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La 5G, entre mythe et réalité

Publié par Véronique Meot le | Mis à jour le
La 5G, entre mythe et réalité

Transports et villes intelligentes, industries du futur, télémédecine... Les terrains de jeu de la 5G sont nombreux et attirent autant qu'ils effraient. Alors que le réseau se déploie, dans les entreprises, les projets se multiplient. Ils ouvrent la voie à de nouveaux services. État des lieux.

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Inquiets de l'arrivée de la 5G, les Français ? Dans un contexte particulièrement anxiogène, il semble qu'ils attendent " des garanties sur l'impact environnemental et sanitaire ", note Erwan Lestrohan, directeur d'études d'Odoxa qui a publié l'Observatoire de la tech à l'automne 2020(1). Ce qui n'empêche pas les Français, selon cet Observatoire, d'envisager les usages que le réseau pourrait faciliter : grâce à la 5G, ils souhaitent utiliser davantage le partage de fichiers volumineux (57 %), la télémédecine (56 %), les services de maison connectée (49 %), les véhicules autonomes (38 %) et les jeux vidéo en immersion complète (24 %). Perspectives atténuées par les craintes partagées par un Français sur deux : risques de piratages des données personnelles et d'espionnage par des États ou organisations étrangères.

Bande de fréquence 3,5 GHz

Le déploiement de la 5G (pour 5e génération de réseau de téléphonie mobile) fait débat. " La 5G, c'est un terme marketing, l'habillage des évolutions et des améliorations du réseau que les opérateurs essaient de valoriser " , lâche Georges Karam, président de Sequans, spécialiste des circuits et modules de radiocommunication 4G et 5G.

La 5G apporte des améliorations en matière de débits (d'abord jusqu'à trois à quatre fois plus rapides que la 4G, puis jusqu'à 10 fois), pour un temps de latence de l'ordre de la milliseconde. Elle doit booster la quantité de données échangées sans engorger les réseaux : elle ne supplante pas la 4G, mais la complète.

Ces progrès favorisent l'arrivée de services et d'infrastructures innovantes. " À ceux qui disent que la 4G leur suffit, je réponds jusqu'à quand ? Car l'adoption de la 5G résulte d'une nécessité, compte tenu des nouveaux besoins et du nombre croissant d'objets connectés. En outre, son débit absorbera les pics de charge " , argumente Georges Karam.

Techniquement, les expérimentations en cours testent la bande de fréquence 3,5 GHz, la seconde bande (26 GHz) devant faire l'objet d'études ultérieures. " Elle n'a pas été attribuée par l'Arcep " , précise Olivier Wioland, Mobile Network Marketing Director chez Orange Business Services. La 5G combinée à l'Edge computing, qui déporte le stockage en ligne à proximité de la source (et non plus dans le nuage, comme avec le cloud), répondent aux besoins du temps réel. " Quel que soit l'opérateur, le réseau évolue parce que la consommation augmente, portée par la richesse des contenus. La 5G va permettre de libérer de l'espace sur le réseau 4G ", confirme Olivier Wioland.

Risques multiples

Face aux risques pour l'environnement, la position d'Orange est à rechercher dans sa raison d'être : " L'opérateur a la volonté d'être durable, Stéphane Richard, son p-dg, a fixé des objectifs pour atteindre la neutralité carbone ", indique Olivier Wioland. D'ailleurs, ajoute-t-il, " avec la 5G, l'efficacité énergétique du réseau va s'améliorer, à consommation égale, le coût du gigabit sera moindre qu'avec la 4G ".

Si à usage constant, la 5G apparaît moins énergivore que la 4G, en améliorant le trafic, elle devrait augmenter la consommation... Au niveau sanitaire, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) mène des travaux d'expertise sur l'exposition de la population aux champs électromagnétiques de la 5G. Son rapport est attendu pour 2021. " Un prérapport ne mentionne pas d'effets avérés, mais le principe de précaution reste applicable " , glisse Sabine Marcellin, avocate au sein du cabinet DLGA, experte en droit numérique.

De son côté, l'Agence nationale des fréquences (ANFR) a publié, en septembre 2020, une simulation sur l'exposition aux ondes créée par la téléphonie mobile en zone urbaine dense (le 14e arrondissement de Paris), tenant compte de l'évolution envisagée entre 4G et 5G. Il en ressort que, sans 5G, l'exposition du public aux ondes continuerait de s'accroître du fait de l'augmentation de la demande de connectivité, et que l'augmentation de l'exposition due à la 5G en bande 3,5 GHz resterait modérée grâce aux antennes à faisceau orientables.

Autre risque, la 5G pourrait renforcer les inégalités. Au premier rang desquelles, l'accès au réseau. " Les PME n'ont pas les moyens des grandes entreprises pour peser sur le choix des installations dans les territoires, celles qui sont basées en zones rurales seront largement pénalisées ", martèle Sabine Marcellin. D'autres barrières s'élèvent pour les petites entreprises, comme la nécessité de renouveler le parc de terminaux. Enfin, les questions liées à la cybersécurité inquiètent. " Comment les petits objets connectés, peu onéreux, qui captent les données, garantissent-ils un niveau de sécurité suffisant et conforme au RGPD ? " interroge Sabine Marcellin.

Demain, la cybersécurité pourrait devenir un argument commercial... D'autant que la responsabilité de l'entreprise pourrait être mise en cause. " Les PME devront veiller à mettre en concurrence les prestataires paramétrant les systèmes IoT (Internet des objets) et à faire montre de vigilance quant à l'évolution des contrats ", recommande cette avocate.

Quand la 5G sécurise et accompagne

Tikaway guide la maintenance

La solution vidéo proposée par Tikaway permet de guider le SAV, de maintenir des machines à distance... La 5G améliore la qualité de l'image grâce à la résolution d'affichage 4K (supérieur au full HD). En permettant de zoomer sur des détails invisibles en 4G, elle contribue à l'amélioration du service.

Supralive® monte le son pour les malentendants

Augmented Acoustics a développé l'appli Supralive® pour garantir aux spectateurs d'un événement la meilleure place en expérience sonore, y compris pour les malentendants, notamment grâce à l'accès au multipiste. Ce service, actuellement délivré via un boîtier, pourra s'en passer et être disponible sur smartphone grâce à la faible latence et au débit de la 5G.

Twinswheel s'empare du dernier kilomètre

Droïdes, robots autonomes, porteurs de charges, la start-up propose ces engins à trois secteurs : indoor (usines, entrepôts), semi-ouvert (aéroports, gares, hôpitaux) et à la logistique urbaine (aide aux PMR, aux techniciens, à l'e-commerce). Elle mise sur la 5G pour sécuriser ses robots lorsqu'ils fonctionnent en mode autonome.

Oasis Smart Sim travaille sur l'e-Sim et le Cloud Sim

Remplacer les cartes Sim physiques jetables par des Sim virtuelles, tel est l'objectif de cette entreprise qui voit dans la 5G un moyen de bénéficier de sécurité renforcée en introduisant de nouvelles méthodes de cryptographie. L'enjeu est colossal, car, avec l'accroissement des IoT, les Sim vont se multiplier.


Nouveaux marchés

La 5G arrive donc en France avec deux promesses : le haut débit et la capacité. Chez CAD-42, société qui développe des objets connectés dédiés à la sécurité des opérateurs sur les chantiers, le président Jean-Philippe Panaget s'en réjouit : " Grâce à la 5G, les alertes pourront être lancées quasi instantanément et, au-delà, les engins autonomes pourront être arrêtés. De plus, la transmission des flux vidéo gagnant en résolution, nous n'aurons plus besoin de créer des réseaux spécifiques sur site. Bref, à qualité équivalente, nos services seront plus accessibles et moins chers. "

Au fil du temps, d'autres applications verront le jour. " À l'horizon 2023, le network slicing (division du réseau en tranches) favorisera la capacité à développer des IoT, et pas seulement d'entrer dans les produits, mais dans le fonctionnement de l'entreprise pour optimiser la productivité, sans remplacer l'humain, mais en restant à son service ", promet Olivier Wioland.

Vidéo, réalité virtuelle, réalité augmentée, intelligence artificielle... les postes de travail pourraient évoluer dans l'industrie, avec l'usine du futur (maintenance à distance, tri de pièces, contrôle à distance). Les projets foisonnent. " L'IoT ouvre la voie à la maintenance prédictive, les données collectées, puis transférées vers des plateformes d'analyse à base d'intelligence artificielle permettent de calculer les probabilités de défaillance et donc de réduire les coûts " , confirme Sonia Bellit, chef de projet à La Fabrique de l'industrie, think tank français. Autre axe, la logistique. " Aujourd'hui la géolocalisation de conteneur, qui n'a pas besoin de haut débit, s'opère en 0G, peu gourmand en énergie, mais qu'il est difficile de faire communiquer avec la 4G. La 5G, multi usage, vient résoudre ce problème ", assure-t-elle.

La 5G, on le voit, ouvre de nouveaux marchés, comme en témoigne la présence du robot de téléprésence développé par Axyn au sein de l'usine de Schneider Electric et connectée par Orange Business Services...

Usages attendus

In fine, " les applications mobiles qui nécessitent un très haut débit (4 K, 8 K pour affiner les images), celles qui requièrent des temps de latence très faibles (télémédecine, jeux vidéo, véhicule autonome...), et l'Internet des objets (smart city, smart building...) profiteront de la 5G " , résume Paul-François Fournier, directeur exécutif chargé de l'innovation de Bpifrance. Des offres qui semblent matcher avec les cas d'usages envisagés par les consommateurs. Il rappelle, par ailleurs, qu'un appel à projets dédié au secteur des télécommunications, pour soutenir les applications industrielles fondées sur la technologie 5G, a été lancé dans le cadre du Plan de relance fin 2020.

Si Bpifrance s'implique, c'est que la 5G va permettre de développer des plateformes structurantes, peu délocalisables et que l'économie a intérêt à ce que des services prennent appui sur ces infrastructures pour créer de la valeur. " Nous comprenons les interrogations, mais se passer de cette technologie risquerait de mettre en péril la productivité des PME-ETI et de passer à côté de nouvelles activités créatrices d'emplois " , conclut Paul-François Fournier. La 5G, un passeport pour la réindustrialisation ?

Témoignage

"Des perspectives pour interagir avec nos clients", Yann Jaubert CEO d'Alfi Technologies

Le groupe Alfi Technologies s'est donné pour mission de bâtir des usines plus intelligentes pour améliorer les conditions de travail des opérateurs et, in fine, la productivité des industriels en France. Sa cible : les industries du matériau de construction (laine de verre ou de roche, menuiserie), l'aéronautique, l'automobile, la logistique (avec le tri de colis). " J'ai racheté des entreprises il y a dix ans lors de la crise précédente, parce que je croyais à l'industrie en France " , déclare Yann Jaubert, son président.

Ce fournisseur connecte les lignes de production qu'il fabrique à des jumeaux numériques permettant de remonter des informations et de les analyser. " Nous nous heurtons à deux contraintes majeures : des flux de données limités et les risques en matière de cybersécurité. Nos clients industriels ne souhaitent pas, à juste raison, que nous pluggions nos machines à leur réseau par crainte de faille, résume le dirigeant. La 5G nous permet de remonter davantage de données, sans limites, donc ouvre des perspectives pour interagir avec nos clients. "

Réalité augmentée, algorithme plus performant, la 5G permettra à Alfi Technologies d'étayer ses services. " Nous travaillons actuellement sur de nouveaux services que nous pourrons proposer lorsque la 5G sera déployée. " La part des services digitaux intégrés dans les machines devrait sensiblement augmenter, " passant de 5 à 10 % à 20 ou 30 % dans les nouveaux services ". Elle doit aussi accroître le chiffre d'affaires et la valeur, donc la marge. " De notre capacité à fabriquer des machines intelligentes, permettant de produire des masses moins chères, dépend la relocalisation industrielle " , conclut Yann Jaubert.

Alfi Technologies
Fournisseur de lignes d'équipements et de solutions digitales associées
Beaupréau-en-Mauges (Maine-et-Loire)
Yann Jaubert, CEO, 48 ans
SAS > Création en 1970 > 200 collaborateurs
CA 2019 : 30 M€

 
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