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Michel-Édouard Leclerc: "Je fédère des entrepreneurs ayant des projets de société"

Publié par Eloïse COHEN le | Mis à jour le

Sous son impulsion, les centres Leclerc n'ont cessé de diversifier leur offre. Et s'essaient, avec les drives, à des usages inédits de consommation. Un esprit d'entreprendre et d'innovation que Michel-Édouard Leclerc impulse à tous les niveaux de son gigantesque groupe.

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Chef d'Entreprise: Si vous êtes à la tête d'un groupe de 110 000 salariés pour un chiffre d'affaires de 46?milliards d'euros, vous insistez surtout sur votre organisation en mode start-up et sur votre tissu de chefs d'entreprise indépendants. Comment parvenir à se développer en conservant l'esprit d'entreprendre et d'innover?

Michel-Édouard Leclerc: Notre dynamique tient pour beaucoup à notre organisation atypique : nous sommes une association de chefs d'entreprise autonomes fédérés autour de coopératives régionales et d'un groupement national. Ces dirigeants sont les propriétaires eux-mêmes. Pas de conflit entre le management et l'actionnariat et les décisions sont prises selon la règle : un homme, une voix. Chacun se bat donc pour sa propre société, tout en ayant conscience que c'est l'union qui fait la force. Chacun?a, dans son ADN, cette flamme d'entreprendre. À mon niveau, il ne s'agit pas de se substituer à eux, à leur initiative, mais de fédérer les projets, éventuellement les ego, d'inspirer et de défendre la marque.

Comment placer le curseur entre le bon degré d'indépendance et la nécessaire cohésion de groupe?
Je n'ai pas à leur laisser ou non de l'indépendance. Ils sont chez eux. Et ont le pouvoir! Certes, j'ai une influence liée à mon histoire, à ma propre compétence et à la popularité de mes idées, mais au final, ils sont complets décideurs. C'est bien différent d'un système de franchise où il faut souscrire au cahier des charges des franchiseurs pour bénéficier de la marque. Chez E.Leclerc, le coopérateur est copropriétaire de la marque.

"Chacun peut s'exprimer dans le mouvement"

N'avez-vous jamais eu à gérer des conflits avec certains des dirigeants des centres Leclerc?
Si, bien sûr. Il y a eu par exemple une scission entre les E.Leclerc et les futurs Intermarché. Mais concrètement, depuis dix ans, aucun adhérent n'a quitté le mouvement en conflit ou en opposition. D'abord parce que chacun peut s'exprimer dans le mouvement. Dans notre grande maison, il y a des forts en gueule, et nos assemblées peuvent être plus que vivantes. Nous nous voyons beaucoup et ça discute fort. Mais les adhérents sont pragmatiques. Quels que soient leurs talents respectifs, ils savent ce qu'ils doivent à?la force de la collectivité. Le succès d'un centre E.Leclerc passe par l'attractivité de l'enseigne tant en termes d'offre que de positionnement prix.

Quelles sont les qualités que vous recherchez chez vos directeurs de magasins?
Ce sont leurs qualités entrepreneuriales, justement. Diriger un magasin et rendre compte à un management parisien comme dans un groupe intégré ou coté en bourse, c'est déjà une prouesse. Mais diriger un magasin qui est à soi, prendre ses propres risques, investir, gérer des centaines de personnes, faire face à un concurrent plus grand exige des qualités extraordinaires de flexibilité, de détermination, d'abnégation, et bien sûr de l'ego ! Mais moi, les manifestations d'ego ne me gênent pas. Ce qui est important, c'est que les lions ne se mangent pas entre eux.


La grande distribution s'est faite complètement bousculer par la tornade digitale. Comment avez-vous réagi?
Dans la grande distribution aujourd'hui, le vecteur digital prend une place croissante. Mais s'il y a des concurrents nouveaux, tous les groupes de distribution vont s'adapter. Cdiscount appartient au groupe Casino. Tout comme la Fnac et Darty ont leur site internet. E.Leclerc est lui-même devenu le 4e opérateur français sur le digital, bien que sorti de la vieille économie. On parle beaucoup d'Amazon, mais nos concurrents sur le Net seront probablement issus des groupes et des enseignes actuelles tels que Carrefour ou Auchan. Ce qui est sûr, c'est que c'est notre avenir et Internet va complètement remodeler toute la relation client.

Comment vous préparez-vous aux évolutions futures?

Il faut rester à l'écoute du marché et adopter une posture pionnière. Souvent, on essaie de résister à une innovation, on discrédite l'initiative inédite d'un nouveau concurrent. C'est comme ça que sont morts les disquaires, et c'est dans cette posture que s'enferment actuellement les taxis. J'ai connu, dans la distribution, de telles situations. À l'ouverture du premier Carrefour, les syndicats de commerçants n'ont pas cru à l'avenir de l'hypermarché. À l'arrivée du hard discount, beaucoup d'enseignes ont refusé de revoir leurs gammes et leurs prix. Elles ont disparu. Pour durer, il faut partir du principe qu'on doit sans cesse s'adapter.


Quel a été votre plus grand échec?
Il y a déjà 25 ans, nous avons expérimenté à Bordeaux un service de livraison à domicile à partir de commandes sur Minitel. Trop tôt, mal pensé. Notamment par manque d'anticipation du coût de livraison du dernier kilomètre.
On a commencé à livrer des eaux en bouteille, du papier hygiénique et autre produits à faible marge, aux heures de grand trafic, au 7e étage sans ascenseur ! Et ce, sans savoir si les acheteurs avaient des moyens de paiement. Ça nous a coûté une fortune et nous avons arrêté au bout de six mois. Avoir eu l'idée trop tôt sans trouver de modèle économique nous a très probablement inhibés par rapport à Internet... Enfin, finalement pas tant que cela puisque nous avons été les premiers à déployer, à toute vitesse, les drives !

Au contraire, quelle est votre plus grande fierté managériale ?
Moi qui suis un universitaire, je suis vraiment très fier d'avoir accompagné des hommes et des femmes de terrain, dans toutes ces mutations aussi complexes. Rendez-vous compte, dans une même vie, ils sont sortis de la boutique familiale, ont appris à créer des supérettes, des supermarchés, des hypermarchés puis, aujourd'hui, des drives et des sites Internet. Je suis vraiment très admiratif de leur capacité d'adaptation.

J'ai inauguré, il y a deux mois, à Châlons-en-Champagne, un entrepôt entièrement automatisé qui a coûté 120?millions d'euros, dont 35 en soft, applications et engineering. Eh bien, ce bijou de technologies a été créé par d'anciens apprentis bouchers qui ont commencé à travailler, il y a 40 ans, dans les magasins de l'enseigne ! Là est ma fierté : animer un réseau plébiscité par les consommateurs, qui a su permettre à des apprentis ou des employés de devenir des entrepreneurs capables de diriger des milliers de salariés !

En novembre, une étude American Express a révélé que vous étiez le patron le plus inspirant pour les dirigeants de TPE. Que vous vaut ce titre selon vous?
Ça m'honore, mais évidemment pas question de prendre la grosse tête ! Quand j'étais petit, je voulais être missionnaire. Je ne suis pas sûr d'être resté un bon chrétien, mais je continue de croire à l'engagement, au don et au partage. Savoir que des chefs d'entreprise ou des cadres perçoivent chez moi une sorte d'emblème ou de modèle me conforte dans mes convictions.


Où en est le Plan PME mis en place par Leclerc?
Depuis trois ans, nous avons mis en place des procédures de négociations spécifiques aux PME, qui prévoient notamment des délais de paiement raccourcis et des systèmes d'arbitrage. Cette année, la crise agricole a rendu impossible de négocier sereinement des conditions d'achat. Pour autant, nous restons fidèles à nos promesses et à nos engagements. Notre enseigne entend bien représenter le principal débouché des PME françaises et des marques de terroir.

Quels conseils donneriez-vous aux dirigeants de TPE et de PME ?
Être une TPE/PME n'est pas en soi un gage de qualité. Ce?n'est pas marqué PME sur les produits, et encore moins sur les offres internet. Ce qui me semble important quand on démarre, c'est d'avoir une promesse commerciale forte. Plus que jamais, il faut exprimer sa différence par un discours de marque original. Les consommateurs sont fidèles aux marques, pas aux PME.

Michel-Édouard Leclerc en dates

1952
Naissance à Landerneau (Finistère).

1977
Entrée dans le groupement d'achats E.Leclerc.

De 1979 à 1987
Lancement des initiatives pour ouvrir les secteurs protégés à la concurrence : carburant, parapharmacie, dermo-cosmétique, culture,?etc.

1988
Élu coprésident de l'Association des Centres Distributeurs E.Leclerc aux côtés de son père.

2006
Succède à son père Édouard Leclerc à la présidence de l'ACDLec.

2016
Lance MEL Publisher.

 
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