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CBD : ruée vers le nouvel or vert

Publié par Véronique Meot le - mis à jour à
CBD : ruée vers le nouvel or vert

Les boutiques dédiées au CBD (molécule non psychotrope issue du cannabis) fleurissent un peu partout, au point que les entreprises développent des produits pour se positionner sur un marché qui pourrait s'avérer juteux. Seul bémol, la position toujours frileuse des autorités françaises.

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Quand le chef pâtissier Philippe Conticini sort - en quantité limitée - un gâteau à base de CBD à l'occasion de l'ouverture de sa nouvelle boutique dans le 3e arrondissement de Paris, en décembre 2020, il fait un tabac ! Cirrus, c'est le nom de la gourmandise, est conçue en collaboration avec FrenchFarm.ac (marque parisienne de CBD) à partir d'un produit distillé 100 % biologique, sans conservateur, ni additif. Exploitant le goût herbacé du CBD, Philippe Conticini fournit alors à ses clients de quoi se régaler et délasser leurs papilles...

Le cannabidiol (CBD), l'un des cannabinoïdes présents dans le chanvre, contient du delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), mais n'a pas d'effet psychotrope. Aussi, les produits fabriqués à base de CBD séduisent pour leurs vertus antalgiques et tranquillisantes. Produits cosmétiques, huiles, infusions, tablettes de chocolat, confiseries, boissons... les déclinaisons sont légion. C'est la tendance du moment ! Sauf que la France n'autorise pas, à ce jour, la vente du cannabidiol ni celle de ses fleurs, qu'elle considère comme des stupéfiants.

Points de vente

Depuis trois ans pourtant, le nombre de points de vente proposant des produits CBD se multiplie. Citons par exemple CBD Shop qui revendique 74 boutiques, commercialisant des fleurs de CBD, huiles, graines, produits alimentaires, etc. Des indépendants ouvrent des magasins un peu partout sur le territoire.

Les sites de e-commerce ne sont pas en reste, avec notamment les enseignes La Ferme du CBD et CBD Corner, ou encore 1001 Herbes qui se déploie en cross canal avec un peu plus d'une dizaine de boutiques et un site de vente en ligne. Et les consommateurs semblent au rendez-vous ! " Le cannabis "bien-être" (ou CBD) représente en France l'unique opportunité légale de consommation pour ceux qui ne peuvent pas participer au programme français de cannabis médical ", commente Davide Fortin, économiste, spécialiste du cannabis et chercheur à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Il a d'ailleurs dirigé une étude recueillant 1 800 réponses. " La moitié des utilisateurs recherche le produit pour ses effets relaxants et le bien-être procuré ou pour traiter les symptômes d'une maladie, détaille-t-il. Un sur trois le voit comme substitut au tabac, à d'autres médicaments et à du cannabis stupéfiant. "

Améliorer le sommeil, soulager la douleur, traiter l'anxiété, augmenter la concentration et l'énergie, soulager une migraine... tels sont les bienfaits visés par les consommateurs ayant récemment utilisé un produit à base de CBD. Parmi les répondants, 55 % ont déjà consommé du tabac, 87 % du cannabis. Deux sur trois déclarent acheter leurs produits en ligne, contre un sur cinq en point de vente spécialisé. " Il est important pour les consommateurs de pouvoir trouver une offre généreuse avec de nombreuses variétés et déclinaisons du CBD, quatre sur cinq utilisant plus d'une variété ", ajoute Davide Fortin. Ce qui laisse entrevoir de belles opportunités. " Le marché enregistre une croissance de 30 % par an qui devrait encore s'accélérer, parie Joseph Saada, cofondateur de Cap chanvre, dispositif d'accompagnement aux porteurs de projets, proposé par le réseau d'affaires ISC Europe (Institut supérieur du cannabis). Mais il s'agit d'un marché nouveau, qui se développe dans un contexte réglementaire difficile et qui souffre d'un déficit d'image. "

Flou juridique

Il semble, en effet, manquer en France un cadre légal approprié. Le 25 mai 2021, par une dépêche AFP, le cabinet du Premier ministre a annoncé que la France s'apprêtait à autoriser les produits finis contenant des extraits de chanvre (comme les huiles ou les cosmétiques), mais pas la vente des fleurs et fleurs séchées. Ce texte devait être publié un mois plus tard, pour clarifier le sort des boutiques de vente de produits à base de CBD.

Quelques jours plus tard, le 15 juin 2021, la Cour de cassation a invalidé la fermeture décidée par les autorités en 2018 d'un point de vente de CBD, The Pot Company à Dijon. Cette décision ne devrait avoir qu'une portée limitée, la Cour devant prendre un arrêt à portée générale sur la commercialisation du CBD le 23 juin dans une autre affaire. Nombreux sont les dossiers juridiques qui placent le cannabidiol sous les feux de l'actualité. Un des plus retentissant a abouti, le 19 novembre 2020, à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui a jugé illégale la position de la France.

Saisie suite à la condamnation en première instance de deux entrepreneurs marseillais commercialisant une cigarette électronique à base de CBD, la CJUE a estimé dans l'arrêt Kanavape (du nom de la cigarette électronique) que " la juridiction nationale doit apprécier les données scientifiques disponibles afin de s'assurer que le risque réel allégué pour la santé publique n'apparaît pas comme étant fondé sur des considérations purement hypothétiques ". En outre, alors qu'il était reproché aux entrepreneurs d'importer une huile CBD produite en République tchèque, la CJUE a invoqué " la libre circulation des marchandises " dès lors que le CBD en cause ne peut pas être considéré comme un stupéfiant, et que l'interdiction de sa commercialisation était contraire au droit européen. De leurs côtés, les députés se sont emparés du sujet et ont planché pendant de longs mois. Après deux rapports, le premier sur le cannabis thérapeutique (novembre 2020) et le second sur le chanvre bien-être (février 2021), la mission d'information sur la réglementation et l'impact des différents usages du cannabis a présenté le dernier volet de son travail, concernant le cannabis récréatif, pour au final recommander la voie de la légalisation régulée et la fin du " tout répressif ".

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Un produit, quatre déclinaisons

O'Cool, boisson relaxante

Les Sources de Pestrin se lancent dans la boisson bio à l'eau minérale gazeuse Ventadour et au CBD venu des cultures biologiques de l'Oregon, aux États-Unis. Distribuée en boutique bio, en GMS et sur le site ventadour.fr, la marque communique sur les effets relaxant de ses boissons, déclinées en deux saveurs hibiscus ou myrtille. Le complexe CBD est présent à hauteur de 40 mg par canette.

Divie, infusions au CBD 100 % français

La maison Divie, marque d'huiles bio de CBD 100 % français, fondée par Alexandre Perez, début 2021, a commercialisé au printemps deux infusions parfumées. L'une conjugue CBD et rooibos, l'autre CBD, gingembre et citron. Le positionnement haut de gamme de la marque s'illustre par un packaging particulièrement soigné, des écrins rouge et noir, signés par le directeur artistique Germain Chauveau et par des campagnes marketing très ciblées.

Taimani, du cannabidiol pour les animaux de compagnie

Avec ses différentes huiles pour chiens et chats, adaptées suivant la taille et le poids, Taimani cherche à faire connaître les bienfaits du CBD pour les animaux et ambitionne de devenir le leader français du secteur. Les produits, naturels et fabriqués en France, promettent d'améliorer l'équilibre et le bien-être de nos compagnons à quatre pattes.

Mindology pour réguler le bien-être mental

Start-up créée par Léa Philippot et Agathe Lecocq, Mindology propose des huiles à base de CBD pour lutter contre l'anxiété. Les deux fondatrices ont fait appel à une campagne de crowdfunding via Ulule pour récolter des fonds et développer de nouveaux produits. Depuis le début de leur aventure, elles s'attachent à cocréer des produits avec une communauté d'ambassadeurs.


Modèle français

Alors, la France en profitera-t-elle pour s'extraire d'une situation ubuesque ? Pas sûr. " Le marché est dynamique, mais nous sommes confrontés à un flou juridique qui freine un développement serein, nous appelons de nos voeux une filière encadrée. D'ailleurs, la CJUE nous a d'ores et déjà donné raison avec l'arrêt Kanavape ", rappelle Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre (SPC).

En l'absence de clarification, les plus audacieux se lancent dans l'aventure et affûtent leurs armes. " Loin de vouloir banaliser le cannabis récréatif, notre objectif est de développer le chanvre, plante qui pousse sous nos latitudes ", martèle Aurélien Delecroix. Le président du SPC, également entrepreneur, dirige Green Leaf Company, qui élabore et distribue des produits issus du chanvre (alimentation courante, compléments alimentaires et cosmétiques) sous la marque Hello Yoja, des produits vendus en ligne et présents dans les boutiques bio, d'alimentation sportive. " Nous sommes bien implantés dans 350 magasins bio, chez CBD Shop, en GMS et 300 Monoprix ont ouvert leurs portes à nos infusions, ce qui montre l'efficience du produit et qu'il sera très difficile d'enrayer le mouvement ", se félicite-t-il.

Même constat à l'ISC. " Le marché offre de belles opportunités, mais il est mouvant, attention aux pièges ", met en garde Joseph Saada. Avec Cap chanvre, l'ISC entend accompagner les porteurs de projets, agriculteurs ou urbains en reconversion, pour proposer un modèle français de cannabinoïdes issus du chanvre. " Cap chanvre permettra à la filière française de rattraper son retard sur ses voisins européens et d'avoir une production française de qualité supérieure, ancrée dans le terroir et des pratiques écologiques et durables " assure Joseph Saada. L'idée étant de trouver, dit-il, " une troisième voie, à la française, qui conjuguerait qualité et inscription dans les territoires, située entre un modèle permissif sans qualité assurée et un modèle aseptisé, très contraignant." Cap chanvre prévoit du coaching, un guide personnalisé à la préparation des terres à la récolte, un service d'assistance juridique. L'ensemble organisé sous la houlette de quelques experts du secteur, comme Jouany Chatoux, agriculteur et fondateur de La Ferme bio de Pigerolles basée dans la Creuse, terre du cannabis thérapeutique, ou encore Sébastien Béguerie, CEO d'Alphat-cat, société spécialisée dans le cannabis médical. En parallèle, l'ISC propose deux programmes de formation à la cannabiculture et à la production de cannabis thérapeutique, ouvrant d'autres perspectives...

Témoignage

" CBD Corner enregistre une croissance de 200 % par an ", Igor Tatarnikov, gérant de CBD Corner

" Plateforme e-commerce de distribution de CBD, CBD Corner enregistre une croissance de 200 % par an ", selon son dirigeant Igor Tatarnikov. L'enseigne s'engage à ne commercialiser qu'un CBD certifié 100 % bio et de fabrication française. " Nous n'importons aucun produit, nous avons un accord avec un fournisseur qui détient une licence de chanvrier et nous transformons cette matière première en produits finis grâce à des chimistes qui ont développé une formule spécifique ", assure-t-il.

L'enseigne a décidé d'ouvrir une boutique physique à Paris pour servir sa stratégie marketing et " répondre aux besoins d'une clientèle senior ", confie Igor Tatarnikov. Car aujourd'hui, malgré l'essor remarquable de l'activité, l'un des freins encore tenace provient du besoin de réassurance des consommateurs. " La partie la plus complexe à gérer est l'assistance téléphonique, car l'achat de CBD nécessite un accompagnement. Environ sept personnes sur dix nous appellent avant de passer commande, un score totalement inédit dans le secteur du e-commerce et qui requiert l'emploi de deux salariés à plein temps ", précise-t-il. Le SAV aide également à répondre aux questions éventuelles ou à adapter la posologie.

CBD Corner envisage de se développer en franchise. " Des candidats nous ont contactés, mais dans notre secteur, nous n'avons pas droit à l'erreur. Nous devons donc nous montrer très rigoureux dans la sélection des franchisés, car le moindre faux pas serait fatal ", explique Igor Tatarnikov. Une cinquantaine de postulants auraient ainsi été refusés. L'objectif de l'enseigne est de s'implanter en franchise dans les principales métropoles (Marseille, Bordeaux...) et de mettre un pied à l'international en ouvrant notamment un point de vente en propre à Londres afin de gagner en visibilité.

CBD Corner

Site de e-commerce de CBD
Paris (2e)
Igor Tatarnikov, gérant, 30 ans
SARL > Création en 2018, 4 salariés
CA 2020 : 1,3 M€

 
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