[Interview] Martin Besson (Sans A) : "Engagement et business ne sont pas incompatibles"
Une entreprise a tout à gagner en menant des actions concrètes en faveur de la société, de ses collaborateurs ou de l'environnement. Explications avec Martin Besson, jeune entrepreneur, fondateur de Sans A.
Je m'abonneSi un dirigeant souhaite se lancer dans un projet à impact positif, par quoi commencer ?
Engager son entreprise ne peut pas être qu'une affaire de direction. Il faut avant tout engager ses collaborateurs. Plusieurs missions peuvent alors être envisagées : proposer un don financier, accorder des jours aux salariés pour des actions solidaires, créer d'un fonds de dotation... Qui sont autant d'actions qui bénéficient de systèmes de défiscalisation avantageux !
Ensuite, il faut interroger les collaborateurs, peut-être par le biais d'une boite à idées anonyme. Qu'est-ce qui est important ? Qu'est-ce qu'on pourrait faire ? Il y a certes la vision impulsée par le dirigeant, mais ce qui fait la richesse d'une entreprise, ce sont ses équipes. Au risque sinon de se lancer dans une belle course au green ou au social washing...
Comment l'éviter ?
A partir du moment où il y a une intention qui est claire et que tout le monde la comprend, globalement, les gens vont tous dans la même direction. Il y a une union et une unité. Toutes les idées exprimées par les collaborateurs permettent de dessiner une vision commune. Ensuite, de manière naturelle, certaines propositions s'écarteront, d'autres s'amplifieront. Enfin, il faut rappeler qui est responsable de ce projet et qui garde le pouvoir décisionnaire. Il s'agit de préciser les termes du jeu en toute transparence dès le début. Dans les petites structures : c'est souvent le dirigeant qui s'empare de la cause défendue. Mais il faut aussi savoir éviter toute philanthropie paternaliste ou maternaliste et c'est ce que permet justement l'engagement des collaborateurs.
Est-ce une manière aussi de les valoriser ?
Cela permet de créer une cohésion et, en même temps, d'évaluer leur degré d'implication. Dans la Grèce Antique, quand les gens n'avaient pas voté, ils étaient encerclés de rouge et ils étaient écartés des votes suivants, selon le principe du "si cela ne t'intéresse pas, tu n'as pas ton mot à dire". Cela revient donc à dire à ses équipes que, si elles veulent contribuer à la consolidation ou à l'amélioration de l'entreprise, elles doivent participer. La réussite d'une entreprise est collective.
D'ailleurs, après cette année 2020 très morose, l'engagement des entreprises est-ce une tendance qui prend de l'ampleur, ou encore timide ?
Oui, il prend de l'ampleur : dans dix ans, les entreprises qui ne se seront pas engagées, disparaitront. Cela peut même arriver avant. Par définition, une entreprise doit apporter à la collectivité et doit redistribuer. Se rendre chaque matin dans une entreprise sans savoir pourquoi on le fait, cela n'a rien de gratifiant. En cette période où les confinements et les restrictions se multiplient, le sentiment d'appartenance devient essentiel. On n'a pas encore calculé la violence du chômage partiel : mais se dire qu'on est coincé chez soi, que le monde va mal, qu'on n'a plus de travail et surtout aucun sens à lui accorder, le tableau devient vite très sombre. En revanche, se dire qu'on est associé à une entreprise qui a de l'impact et qui peut changer les choses, c'est mieux.
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D'ailleurs 2020 a vu émerger beaucoup d'initiatives de solidarité... Donc sommes-nous dans une sorte de rupture ?
Bien sûr, et cela va continuer ! La pandémie n'est que l'expression simple d'une planète qui souffre et du besoin de changer nos habitudes. C'est même d'ailleurs dans ce cadre que se pose la question du télétravail...
C'est-à-dire ?
Avant, le télétravail était très décrié. Depuis, certaines personnes l'ont tout simplement découvert et elles recherchent désormais une forme de liberté. Et de l'autonomie, de la responsabilisation, tout en restant parfaitement productives. Le problème est que bien souvent un chef d'entreprise a la tête dans le guidon : or, il est nécessaire de prendre le temps de s'informer. Si les mentalités n'évoluent pas, encore une fois, des entreprises mourront.
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