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Évitez les pièges de la complémentaire santé obligatoire

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Évitez les pièges de la complémentaire santé obligatoire

Au 1er janvier 2016, toutes les entreprises devront garantir une complémentaire santé à leurs salariés et la financer à 50 %. Celles qui n'ont pas anticipé doivent donc se hâter... mais pas au point de foncer dans les chausse-trapes de cette obligation plus complexe qu'il n'y paraît.

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Si vous avez devancé l'appel, vous avez bien fait. Sinon, n'attendez plus, car la deadline est fixée au 1er janvier 2016. À cette date, toutes les entreprises, des TPE aux grands groupes, devront garantir une complémentaire santé à l'ensemble de leurs salariés, en la finançant pour moitié. Une obligation nouvelle qui découle de l'Accord national interprofessionnel (ANI) sur la compétitivité et la sécurité de l'emploi, transposé dans la loi du 14 juin 2013. En clair, les retardataires se retrouveront dans l'illégalité, le législateur ayant estimé que le délai accordé aux entreprises pour s'y conformer était largement suffisant. Pourtant, selon la CGPME, près d'un quart des dirigeants de TPE ou de PME n'ont pas encore franchi le pas, pour cause de conjoncture économique difficile... ou de complexité des procédures. Si vous êtes aujourd'hui au pied du mur, lisez ce dossier. Il vous aidera à déjouer les nombreux pièges de cette obligation inédite. Et, au final, à choisir le bon contrat, le plus adapté à vos moyens et aux besoins de vos salariés.

Qui est concerné ?

À compter du 1er janvier 2016, tous vos salariés sans exception devront pouvoir bénéficier d'une complémentaire santé minimale sous la forme d'un contrat collectif. Cette mesure ne concerne que les salariés. En clair, rien ne vous oblige à cofinancer une couverture étendue aux membres de leur famille... mais rien ne vous en empêche non plus. Chaque entreprise doit impérativement financer au minimum 50 % de son montant et les salariés, qui prennent en charge le reste, sont obligés de l'accepter. En théorie du moins, car il existe quelques exceptions :

- Si le collaborateur dispose d'un contrat individuel lors de son embauche, il en est dispensé, à condition d'en faire la demande par écrit.
- Lorsqu'un salarié est déjà couvert par le régime collectif et obligatoire de son conjoint, la dispense de la complémentaire obligatoire se fait également dans les mêmes conditions.
- les salariés à temps partiel, sous certaines conditions, peuvent aussi être dispensés de cette cotisation.

Combien ça coûte ?

La concurrence entre les multiples assureurs est telle que vous trouverez des complémentaires "premier prix" qui, en ne vous coûtant que 12 € par mois, rempliront vos obligations légales. Tentant... mais risqué. Car même autour de 20 € à la charge de l'employeur, il y a de fortes chances que vos salariés se retrouvent moins bien couverts qu'avec leur contrat individuel, ce qui peut créer de fortes tensions au sein de votre structure. "Le salarié qui avait déjà un contrat individuel aura le sentiment que cette couverture le protège moins que lorsqu'il était assuré de son côté, estime Frédéric Lamy, expert-comptable et commissaire aux comptes du cabinet LGA Conseil. C'est un point très important lors de votre choix et la meilleure solution est d'opter pour une formule modulable, dans laquelle le salarié peut rajouter des options à sa charge."

Il est contre

Didier Tabuteau responsable de la chaire santé de Sciences Po

"Une fracture sociale entre les salariés et les autres"

Pour Didier Tabuteau, la généralisation de la complémentaire santé au sein des entreprises est "une avancée paradoxale". Elle sera profitable à des millions de salariés mais va dans le même temps creuser le fossé qui les sépare des autres catégories de Français, en particulier les chômeurs, les retraités et les indépendants.

"Les 20-60 ans vont sortir massivement des contrats individuels et les cotisations de ceux qui y restent vont mécaniquement augmenter, prévient-il. Or, ce sont les catégories les plus fragiles. Dans le même temps, la Sécurité Sociale pourrait être tentée de se désengager, en particulier pour les soins courants, au motif que tout le monde a aujourd'hui une complémentaire. C'est statistiquement vrai puisqu'environ 95 % des Français vont être couverts. D'autant que si on ne limite pas la prise en charge des dépassements d'honoraires, on risque de les encourager. Ce qui pose un problème évident en termes d'accès aux soins des plus fragiles. Au final, on risque de créer de nouvelles inégalités." Inégalités renforcées, selon lui, par le fait que les exonérations sociales et fiscales liées aux contrats dits responsables sont supportées par l'ensemble de la population, y compris les non-salariés.

Lisez la suite de ce dossier en page 2

La surcomplémentaire, une bonne solution ?

Si vous optez malgré tout pour un contrat collectif de base, qui assure les garanties planchers du seul "panier de soins" légal, vos salariés ont toujours la possibilité de les étoffer par un régime personnel supplémentaire appelé "surcomplémentaire". Il en sera de sa poche, mais sa protection s'en trouvera considérablement renforcée, en particulier sur les postes les plus coûteux, notamment les frais d'optique et de prothèses dentaires. Si ce n'est pas l'idéal pour votre collaborateur, celui-ci profitera tout de même des 50 % des cotisations de base financés par l'entreprise, ainsi que du tarif préférentiel associé aux contrats de groupe.

Aller au-delà de ses obligations ?

La loi vous contraint à financer la moitié de la complémentaire... au minimum. Il vous est donc tout à fait possible d'aller au-delà de cette obligation en prenant en charge un montant supérieur à 50 %, voire l'intégralité de la cotisation. Tout dépend de votre politique salariale et de nombreuses entreprises ont déjà fait ce choix, pour fidéliser leurs salariés ou attirer les talents. Vous êtes également en droit d'opérer des distinctions au sein même de vos salariés. Le plus simple est alors d'opter pour un critère cadre/non cadre ou de vous appuyer sur un seuil de rémunération calé sur les tranches utilisées pour le calcul des cotisations Agirc/Arrco. Les autres critères (classification professionnelle, niveau de responsabilité, ancienneté...) sont plus hasardeux et risquent d'être rejetés par l'Urssaf.

Qui choisit l'assureur ?

In fine, c'est vous, si vous en décidez ainsi. D'autres voies existent, comme l'accord d'entreprise (si vous avez au moins un délégué syndical dans votre société) ou l'organisation d'un référendum, à bulletins secrets, qui devra recueillir la majorité des inscrits. Mais la décision unilatérale de l'employeur (DUE) est sans aucun doute la solution la plus adaptée pour les TPE et les PME. Ce qui ne vous empêche pas, d'autre part, d'ouvrir un dialogue avec vos salariés. "C'est même fortement recommandé car, en fonction de la structure de la masse salariale, on ne choisira pas la même complémentaire, souligne Frédéric Lamy. Entre une entreprise qui compte une majorité de femmes de 25-30 ans et une autre où les salariés sont principalement des hommes, les besoins sont évidemment très différents. Il ne faut pas foncer tête baissée sur un contrat qui a l'air intéressant financièrement sans en avoir discuté en interne." Et en tout état de cause, vous devrez remettre votre DUE par écrit à tous vos salariés, assortie de la notice d'information du contrat. Et être en mesure de le prouver par une feuille d'émargement.

Elle est pour

Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME chargée des affaires sociales

"Une mesure qui améliore la productivité"

"On ne peut pas avoir comme devise "la valeur ajoutée, c'est l'homme" sans se préoccuper de la santé des salariés", lâche d'emblée Geneviève Roy. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises était signataire du volet complémentaire obligatoire de l'ANI. Elle assume toujours cette position, qu'elle ne juge pas contradictoire avec ses revendications habituelles sur l'allégement des charges pesant sur les PME. "Si l'on veut mener au sein des entreprises une vraie politique de santé et de prévention, tout le monde doit bénéficier de la même couverture des risques, afin, justement, de cerner la nature de ces derniers, argumente Geneviève Roy. Si l'on prévient par exemple les troubles musculo-squelettiques et que, parallèlement, les salariés ont un meilleur accès aux soins car mieux remboursés, on diminue le nombre d'arrêts maladie. Et on améliore la productivité."

Seul bémol, Geneviève Roy regrette que le Conseil constitutionnel ait censuré la clause de désignation d'un organisme assureur via les accords de branche. "Avoir un seul organisme par branche aurait entraîné une mutualisation des risques et la mise en place de politiques de prévention voire d'actions sociales adaptées à chaque secteur, ajoute-t-elle. Au niveau de chaque entreprise, ce sera impossible."

Lisez le témoignage d'un patron de PME en page 3

Contrat responsable ou pas ?

C'est un point essentiel, car en fonction du caractère "responsable" du contrat collectif pour lequel vous aurez opté, vous bénéficierez ou pas d'exonérations fiscales et sociales qui ne sont pas négligeables. Par responsable, on entend le fait qu'il respecte certaines obligations de prise en charge (comme l'intégralité du forfait journalier hospitalier), qu'il ne rembourse pas certaines dépenses, en particulier les franchises médicales. Un contrat responsable doit aussi limiter fortement le remboursement des dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins n'ayant pas adhéré au "contrat d'accès aux soins".

Si le contrat n'est pas considéré comme responsable, il sera soumis à une taxe de 14 % sur les conventions d'assurance, contre 7 % s'il l'est, et sera soumis à la taxe additionnelle au taux de 20,27 %, contre 13,27 %. Enfin, les cotisations de votre entreprise seront soumises à charges sociales et celles de vos salariés à l'impôt sur le revenu dans leur intégralité.

Qu'imposent les accords de branche ?

L'ANI octroyait initialement aux accords de branche une clause de désignation de l'organisme assureur. Au nom de la "liberté contractuelle", le Conseil constitutionnel a censuré voici deux ans cette disposition qui imposait un seul et même opérateur pour l'ensemble d'un secteur. Les accords de branche ne sont donc plus assortis que d'une simple recommandation. En revanche, ils imposent à toutes les entreprises du secteur des minima de couverture systématiquement plus généreux que le panier de soins prévu par la loi. Toutes les branches ne sont pas encore parvenues à signer un accord, loin s'en faut. Mais si votre secteur est concerné, attention à ne pas vous mettre hors-la-loi par manque d'information. Car tout salarié découvrant que le contrat retenu ne le protège pas à la hauteur prévue par sa convention collective sera en droit de se retourner contre vous. La plus grande vigilance s'impose donc.

Témoignage

Alain Breuer, président de la société Breuer

" C'est certainement le niveau de couverture qui primera "

Entreprise niçoise plus que centenaire, Breuer a longtemps été réputée pour ses cravates chics, avant de se lancer dans le prêt-à-porter masculin. Son style, qui conjugue le classicisme anglo-saxon et la décontraction de la Côte d'Azur, s'exporte aujourd'hui jusqu'aux États-Unis et en Asie. Fortement engagé dans cette stratégie à l'international, son président confesse avoir tardé à se pencher sur le dossier de la complémentaire santé obligatoire. "Il faut du temps pour s'imprégner de la problématique, mettre plusieurs opérateurs en concurrence et aussi négocier avec le personnel, explique Alain Breuer. Nos six cadres sont déjà couverts depuis une vingtaine d'années par une complémentaire prise en charge à 100 % et une quinzaine de nos employés avaient souscrit de leur côté un contrat collectif auprès de la mutuelle du Var. Et visiblement, ils souhaiteraient y rester. Moi, je n'ai pas de préférence et comme les écarts de prix entre les offres ne sont pas significatifs, c'est certainement le niveau de couverture qui primera. Mais je vais comparer attentivement les offres et si je trouve un meilleur rapport qualité prix, ce sera à moi de les convaincre."

Comme tout chef d'entreprise, Alain Breuer a tiqué à l'annonce de cette charge supplémentaire pour l'entreprise. Mais, tout bien pesé, il estime que "l'incidence financière n'est pas si lourde et qu'aider ceux qui n'ont pas les moyens de souscrire un contrat individuel est une bonne chose".

 
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