficulté, vous aurez tout intérêt à rappeler par écrit à vos collaborateurs qu'ils ne peuvent accomplir d'heures de travail supplémentaires sans l'accord préalable et écrit de son supérieur hiérarchique, et qu'ils doivent respecter les temps de repos obligatoires, sachant que ces derniers ne sont pas fractionnables. "Les 11 heures de repos doivent être prises d'un seul bloc", insiste Patrick Thiébart.

La jurisprudence se montre plus stricte pour les salariés en forfait-jours. La convention ou l'accord collectif doit en effet comporter des mécanismes de contrôle et de suivi afin de s'assurer que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables, et assurent une bonne répartition du travail dans le temps. Mais attention, il n'est pas question ici de définir en début d'année ou deux fois par an, le calendrier prévisionnel de l'aménagement du temps de travail et d'établir une fois par an un bilan de la charge de travail de l'année écoulée.

Dans un arrêt du 14 décembre 2016, la Cour de cassation considère que ce n'est pas suffisant, annulant la convention individuelle de forfait-jours conclue en application de l'accord -le salarié est en droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires-, et retoquant également la convention collective. "Il est donc recommandé d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, de prévoir un droit à la déconnexion en dehors des périodes durant lesquelles il doit être joignable, ou encore d'organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail et s'assurer qu'elle est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires", reconnaît Patrick Thiébart.

Si vous hésitez encore à franchir le cap du télétravail, vous avez la possibilité de prévoir dans le contrat une clause probatoire d'un ou deux mois. Vous vous assurerez ainsi que ce mode d'organisation est compatible avec les intérêts des deux parties.

 
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