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Business for good et croissance : la double promesse

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Business for good et croissance : la double promesse

Ces patrons font rimer rentabilité et biens communs. En répondant aux besoins des consommateurs et aux attentes de leurs collaborateurs, ils opèrent une transformation encouragée par le contexte mondial, sur fond de crise climatique et sanitaire. Ainsi, ils bénéficient d'un alignement des planètes inédit. Finance, gouvernance et partage des richesses devraient suivre.

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C'est qui le patron ? Tous les marqueurs semblent au vert, pour répondre avec la PME éponyme, qu'aujourd'hui c'est le consommateur ! Créée par Nicolas Chabanne et Laurent Pasquier en 2016 dans le secteur agroalimentaire, la marque propose aux consommateurs de reprendre leurs achats en main en soutien aux producteurs, et ça marche ! La société collective (SCIC) a vu le jour en janvier 2017 et commercialise du lait, du beurre, du jus de pomme, etc. " Voilà une entreprise qui parvient à prendre des parts de marché au point de faire bouger la grande distribution ", s'extasie Jean-Noël Felli(1), CEO de Balthazar, expert en stratégie de transformation.

C'est qui le patron ? (CQLP), en croissance de + 14 % en 2020, regroupe à ce jour plus de 16 millions de consommateurs et soutient 3 000 familles de producteurs.

Croissance raisonnée

" L'exigence des citoyens consommateurs et collaborateurs quant au rôle de l'entreprise et à son utilité pour la société s'accroît ", constate Emery Jacquillat, président de la Communauté des entreprises à mission. Cette pression joue en faveur d'un engagement des acteurs économiques.

Adoptée en 2019, la loi Pacte a fourni un cadre législatif et structurant en instituant la qualité de société à mission et en prévoyant que la raison d'être doit être inscrite dans les statuts de la société. Elle a ainsi contribué a accéléré le mouvement. Désormais, l'entreprise ne doit plus être gérée " dans l'intérêt commun des associés ", mais " dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ".

Le contexte actuel, avec la crise sanitaire, vient le renforcer. À la question "à quoi servent les entreprises ?" posée par l'Institut de l'entreprise(2), les Français répondent en leur fixant une feuille de route claire, persuadés qu'ils sont que les entreprises ont le pouvoir d'améliorer le monde actuel. Pour se développer, les entreprises devraient donc donner du sens à leur action. Celles qui se sont mobilisées prennent une longueur d'avance.

Le business for good semble donc bien synonyme de croissance. En revanche, il pose aussi la question des limites. " Sans militer en faveur du 'small is beautifull', il semble légitime de s'interroger sur un modèle de croissance raisonnée ", rappelle Jean Moreau, coprésident du Mouvement Impact France (ex-Mouves).

Une nouvelle génération d'entrepreneurs se lève qui essaie de dépoussiérer le business, sans pour autant endosser les habits des altermondialistes. Les entreprises à impact positif revendiquent une croissance assumée. " Nous manquons encore de belles histoires à raconter car l'argent est culturellement tabou en France, mais nous militons pour une croissance décomplexée. Nous souhaitons voir les entreprises passer le gap afin de démontrer qu'une alternative est réellement possible ", martèle Jean Moreau.

Mission opérationnelle

Aujourd'hui, plusieurs indices démontrent que quelque chose se passe. " Nous aurions pu penser que la loi Pacte influence les grandes entreprises, or les PME et ETI prennent ce virage. Nous sommes ainsi sollicités pour les accompagner dans l'opérationnalisation de leur raison d'être ", témoigne Clément Reyne, associé du cabinet Wemean (conseil en communication).

Parmi les nombreux prix distinguant les entreprises, celui de Women Equity, palmarès des PME / ETI de croissance pilotées par des femmes, se montre particulièrement exigeant en la matière et s'intéresse de près à l'impact. " Nous aimons mettre l'accent sur des entreprises qui présentent des profils intéressants en termes de performances globales, à la fois sur le plan financier et économique et en termes d'impact. Et ce de façon large, en considérant particulièrement les efforts fournis par des entreprises dont la première raison d'être n'est pas l'impact. Cette année, nous observons une percée des entreprises qui ont intégré la transition énergétique dans leur stratégie, accéléré la digitalisation de leurs activités, tout en se posant la question de leur responsabilité et en jouant le jeu de l'intérêt général " , déclare Dunya Bouhacene, présidente de Women Equity. Pour rappel, les lauréates réalisent en moyenne un chiffre d'affaires de 31,5 millions d'euros, en croissance de +30 % en 2019, plus de la moitié est présente à l'international. En 2020, année atypique s'il en est, ces dirigeantes ont maintenu le cap, voire amélioré leurs marges tout en faisant croître leurs effectifs de +10 %.

Alignement des planètes

Plusieurs éléments jouent en faveur des boîtes à impact. " Les financements sont disponibles pour les projets crédibles et les talents souhaitent rejoindre ces entreprises " , résume Jean Moreau. Il semble que l'on assiste à un alignement inédit des planètes.

Au niveau des fonds d'investissement, un changement de paradigme est en cours. Ce n'est pas par hasard que Larry Fink, président de BlackRock, le plus grand fonds de pension du monde, affirme dans sa lettre annuelle aux investisseurs dès 2018 : " Les entreprises qui honorent leur mission et leurs responsabilités envers leurs parties prenantes récoltent des bénéfices à long terme ". En précisant : " Pour prospérer au fil du temps, toute entreprise doit non seulement produire des résultats financiers, mais également montrer comment elle apporte une contribution positive à la société ". Dans leur approche, " les investisseurs tiennent de plus en plus compte des enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance des entreprises qu'ils détiennent ", commente Jean-Noël Felli.

La crise de la Covid-19 sert d'accélérateur. " Les fonds green et ISR (investissement socialement responsable) sont actuellement les plus demandés, l'argent est disponible ", assure Jean-Noël Felli. En plein essor en 2020, le marché français de l'investissement responsable compte 245 fonds supplémentaires et atteint 461 milliards d'euros au 31 décembre 2020 selon Novethic, observatoire du marché de l'investissement responsable (soit +66 % par rapport à l'année précédente).

En outre, ajoute Jean-Noël Felli, " une étude de BlackRock publiée en mai 2020 montre que les entreprises les plus responsables sont aussi les plus résilientes face à la crise ". La raison d'être promet d'apparaître comme un superbe levier de croissance en sortie de crise. Pour peu que la gouvernance mette en place les dispositifs permettant de ne pas dévier de cap. Aux entreprises de définir leurs organes de suivi. La loi Pacte a institué le comité de mission, qui doit inclure au moins un salarié pour les sociétés à mission de plus de 250 salariés. Les autres doivent se doter de garde-fous afin d'éviter de céder aux sirènes du court-termisme. Car les entités qui réussissent à conjuguer impact et croissance restent focalisées sur le sens de leur engagement.

Colp, par exemple, s'engage pour une rémunération juste et stable des producteurs, leur permettant d'offrir des produits de qualité, bons et responsables et de pratiquer des prix abordables pour tous. Son succès s'appuie sur la force de la communauté. La PME a renoncé à tout budget publicitaire et forces de vente. " La mission implique de procéder à un certain nombre de renoncements et à ciseler l'offre ", affirme Emery Jacquillat. Et il sait ce qu'il dit. En tant que président de la Camif, il s'est démarqué de ses concurrents il y a quelques années en refusant de participer au Black Friday et assumant les pertes de chiffre d'affaires. Mieux encore, la Camif écarte certains produits de son catalogue pour privilégier une offre 100 % européenne. Les objectifs à court terme ne doivent pas brouiller le dessein à long terme.

Témoignage

" Savoir à quoi on sert motive "

Thierry Yalamas, p-dg de Phimeca

RecycLivre a pour objet " la vente de livres d'occasion et plus généralement de tous biens culturels afin de permettre, notamment à des populations en situation de fragilité économique, de pouvoir accéder à la culture à moindre coût ". Une raison d'être qui n'est, pour son fondateur David Lorrain, " pas antinomique avec la croissance ".

Ses chiffres le prouvent : en 2020, la croissance enregistrée s'élève à +23 % par rapport à 2019. Et en 2021, RecycLivre vise les +50 % par rapport à 2020. " Nous travaillons avec un partenaire logistique, Ares, premier groupe d'insertion en Île-de-France et nous reversons de l'argent à des associations. Nous y parvenons parce que la marge réalisée sur les livres est suffisante ", confie-t-il.

Au-delà des résultats à court terme, David Lorrain parie surtout sur sa vision à long terme : " Nous raisonnons en termes de bénéfices et non de coûts. De nombreuses études prouvent d'ailleurs que les entreprises les plus résilientes traversent mieux les crises, or nous évoluons dans un monde où les crises se multiplient ". Une question de survie.

David Lorrain n'est pas le seul actionnaire de la société, ses investisseurs (Investir & Plus) mettent la question d'un double ROI sur la table, financier et sur l'impact. " Ces investisseurs ne suivent que les entreprises disposant d'un business model solide et respectueux de l'environnement ", précise-t-il. Tout l'art consiste à trouver le juste équilibre entre exigence économique et exigence écologique et à piloter la gestion en conséquence. " Il faut rester aligné sur les valeurs de l'entreprise ", glisse David Lorrain. Pour le reste, RecycLive continue d'innover.

RecycLivre
Vente et collecte de livres
Paris (9e)
David Lorrain, 47 ans, président
SAS > Création en 2008
32 salariés
CA 2020 : 9 M€

Autre effet du business vertueux, l'impact... sur les RH. " L'engagement d'une entreprise lui donne des arguments pour attirer des talents, qui se détournent des groupes peinant à engager une raison d'être suivie d'effets " , observe Clément Reyne. Dans les grandes écoles, " les étudiants dressent des black-list des entreprises qu'ils jugent non responsables. En cinq ans, ils sont passés des paroles aux actes et se sentiraient dévalorisés de rejoindre une entité sans démarche forte " , rapporte Jean-Noël Felli.

Les dirigeants de PME en croissance ne se contentent pas de choisir leur bataille, ils savent donc s'entourer. Sans hésiter néanmoins, précise Jean Moreau, " à changer d'équipe car les talents diffèrent selon les étapes de développement de l'entreprise " . Le Mouvement Impact France recommande à ses membres de s'appuyer sur quatre piliers : l'impact social (diversité, inclusion, etc.), environnemental, le partage des pouvoirs et celui des richesses. Dans l'idéal, l'entreprise doit s'orienter vers un mode de management plus horizontal, pas toujours facile à maintenir en phase d'hypercroissance.

" Cet engagement doit mobiliser les dirigeants, il faut savoir résister aux forces externes, parfois à des conseils " , souffle Jean Moreau. Le modèle se construit chemin faisant. Le partage des richesses questionne. " C'est là où nous avons le plus de travail, car beaucoup d'entre nous s'inscrivent encore dans un schéma traditionnel " , admet-il. Le rééquilibrage des pouvoirs entre capital, management et salariés s'invite dans le débat. Surtout, " il faut aligner les actionnaires " , glisse Emery Jacquillat. Néanmoins, estime-t-il, " les PME les choisissent, leurs actionnaires " , ce qui devrait leur faciliter la tâche.

Choisir son objectif

Reste que les externalités n'apparaissent pas encore dans les résultats financiers des PME. D'où l'importance des audits, des certifications et autres labels, attestant de la véracité de la démarche auprès de ses partenaires. Pour dépasser la communication de bonnes intentions, " il faut apporter des preuves " , avance Max-Hervé Dujardin, associé fondateur du cabinet Bartle, conseil en transformation, certifié B-corp et référencé par B-Lab Europe dans le cadre de l'initiative B-corp Way.Cette dernière, lancée en septembre dernier, a pour objectif d'accompagner les entreprises candidates à la certification à intégrer la communauté B-corp.

Aux États-Unis, le label B-corp a été fondé en 2006 afin d'offrir des garanties aux parties prenantes, aux consommateurs, aux collaborateurs. " L'audit B-corp, qui valide une évaluation basée sur les 17 ODD (objectifs de développement durable) de l'ONU, apparaît comme un formidable outil de crédibilité ", note-t-il. Preuve à l'appui : " D'ailleurs, la croissance de notre cabinet - une PME de 140 collaborateurs - de l'ordre de +30 à +40 % par an depuis trois ans, illustre bien l'accélération de la dynamique ainsi créée ", argumente encore Max-Hervé Dujardin. En France, parmi les 88 sociétés à mission, 13 sont labellisées B-corp selon le Baromètre des sociétés à mission (janvier 2021), ce qui montre la complémentarité des deux démarches.

D'autres labels existent : Agriculture biologique, Commerce équitable, Lucie (label RSE français à l'approche alignée sur l'Iso 26000), etc. À chaque PME de choisir le(s) sien(s), suivant son secteur d'activité et ses objectifs, l'essentiel étant d'être évaluée par un tiers. Enfin, pour piloter la mission, certaines entreprises n'hésitent pas à créer un poste dédié : "chief mission officer" ou directeur mission et impact. La Maif a ainsi nommé Franck Carnero en 2019 afin de superviser la mise en oeuvre de la mission, instruire les priorités stratégiques à moyen et long termes, coordonner la feuille de route, etc.

Bâtir un capitalisme responsable privilégiant le local, le durable, la qualité et maintenir l'emploi devraient donc mobiliser toutes les entreprises. Car c'est " l'entreprise qui modèle le monde ", prétend Emery Jacquillat. Les déboires d'Emmanuel Faber, évincé de la direction de Danone pour cause de résultats financiers décevants à court terme, sont venus mettre à mal une telle ambition.

(1) Coauteur , avec Patrick Lenain , de "L"entreprise vraiment responsable", Vuibert, 2021.

(2) "Les nouvelles attentes des Français envers les entreprises", enquête Elabe pour l'Institut de l'entreprise (23 septembre 2020).

Témoignage

" Une croissance annuelle moyenne de 40 % depuis quatre ans "

Amandine Aubert, présidente d'EcoGreenEnergy

Expert en décarbonation industrielle, fournisseur alternatif de chaleur verte à partir du recyclage de chaleur fatale, EcoGreenEnergy accompagne les industriels dans la décarbonation de leur site par la réduction et la maîtrise de leurs énergies, dans un souci de compétitivité industrielle et d'impact environnemental. " Nous enregistrons une croissance annuelle moyenne de 40 % depuis quatre ans avec une production 2020 quasi identique à celle de 2019, malgré les fortes contraintes liées à la crise sanitaire qui ont rendu plus complexe l'intervention sur les sites industriels ", témoigne la présidente, Amandine Aubert.

Forte d'une équipe passée de 20 à 50 collaborateurs en trois ans, regroupant 12 expertises différentes, EcoGreenEnergy projette de recruter plus de 100 collaborateurs dans les quatre prochaines années.

Concrètement, après un audit énergétique ciblé, EcoGreenEnergy conçoit, finance et implémente une infrastructure offrant des MWh thermiques de chaleur verte qu'elle vend au compteur. L'industriel achète ainsi la chaleur décarbonnée à un prix compétitif. Moult fois distinguée, Amandine Aubert a reçu le Trophée Femme Chef d'Entreprise 2019 lors de la finale nationale des territoires de la 5e édition des Trophées des Femmes de l'Économie. Elle figure également au palmarès Women Equity'' 2020. Elle estime que le succès vient " du sur-mesure " : " Nous livrons à nos clients, dont certains grands groupes, une solution qui s'intègre à leur fonctionnement et à leurs process industriels. " Aujourd'hui, tout l'enjeu est d'accélérer pour faire face à une concurrence de poids qui arrive en force.

EcoGreenEnergy
Expert en décarbonation industrielle
Strasbourg (Bas-Rhin)
Amandine Aubert, présidente, 42 ans
SAS > Création en 2008
> 50 collaborateurs
CA 2020 : 21 M€

Témoignage

" Le contrôle reste le meilleur moyen de garder le cap "

Thibault Lamarque, président de Castalie

A l'occasion de la Journée mondiale de l'Eau, le 22 mars, Castalie et la fondation Made Blue ont dévoilé un programme de mécénat de plus d'un million d'euros pour donner accès à l'eau potable à des milliers d'écoliers en Ethiopie. Une manière pour la PME de s'engager à grande échelle en rejoignant le programme Wash at schools de l'ONG Amref Health Africa.

Castalie a décidé de mettre fin à la prolifération de la bouteille en plastique, en la remplaçant par des fontaines à eau, éco-conçues et connectées au réseau local pour distribuer l'eau dans les entreprises, cafés, hôtels, restaurants. Son ambition ? Révolutionner le secteur en filtrant l'eau du réseau du client et en tirer des avantages économiques, écologiques et pratiques.

Après avoir levé près de 30 millions d'euros - dont 20 millions entre avril et septembre 2020 -, Castalie mise sur une croissance lui permettant de doubler sa taille chaque année. " La limite, ce sera quand les bouteilles plastiques seront éradiquées ", affirme Thibault Lamarque, son président qui recrute en attendant des commerciaux, des marketers et s'apprête à lancer de nouveaux produits... Résilience, cohérence et engagement, telle est la règle de trois du dirigeant.

Castalie est devenue une entreprise de l'économie sociale et solidaire (ESS) en 2018 et a reçu l'agrément Entreprise solidaire d'utilité sociale'' (Esus) en 2019. " Ne pas perdre le contrôle reste le meilleur moyen de garder le cap, assure Thibault Lamarque. Il faut veiller à la cohérence entre investisseurs et actionnariat historique. " Aujourd'hui, l'urgence autour du changement de modèle est telle que les investisseurs suivent.

Castalie
Fontaines à eau
Issy-Les-Moulineaux (Hauts-de-Seine)
Thibault Lamarque, président, 42 ans
SAS > Création en 2011 > 100 collaborateurs
CA 2020 NC

 
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