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Prévenir le risque pénal en entreprise : la délégation de pouvoirs

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La délégation de pouvoirs permet au chef d'entreprise de transférer une partie de ses prérogatives à un subordonné et ainsi de s'exonérer de sa responsabilité pénale dans la limite du périmètre délégué. Explications.

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Des conditions strictes encadrent toutefois la validité de la délégation de pouvoirs et, dès lors, son effet exonératoire de responsabilité pénale pour le délégant.

Définition

Aux termes de la délégation de pouvoirs, le délégant se dessaisit d'une fraction de ses pouvoirs au profit du délégataire - l'un de ses subordonnés - à charge pour ce dernier d'assumer les obligations et responsabilités afférentes aux pouvoirs délégués. La délégation de pouvoirs emporte transfert de la responsabilité pénale du délégant au délégataire ; elle exonère ainsi le délégant de toute responsabilité relativement au périmètre délégué.

La délégation de pouvoirs est souvent confondue, à tort, avec la délégation de signature, qui équivaut à une procuration et n'emporte pas transfert de la responsabilité pénale du délégant. Il est vrai néanmoins qu'une délégation de pouvoirs est fréquemment accompagnée d'une délégation de signature, au titre des moyens attribués au délégataire pour assurer ses missions.

Pourquoi mettre en oeuvre des délégations de pouvoirs en entreprise ?

La mise en oeuvre de délégations de pouvoirs en entreprise permet de mieux répartir la responsabilité pénale, en tenant compte de la complexité, de la diversité des activités de l'entreprise et de la réalité opérationnelle. Il s'agit de faire peser la responsabilité pénale sur les personnes qui sont les plus à même d'assurer au quotidien le respect de la règlementation applicable dans leur domaine d'activité. En incitant à une prise de conscience des pouvoirs détenus et de la responsabilité pénale qui en découle, la délégation de pouvoirs contribue à prévenir le risque infractionnel. Soulignons également que l'absence de délégations de pouvoirs au sein d'une structure complexe, dans laquelle le chef d'entreprise n'est pas en mesure de veiller lui-même au respect de la règlementation applicable, peut être considérée comme une faute susceptible d'engager la responsabilité de ce dernier(1) .

Conditions de validité

La validité de la délégation de pouvoirs est conditionnée par plusieurs critères, posés par la jurisprudence :

  • Le délégataire doit disposer de l'autorité (pouvoir de sanction disciplinaire), de la compétence (qualification professionnelle, formation, etc.) et des moyens (techniques, financiers, humains) nécessaires pour assumer ses obligations. A ce triptyque bien connu, l'on pourrait également ajouter le critère d'indépendance, à savoir que le délégant ne doit pas s'immiscer dans l'activité du délégataire - nécessaire indépendance qui justifie que soit privée d'effet la délégation consentie, dans un même domaine, à plusieurs personnes(2).
  • La délégation doit porter sur des missions précises et dépourvues d'ambiguïté (identification claire des pouvoirs délégués, précision du périmètre géographique, etc.), critère soulignant combien la rédaction des délégations de pouvoirs doit être méticuleuse.
  • Si la jurisprudence n'impose aucun formalisme, la régularisation par écrit de la délégation de pouvoirs est fortement recommandée pour s'assurer que les parties en présence ont conscience du contenu et de la portée de la délégation de pouvoirs (notamment le transfert de responsabilité pénale qui s'opère), mais également pour démontrer l'existence de la délégation en cas de contentieux éventuel.

Limites d'application

Naturellement, toute délégation de pouvoirs ne satisfaisant pas aux critères susmentionnés est privée d'effet, de telle sorte que le délégant recouvre sa pleine responsabilité pénale. C'est notamment le cas lorsque le délégant s'immisce dans la mise en oeuvre des missions confiées au délégataire (conservation du pouvoir décisionnaire final, droit de regard sur tout engagement de dépenses, exigence d'un reporting systématique, etc.).

En outre, la délégation de pouvoirs ne produit pas d'effet exonératoire s'agissant des pouvoirs propres de direction du chef d'entreprise, à savoir les décisions que seul le chef d'entreprise est en droit de prendre : en matière de délit d'entrave, la chambre criminelle rappelle ainsi que « (...) même s'il confie à un représentant le soin de présider le comité (central) d'entreprise, le chef d'entreprise engage sa responsabilité à l'égard de cet organisme s'agissant des normes ressortissant à son pouvoir propre de direction, sans pouvoir opposer l'argumentation prise d'une délégation de pouvoirs »(3) .

Enfin et en dépit de l'existence d'une délégation de pouvoirs, le délégant demeure responsable pénalement lorsqu'il a participé personnellement à la commission de l'infraction, ou que celle-ci est consécutive à un ordre qu'il a donné.

Conclusion

La délégation de pouvoirs est devenue un outil incontournable d'organisation de l'entreprise et de prévention du risque pénal. Ses conditions de validité et l'appréciation restrictive qu'en font les juridictions pénales imposent toutefois une attention particulière dans la structuration du schéma de délégations de pouvoirs, la rédaction des délégations et leur mise en oeuvre au sein de l'entreprise.

Pour aller plus loin :

Clarisse Le Corre, membre d'Avosial est avocate au barreau de Paris, associée du cabinet AdWise. Elle accompagne les entreprises et leurs dirigeants sur l'ensemble des problématiques pénales liées à leurs activités. Outre le contentieux devant les juridictions pénales, Clarisse Le Corre a ainsi développé une expertise spécifique en matière de prévention du risque pénal en entreprise (audit du risque pénal, délégations de pouvoirs, formation et sensibilisation des dirigeants, procédures d'alerte et de conformité, enquête interne).

Fondée en 2004, AvoSial est une association composée d'avocats qui consacrent leur activité professionnelle à la représentation en justice et au conseil des employeurs dans le domaine du droit du travail et de la sécurité sociale.


[1] Cass. crim., 4 janvier 1986, n° 84-94274

[2] Cass. crim., 23 nov. 2004, n° 04-81601

[3] Cass. crim., 15 mai 2007, n° 06-84.318

 
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