Labels : véritables opportunités ? (Partie 1)
Malgré une inflation législative sur les thématiques environnementales, les dispositifs non contraignants sur ces sujets foisonnent. Cette première tribune sur les " labels " présente deux d'entre eux : la norme ISO 26000 " Responsabilité sociétale " et le label dit " Bas-Carbone ".
Je m'abonneEn matière environnementale, les deux sujets prégnants sont le changement climatique et la biodiversité comme l'attestent le nombre de réglementations ayant vu le jour depuis quelques années, tels que l'Accord de Paris de 2015, la loi biodiversité de 2016 ou encore la loi énergie climat de 2019.
Pourtant, en dépit de ce contexte marqué par la multiplication des obligations législatives, l'attractivité de dispositifs non contraignants mais valorisant certaines actions, que nous appellerons " labels ", ne se dément pas : ainsi, la norme ISO 26000 " Responsabilité sociétale " fait l'objet d'un regain d'intérêt depuis la crise sanitaire et l'Etat lui-même s'investit dans la mise en oeuvre du label dit " Bas-Carbone " depuis 2018.
Comment expliquer ce phénomène ? Faut-il considérer les labels comme de simples outils de " greenwashing " au profit des personnes qui s'y soumettent ou, au contraire, les percevoir comme des initiatives bienvenues pour assurer la conduite d'actions complémentaires pour lutter contre le changement climatique et protéger la biodiversité ?
Une approche volontariste...
Afin de répondre au mieux à ces interrogations, il paraît nécessaire de présenter deux exemples de labels, évoqués précédemment : la norme ISO 26 000 (1) et le Label Bas-Carbone (2). Ces deux dispositifs, de prime abord éloignés l'un de l'autre ont, en réalité, la même finalité, à savoir mettre en place des mécanismes pour lutter contre le changement climatique et contribuer à la protection de la biodiversité, et démontrent, s'il en était besoin, l'émergence de la soft law.
1. La norme ISO 26 000
Comme le rappelle un rapport sénatorial de juin 2020 sur la valorisation des entreprises responsables et engagées, la norme ISO 26 000 est "la norme publique la plus utilisée en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ".
Créée en 2010 par l'association française de normalisation (AFNOR), elle est le fruit d'un travail de près de 5 ans, d'environ 500 experts internationaux. Ces conditions d'élaboration en font un référentiel reflétant un consensus universel sur la mise en oeuvre de la "RSE". Ce caractère global explique pourquoi cette norme est constituée d'un ensemble de lignes directrices et non pas d'exigences précises permettant une certification et pourquoi elle est susceptible de s'appliquer à tout type d'organisations.
Elle aborde la question de la "RSE" de façon très large, en englobant, entre autres, les thématiques des droits de l'Homme, des conditions de travail, de l'environnement, de la loyauté des pratiques commerciales et du droit des consommateurs.
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La mise en oeuvre de la norme suit trois grandes étapes que sont :
(i) la réalisation d'un état des lieux pour identifier les priorités pour l'organisation ;
(ii) le déploiement (élaboration de recommandations pour déployer les priorités d'action) ;
(iii) le " rendre compte " (communication à l'égard des parties prenantes internes et externes sur les impacts des activités de l'organisation).
On notera enfin que cette norme a été déclinée au niveau sectoriel, comme par exemple pour la filière agroalimentaire, et a fait l'objet de guides opérationnels d'utilisation.
2. Le Label Bas-Carbone
Le Label Bas-Carbone est apparu en 2018. Il présente l'originalité d'être issu d'un groupe de travail impliquant les parties prenantes et de répondre à une demande de cadre règlementaire sur la compensation locale volontaire des émissions de GES.
Cette réglementation permet à des personnes qui appliquent une méthode reconnue par le Ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), pour un projet visant une réduction des émissions de GES, d'obtenir le label dit " Bas-Carbone " de la part de ce même Ministère. Le porteur de projet doit pour cela
(i) notifier au Ministère son intention de conduire un tel projet ;
(ii) constituer un " document descriptif de projet " qui comporte, notamment, une description des activités, la démonstration de l'additionnalité du projet (les réductions d'émissions n'auraient vraisemblablement pas eu lieu en l'absence de labellisation) et des informations son impact social et environnemental ;
(iii) accepter que le projet soit contrôlé par un agent du Ministère.
Une fois labellisé, le porteur de projet peut aller plus loin et acquérir, après la réalisation d'un audit, la reconnaissance officielle par le Ministère d'un nombre précis de réductions de GES.
Toute personne qui vient financer ces projets peut ensuite communiquer sur le fait qu'elle a participé financièrement à une initiative officiellement labellisée " Bas-Carbone ". Le cas échéant, elle peut aussi se prévaloir de son rôle économique clef dans ce projet labellisé qui a généré des réductions chiffrées d'émissions et les présenter comme des compensations de son empreinte carbone.
Ainsi, la démarche peut être démultipliée puisque ouverte non seulement aux porteurs de projet -qui s'astreignent volontairement à suivre une méthode spécifique pour assurer une réduction des émissions de GES (gaz à effet de serre) - mais également aux financeurs, qui souhaitent faire la preuve de leur engagement dans une démarche de diminution de leur empreinte carbone alors même qu'ils n'y sont pas contraints par la législation.
Ces deux mécanismes permettent donc de mener des actions contre le changement climatique et en faveur de la protection de la biodiversité, de manière volontaire, mais tout en se conformant à une méthodologie mise en place par un organisme (AFNOR) pour la norme ISO 26 000 et à des objectifs quantifiables dans le cadre du Label " Bas-Carbone " mis en place par le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES).
L'existence de ces deux dispositifs et l'effort de travail qu'ils ont nécessité mettent en évidence le fait que les démarches volontaires sont attractives s'agissant des questions de "RSE" et de compensation. Comment l'expliquer ? C'est la question sur laquelle nous nous pencherons dans une prochaine tribune.
Pour en savoir plus
Violaine du Pontavice est avocat depuis plus de 20 ans. Elle est responsable national du département droit de l'environnement et des sujets corruption et devoir de vigilance au sein d'EY Société d'Avocats. Elle intervient en conseil avec une équipe pluridisciplinaire auprès des entreprises pour les accompagner sur la mise en oeuvre des obligations en application des règlementations sur l'environnement, la corruption et le devoir de vigilance.
Clémence Levasseur est avocate chez EY Société d'Avocats depuis 2019. Elle intervient sur les problématiques de droit de l'environnement pour le compte de personnes publiques et privées. Elle a également acquis de l'expérience sur les questions de compensation carbone (Label " Bas-Carbone " et marchés et de quotas carbone).