[Tribune] Surveillance des salariés : ce qu'il ne faut pas faire
Le droit au respect de la vie privée est une notion difficile à cerner dans le monde de l'entreprise. Si l'utilisation d'Internet peut être limitée, vous ne pouvez sanctionner un salarié pour le contenu personnel d'un mail ou le questionner sur sa vie personnelle. Le point sur vos obligations.
Je m'abonne"Chacun a droit au respect de sa vie privée". C'est ce que prévoit l'article 9 du Code civil. Ce principe s'applique aussi - et surtout- au monde de l'entreprise.
En effet, bien qu'il soit soumis au pouvoir de contrôle et de direction de son employeur, le salarié conserve un droit à la vie "personnelle". Vous ne pouvez prendre de mesures restrictives à l'encontre de vos collaborateurs que si elles sont nécessaires à la bonne marche de l'entreprise et proportionnées au but poursuivi. Voici ce que vous pouvez faire et ne pas faire.
Pouvez-vous poser des questions au salarié sur sa vie personnelle ?
L'article L1222-2 du Code du travail prévoit que les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, à un salarié ne peuvent avoir comme finalité que d'apprécier ses aptitudes professionnelles et doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'évaluation de ses aptitudes. Toutes les questions relatives à la vie privée du salarié sont donc de ce fait exclues.
Est-il possible de placer une caméra dans les locaux ?
La mise en place d'un système de vidéosurveillance sur le lieu de travail doit être justifiée par des nécessités de sécurité et proportionnée au but poursuivi. Les collaborateurs doivent être informés individuellement, et les représentants du personnel consultés préalablement. Par ailleurs, comme les systèmes de géolocalisation et les systèmes de collecte de données (telles que les badgeuses), ce système doit faire l'objet d'une déclaration à la CNIL.
Est-il possible de fouiner dans les affaires des salariés ?
La fouille des salariés ne peut être autorisée que de manière temporaire et si elle est justifiée par des raisons impérieuses (danger imminent dans l'entreprise). Une fouille systématique des salariés pourra être mise en oeuvre uniquement si elle est justifiée par la nature de l'activité et par des motifs de sécurité ou d'hygiène (dans les aéroports par exemple).
L'exploration du sac du salarié ne peut être effectuée par l'employeur qu'avec l'accord du salarié, en présence d'un témoin, et après avoir averti le salarié de son droit de s'y opposer.
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La fouille du casier ou de l'armoire d'un salarié ne peut être effectuée qu'en sa présence ou après l'avoir informé, et en vertu d'un motif légitime.
Qu'en est-il des mails ?
Si les mails et documents sont identifiés comme "personnels", ils ne pourront être consultés par l'employeur qu'en présence du salarié. la simple mention " mes documents " ne suffit pas par exemple à identifier un dossier comme étant personnel. La mention " personnel " indiquée sur l'ensemble du disque dur de l'ordinateur du salarié ne permet pas non plus de protéger les documents qu'il contient.
Peut-on imposer une tenue ?
Le salarié dispose en principe d'une liberté vestimentaire. Toutefois, des restrictions peuvent venir encadrer cette liberté si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir, et proportionnées au but recherché.
La loi impose de telles restrictions, que l'employeur doit donc obligatoirement faire appliquer, pour tous les postes où le respect des normes de sécurité ou d'hygiène nécessitent le port d'une tenue spéciale (casque, blouse, masque).
Par ailleurs, l'employeur peut lui même imposer un certain type de tenue (uniforme, tenue particulièrement soignée ...) lorsque ces contraintes sont justifiées au regard du poste (contact avec la clientèle notamment) et du secteur d'activité de l'employé (secteur du luxe par exemple).
Pouvez-vous sanctionner un salarié pour des faits relevant de sa vie personnelle ?
En principe, le salarié ne peut être sanctionné pour des faits commis durant sa vie personnelle. Ainsi, l'employeur ne peut sanctionner un salarié pour le contenu personnel d'un mail dont il a pris connaissance, même si ce mail n'était pas indiqué comme étant personnel. De même, le salarié ne peut être sanctionné pour des propos insultants tenus envers l'entreprise ou son supérieur sur les réseaux sociaux que s'ils sont publics, et non en accès restreint.
En revanche, un fait commis par le salarié dans le cadre de sa vie personnel pourra être sanctionné s'il constitue un manquement à ses obligations professionnelles ou si ce fait a des répercussions sur le fonctionnement de l'entreprise (notamment s'il s'agit d'un " trouble caractérisé "). Ce sera le cas du chauffeur de camion qui se fait retirer son permis suite à une conduite en état d'ivresse commise hors de ses horaires de travail, mais aussi du salarié qui livre des informations ou suit une formation chez une entreprise concurrente pendant ses jours de congés. Le salarié reste en effet, même dans le cadre de sa vie personnelle, tenu d'une obligation de loyauté envers son employeur.
L'utilisation d'internet peut-elle être limitée par l'employeur? Oui. Un filtrage des sites des sites non autorisés peut notamment être mis en place, sans que l'accord ni même l'information préalable du salarié ne soit nécessaire.
Thomas Rivoire est directeur général de LegaLife, un site d'accompagnement juridique mettant à disposition des dirigeants des TPE et PME l'ensemble des outils juridiques nécessaires à la gestion de leur entreprise.