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[Interview] Sylvain Breuzard, Norsys : " Les entreprises ne vont pas assez loin "

Publié par Céline Tridon le | Mis à jour le
[Interview] Sylvain Breuzard, Norsys : ' Les entreprises ne vont pas assez loin '

Reprendre les idées de la permaculture pour les appliquer à l'entreprise, c'est ce qu'a fait Sylvain Breuzard, dirigeant de Norsys. Après avoir testé certains préceptes auprès de ses 600 collaborateurs, il en a extrait une méthodologie que chacun peut s'approprier, celle de la "permaentreprise".

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Vous êtes à l'origine du concept de " permaentreprise ". Quel en est l'objectif ?

Je suis parti du constat que vingt ans de RSE n'ont pas réussi à inverser les mauvaises tendances d'évolution du monde, que ce soit sur le plan environnemental ou social. Il faut que les entreprises soient lucides, qu'elles se remettent en cause parce qu'en plus, elles sont les mieux placées pour faire évoluer les choses.

Or, elles sont nombreuses à ne pas adopter de vision globale. Elles ne concentrent généralement leurs efforts que sur une thématique. Si l'une se préoccupe de son impact sur l'environnement, elle ne réfléchira pas au bien-être de ses collaborateurs. Et inversement. Les entreprises ne vont pas assez loin.

Vous proposez un modèle qui s'inspire de la permaculture. Pourquoi ?

La finalité de la permaculture n'est pas de produire pour alimenter les gens, mais de rendre la Terre habitable pour tous. Autrement dit, c'est une philosophie de vie.

Elle se base sur trois principes éthiques : prendre soin de la Terre, prendre soin des Hommes et fixer des limites et redistribuer les surplus. Ensuite, les créateurs de ce concept ont défini douze principes de conception, pour préciser le " comment faire ". Pourquoi cela ne pourrait-il pas être le nouveau modèle de développement d'une entreprise ? Pourquoi ne pas partir de principes éthiques avant toute chose ?

Comment ces principes peuvent-ils s'appliquer à l'entreprise ?

J'ai commencé par reformuler les trois principes éthiques : prendre soin des humains, préserver la planète, se limiter et redistribuer les surplus. Sur ce dernier point, le " se " est très important : il renvoie au fait qu'il faut souvent des lois et des normes pour que les entreprises se prennent en main. C'est le cas par exemple avec l'égalité femmes-hommes, où il a fallu attendre une quatrième loi qui commence à parler de sanctions pour inciter quelques entreprises à bouger. Ces lois prouvent que les entreprises ne prennent pas les initiatives.

Qu'est-ce qui manque aux entreprises pour se lancer d'elles-mêmes ?

Il faut avant tout une méthodologie pour mettre en oeuvre une démarche d'ensemble.

Souvent, les entreprises qui veulent faire quelque chose n'ont pas de modèle. Elles observent les référentiels RSE, voient où elles peuvent s'autoévaluer et gagner des points pour obtenir une certification ou un label. Or, ceci n'est pas une vision globale.

Donc, chaque entreprise peut commencer par établir une raison d'être sur la base des principes éthiques. Elle doit aussi définir ses enjeux à court et moyen termes, à raccrocher toujours sur ces principes, qui sont les fondements de toute construction.

Est-il important que les efforts soient impulsés par le dirigeant ?

Il faut en effet que cela soit porté par le dirigeant, voire même par les actionnaires, ce modèle pouvant s'appliquer à des entreprises de toute taille.

Pour plus d'efficacité, la démarche impose de se fixer des objectifs d'impact incontournables. Il ne faut pas être dans une vision qui cherche à maximiser les profits à tout va. Par exemple, il s'agit de redistribuer aux salariés une partie des résultats affectés à la société civile après impôts. De même, 5 % des résultats de l'entreprise peuvent être redistribués sous forme de dons. Ou encore, l'entreprise peut être en contribution nette et positive de carbone, c'est-à-dire tout faire pour réduire ses émissions de CO2 et autres métaux et compenser le reste par le financement de puits de carbone (forêts ou autre).

En fait, il s'agit de fédérer un ensemble de dirigeants autour de cette méthodologie, accessible à tous, pour sortir du modèle de la pensée unique.

Est-ce compatible avec les objectifs de performance ?

La performance, c'est la clé. Revenons au 16 mars 2020 : les entreprises ont dû se mettre au télétravail du jour au lendemain. Chez Norsys, nous avions fait le choix de le mettre en place quatre ans auparavant car les conditions de vie se compliquaient, notamment en métropole. Cela répondait à une réflexion sur la vie du collaborateur, alors que de manière générale, la plupart des études indiquaient que la majorité des entreprises étaient contre le télétravail généralisé. Pourtant, elles ont dû s'y mettre lors du premier confinement, voire même arrêter leur activité pendant une, deux ou trois semaines le temps d'organiser le travail autrement. Et l'arrêt de l'activité coûte très cher. Pour Norsys, qui avait anticipé cette évolution des modes de travail, cela n'avait rien changé.

Est-ce aussi un moyen d'attirer les nouvelles recrues ?

En effet, les collaborateurs expriment de plus en plus un besoin : qu'on se préoccupe du dérèglement climatique, de la dégradation de la planète. D'ailleurs, en octobre 2018, 32 000 étudiants de grandes écoles ont signé le manifeste pour un réveil écologique. Ils attendent des faits concrets et s'engageront dans des entreprises qui les appliquent. Aussi, la permaentreprise permet d'accentuer fortement son attractivité vis-à-vis des jeunes talents. C'est un autre levier de performance.

Est-ce que la mise en place de nouvelles pratiques a un coût ?

Concevoir le projet de permaentreprise dans une dynamique collective demandera du temps et de solliciter certains collaborateurs. Mais qui veut-on impliquer ? Jusqu'où ? C'est une variable d'ajustement. Le coût réside surtout dans la mise en oeuvre des projets. Plus ils seront ambitieux, plus il y aura des frais évidents. Il faut parfois mettre de l'argent pour se donner les moyens de réaliser certains chantiers, mais après, cela peut être vu comme un coût... ou comme un investissement.

Sylvain Breuzard est p-dg du groupe Norsys, entreprise de services numériques (CA : 46,3 millions d'euros, 600 collaborateurs), certifiée ISO 26000, Bcorp et reconnue société à mission. Ancien président national du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD), il est, par ailleurs, créateur du Réseau Etincelle, qui vise à rendre entrepreneurs de leur vie les jeunes en rupture scolaire, et préside le conseil d'administration de Greenpeace France depuis 2011.

Pour en savoir plus

La Permaentreprise, un modèle de développement d'entreprise viable pour un futur vivable inspiré de la permaculture ; de Sylvain Breuzard, éditions Eyrolles, mars 2021, 176 pages, 27 euros


 
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