COP 21 : les PME sont déjà en action !
Face à la raréfaction des ressources et à l'aggravation des gaspillages, des entrepreneurs partagent la même conviction : une planète sans déchet est possible. Dans certains cas, cela peut même rapporter gros. Passage en revue à l'occasion de la Semaine européenne de la réduction des déchets.
Je m'abonneLe 29 septembre 2015, les dirigeants du monde entier ont partagé un déjeuner particulier, au siège des Nations unies, à New York. Au menu, un repas entièrement conçu à partir de... déchets alimentaires. L'occasion, pour les chefs cuisiniers, de faire un clin d'oeil aux négociations en cours en vue de la prochaine conférence sur le changement climatique - la COP 21 -, qui se tient à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015. Si l'anecdote fait sourire, le message de fond est nettement moins cocasse. Selon des chiffres de l'ONU, 28 % des terres agricoles dans le monde servent à produire de la nourriture qui sera ensuite jetée.
Au-delà du seul gaspillage alimentaire, 3 à 4 milliards de tonnes de déchets (hors agriculture et construction) seraient produites chaque année sur la planète. En France, les déchets municipaux représenteraient 518 kilos par habitant en 2013, d'après l'Ademe. "Le problème, c'est que trois milliards de personnes veulent accéder à la classe moyenne. Si elles vivent aussi peu vertueusement que nous, ces tensions macro-économiques liées au gaspillage se déclineront à l'échelle micro-économique. Il est temps de changer de modèle économique" , estime Laurent Georgeault, chargé de mission économie circulaire au sein de l'Institut de l'économie circulaire.
Un enjeu de taille, dont les pouvoirs publics commencent à se saisir, à l'instar de la loi de transition énergétique d'août 2015, qui fixe des objectifs ambitieux en matière de prévention des déchets (soutien au réemploi, augmentation des déchets valorisés, etc.). L'optimisation du recyclage intègre, de même, l'un des neuf marchés prioritaires du plan "Industrie du futur", porté par le gouvernement. La Commission européenne doit, par ailleurs, remettre ses premières propositions sur les opportunités de l'économie circulaire, dont l'un des piliers est la revalorisation des déchets. Du programme "Zero waste" mené par la ville de San Francisco aux États généraux de l'économie circulaire du Grand Paris, plusieurs initiatives émergent également à l'échelle locale pour encourager cette dynamique.
Des opportunités économiques infinies
Nombre d'entreprises investissent elles aussi le terrain. Il faut dire que les opportunités économiques sont infinies. Rien qu'en France, seules 17,9 Mt de matériaux recyclés ont été utilisées sur les 345 Mt de déchets produites en 2012. Collecte, traitement, recyclage, réemploi... De nombreuses TPE-PME puisent dans les poubelles de précieuses ressources.
Surfant sur la vague de l'"upcycling" (recyclage vers le haut), la marque bretonne 727 Sailbags réutilise, par exemple, les voiles de bateaux usées dans la confection d'objets de décoration ou d'articles de prêt-à-porter haut de gamme. La start-up Sapoval transforme, quant à elle, les déchets graisseux industriels en savon biodégradable. Dans le BTP - qui génère chaque année 254 Mt de rebuts en France -, la société Hesus propose une solution clés en main d'excavation et de traitement des terres polluées, qui lui a valu 12 M€ de CA en 2014-2015, contre 5,2 M€ en 2011-2012. Citons aussi les collecteurs ludiques de Canibal (lire le témoignage en page 2), le projet de recyclage des eaux usées en source d'énergie d'Ennesys ou la PME Recytech, dans le Nord-Pas-de-Calais, qui se spécialise dans la valorisation des déchets riches en zinc.
Le champ inexploré de la mutualisation
Si les initiatives font florès, de nombreux freins subsistent encore pour générer des économies d'échelle d'envergure à court terme. "Les chaînes logistiques sont bien souvent très complexes et réglementées. Il est, par ailleurs, difficile, pour les entreprises, d'avoir accès à des financements et à un accompagnement dans leurs démarches d'innovation" , souligne Jocelyn Blériot, directeur exécutif de la fondation Ellen MacArthur, qui promeut l'économie circulaire.
"Les chaînes logistiques
sont bien souvent très
complexes et réglementées."
"Tout n'est pas recyclable à l'infini à un même niveau de qualité. Certains produits, en particulier dans l'électronique, le sont, par exemple, très difficilement" , souligne Cécile Désaunay, directrice d'études chez Futuribles (centre indépendant d'études et de réflexions prospectives), qui rappelle qu'il est fondamental de penser la gestion des futurs déchets dès la conception du produit.
Afin de lever ces contraintes, la mutualisation des moyens semble s'imposer comme une alternative prometteuse. C'est, notamment, l'une des ambitions du pôle de compétitivité TEAM2, basé dans le Nord-Pas-de-Calais, qui fédère environ 200 acteurs dans la région sur le marché du recyclage et de la valorisation des déchets. "Nous partons du principe qu'aider une PME sans tenir compte des contraintes de son écosystème limite les opportunités. Nous accompagnons donc une dizaine de filières pour agir d'un bout à l'autre de la chaîne" , explique Christian Traisnel, directeur du cd2e, pôle d'excellence régional sur les écoactivités qui porte TEAM2. D'autant plus que la gestion des déchets est un précieux gisement de compétitivité. La fondation Ellen MacArthur estime à plus de 630 Mds € les économies nettes en matières premières que l'industrie européenne pourrait réaliser en basculant vers l'économie circulaire.
En chiffres :
- 345 Mt de déchets produites en France en 2012
- 17,9 Mt de matériaux recyclés utilisées en 2012
- 122 100 emplois liés aux activités de gestion des déchets en 2012
- 20 Mt d'émissions de CO2 évitées grâce au recyclage en 2010
Source : Ademe, juillet 2015.
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