Loi Sapin 2 : 6 changements pour les TPE et PME
Adoptée mardi 8 novembre 2016 par le Parlement, la loi Sapin 2 acte six mesures en faveur des entreprises. Lanceurs d'alerte, financement, qualifications, économie sociale et solidaire, délais de paiements et cession du fonds de commerce, voici ce qu'il faut retenir.
Je m'abonneDernière loi économique majeure du quinquennat, le texte portant sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique a été approuvé par 308 voix contre 171 à l'Assemblée nationale, mardi 8 novembre 2016, à l'issue d'une longue procédure législative. Débattue depuis le mois de juin dernier au Parlement, la mouture définitive du texte s'en trouve sensiblement modifiée.
Outre le renforcement de la lutte contre la corruption, la loi Sapin 2 confirme quelques mesures en faveur des entreprises de l'artisanat et du commerce. Il vise à libérer la création d'entreprise et alléger la vie des dirigeants.
"Certaines mesures vont dans le sens d'une certaine souplesse, d'autres vers plus de contraintes, observe Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CGPME. Fondamentalement, ce texte ne va pas changer la vie des entreprises".
1. Protéger les lanceurs d'alerte
Les mesures concernant les lanceurs d'alerte ne concernent pas uniquement les grandes entreprises. Le texte prévoit en effet des mesures contraignantes pour les PME de plus de cinquante salariés. Désormais, une personne qui constatera des "manquements graves" dans sa société pourra, sur la base de ce texte, en alerter sa hiérarchie, et même directement le public en cas de "danger grave et imminent". C'est-à-dire "sans contrôle a priori", analyse Jean-Eudes du Mesnil. D'où "une insécurité juridique et même politique" pour les entreprises, notamment, mais pas seulement, dans les secteurs d'activité sensibles. Auparavant, le salarié avait plutôt intérêt à être bien couvert et risquait davantage le licenciement.
Le texte prévoit également, pour ces mêmes entreprises, la mise en place d'une procédure interne spécifique pour que ces demandes puissent être traitées. "Les entreprises ont autre chose à faire qu'à mettre en place une procédure supplémentaire", estime la CGPME.
2. Faciliter le financement des PME
Afin de permettre aux PME de trouver davantage de sources de financement, les parlementaires se sont exprimés en faveur de la création d'un cadre réglementaire permettant le financement des entreprises via des prêts directs de fonds d'investissement.
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Cette opportunité d'accès aux marchés de capitaux doit encourager notamment l'investissement dans le capital des PME. Selon Bercy, le financement via les marchés de capitaux a augmenté de 10 points en termes de financement en dette des entreprises depuis neuf ans pour s'établir à 35 % aujourd'hui.
Selon le ministère de l'Économie, le dispositif vise à créer "des véhicules d'investissement adaptés au financement des infrastructures et de faciliter le financement des PME en permettant la création de fonds pouvant d'un côté investir dans le capital d'une PME et de l'autre lui prêter des fonds".
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3. Conserver les qualifications des artisans
Si le texte initial évoquait la possibilité de faire tomber certains impératifs de qualification pour les artisans - héritage de la loi Macron - toute mesure allant dans ce sens a été abandonnée dans le texte adopté à l'Assemblée. "Nous avons toujours alerté sur le fait qu'il fallait faire attention sur ce sujet, car il s'agissait d'une question de sécurité pour le consommateur, note Jean-Eudes du Mesnil. Le deuxième argument des partisans de la mesure était de dire que la qualification constituait une barrière à l'entrée pour la création d'entreprise. Or lorsque l'on regarde les chiffres de la création d'entreprise, on ne voit pas bien les barrières", complète la CGPME, satisfaite sur ce point.
Autre volet du texte, les règles du stage préalable à l'installation pour les artisans ont été assouplies. Alors que ces derniers avaient l'obligation d'en faire un avant de se mettre à leur compte, ils peuvent désormais le faire dans les trente jours suivant leur immatriculation au répertoire des métiers. "Une souplesse plutôt bienvenue", pour la CGPME, qui regrette toutefois que le texte n'aille pas plus loin. "Nous aurons voulu que ce stage soit davantage professionnalisé. Nous aurions souhaité un stage par métier".
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4. Renforcer les sanctions contre les délais de paiements
Le projet de loi augmente le plafond des amendes infligées aux mauvais payeurs, de 275 000 à 2 millions d'euros. La CGPME pointe simplement le fait que la mesure aurait pu être affinée en fonction de la taille de l'entreprise. "Il faut distinguer deux cas de figure : le cas des retards de paiement avec fraude délibérée des grands groupes et celui des PME entre elles, précise Jean-Eudes du Mesnil. Que l'amende puisse être portée à 2 millions d'euros pour les grands groupes, pourquoi pas, cela peut les impacter. En revanche, pour une PME cela peut être catastrophique, et entraîner sa fermeture, si l'amende n'est pas donnée en tenant compte de la taille de l'entreprise".
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5. Promouvoir le financement de l'économie sociale et solidaire
Les quelque 200 000 entreprises et organisations relevant du secteur de l'Économie sociale et solidaire (ESS) en France bénéficieront prochainement d'une nouvelle source de financement.
Le gouvernement et les parlementaires se sont, en effet, accordés pour permettre aux particuliers épargnants de mobiliser une partie de leur épargne contenue sur leur Livret de développement durable (LDD) - rebaptisé avec la loi, Livret de développement durable et solidaire (LDDS) - vers une entité du secteur de l'ESS. Ceci dans l'objectif d'accroître l'activité et la part d'emplois de l'ESS dans l'économie française.
Jusqu'à aujourd'hui, l'épargne disponible à travers les LDD ne permettait que de financer les PME via les banques.
Une mesure qui va permettre de financer des projets "ayant du sens", pour la CGPME, qui regrette toutefois que cela soit fait au détriment du financement d'autres projets ayant également une utilité (sur le développement durable).
6. Simplifier la cession du fonds de commerce
Les Parlementaires ont également souhaité simplifier le processus de cession de fonds de commerce en limitant la fourniture des documents comptables.
En cas de vente, le vendeur devra désormais présenter au futur acquéreur un document recensant le détail des chiffres d'affaires mensuels réalisés par l'entreprise depuis la fin du dernier exercice comptable et le mois précédant la vente. Jusqu'à aujourd'hui, le vendeur devait remettre les trois exercices précédant le moment de la vente.
D'autre part, l'acquéreur devra avoir accès, pendant trois ans, aux trois derniers livres de comptabilité, à compter de la date d'acquisition du fonds de commerce.
Si le projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture, il n'a pas terminé son parcours législatif. Le Conseil Constitutionnel a été saisi sur un certain nombre de mesures, qui devront encore être étudiées par les Sages.
Pas de changement pour les micro-entrepreneurs
Les parlementaires ont décidé d'abandonner la mesure autour du maintien du statut de micro-entrepreneur en cas de dépassement du plafond du chiffre d'affaires. Ce dispositif - qui aurait permis à un entrepreneur de garder ce statut en cas de doublement de son chiffre d'affaires - avait suscité une large polémique chez les organisations professionnelles, qui estimaient qu'elle mettrait en difficulté les petites entreprises.