Histoire d'entreprise : la chute d'Alcatel
Retour sur l'ancien numéro un mondial des téléphones portable, qui a fini par disparaître après une fusion catastrophique. Connu pour ses téléphones, Alcatel a été longtemps considéré comme un fleuron de l'industrie française. Décryptage d'une chute qui a entraîné des milliers de licenciements.
Je m'abonneLe nom d'Alcatel apparaît en 1970, lorsque la Compagnie Industrielle de Téléphone fusionne avec l'ENTE, une filiale de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques. Dès 1977, l'entreprise crée le premier téléphone privé, contrôlé par une unité centrale électronique. Puis, en 1980, Alcatel lance le Minitel, l'ancêtre des ordinateurs.
En 1991, la CGE (Compagnie Générale d'Électricité) est rebaptisée Alcatel Alsthom, diversifie ses activités et s'internationalise, réalisant la majorité de sa production et de son chiffre d'affaires à l'étranger. Entre 1986 et 1993, l'entreprise a connu une croissance importante. Alcatel a doublé son chiffre d'affaires et a multiplié par sept son bénéfice, employant plus de 200 000 personnes, indique Pierre Suard sur son blog, ancien p-dg de l'entreprise.
En 1995, avec l'arrivée d'un nouveau président, Alcatel décide de recentrer ses activités sur les télécommunications, vendant ou cédant en bourse plusieurs filiales. En 1998, la société est renommée Alcatel.
Dans cet édito, Dominique Seux analysait le rachat d'Alcatel par Nokia :
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La fusion fatale d'Alcatel dans les années 2000
La fusion avec l'Américain Lucent Technologies en 2006, présentée comme un partenariat prometteur, a divisé le bénéfice du groupe par trois. Cette fusion a entraîné le déclin de l'entreprise, et la suppression de nombreux postes ainsi que des pertes financières. L'année suivante, Alcatel est contraint de mener des plans sociaux qui conduiront la société à perdre 15 % de ses employés. En 2008, le duo à la tête de l'entreprise démissionne.
Ben Verwaayen, un dirigeant hollandais prend alors la direction de l'entreprise à partir de 2008. Le dirigeant a coupé massivement les budgets d'Alcatel. Plus de 1500 ingénieurs quittent l'entreprise. Ces baisses ont impacté la capacité d'innovation et la compétitivité de la société. Alcatel a par exemple été en retard dans ses investissements technologiques sur la 4G et la fibre optique. Ainsi, le groupe a perdu sa place de leader au profit de concurrents comme Huawei.
Par ailleurs, Alcatel a été contraint d'externaliser son informatique chez Hewlett-Packard. Entre 2006 et 2012, le chiffre d'affaires d'Alcatel a baissé de près de 4 milliards d'euros et a cumulé 10 milliards d'euros de perte selon les chiffres de Capital. Avant de démissionner, Ben Verwaayen a mis en gage les 29 000 brevets d'Alcatel pour obtenir un prêt.
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Dans cette publicité de 1998, Alcatel présentait un modèle de téléphone novateur pour l'époque :
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Alcatel racheté par Nokia
Ainsi, pour survivre, Alcatel a été racheté par Nokia en 2016 pour 18 milliards de dollars. Le gouvernement français a accepté cette acquisition. Emmanuel Macron, alors ministre de l'Économie à cette période, a rencontré le p-dg de Nokia Rajeev Suri et a négocié les conditions du deal.
Depuis, Alcatel est une filiale de Nokia qui subit des suppressions de postes et qui disparaît peu à peu. En 2020 par exemple, le géant finlandais annonçait vouloir supprimer plus de 1200 emplois en France.
Le fleuron de l'industrie qu'était autrefois Alcatel a disparu de la circulation, laissant derrière lui une histoire riche. La fusion entre Alcatel et Lucent Technologie aura été fatale. En effet, entre 2006 et 2015, l'entreprise n'aura réalisé qu'un seul exercice en bénéfice, rapporte Le Monde. Pendant cette période, le groupe s'est américanisé, au dépit ses salariés français, laissés sur le carreau.
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