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L'impression 4D, nouvelle (r)évolution industrielle ?

Publié par Marion Perroud le | Mis à jour le
L'impression 4D, nouvelle (r)évolution industrielle ?

Alors que l'utilisation de l'impression 3D se démocratise à peine dans les entreprises, des chercheurs planchent déjà sur les opportunités qu'offre l'impression 4D. Le principe : fabriquer des objets capables de se transformer au fil du temps en fonction de stimulations extérieures.

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Imaginez un futur où les meubles s'assembleraient tout seuls, où l'épaisseur des murs des bâtiments évoluerait en fonction de la météo et où les voitures accidentées se répareraient elles-mêmes. Ce monde-là n'est pas tiré d'un ouvrage de science-fiction, mais issu des très sérieuses expérimentations de Skylar Tibbits, chercheur américain au Massachusetts Institute of Technology (MIT), sur l'impression 4D.

Concrètement, il ne s'agit pas d'inventer, à proprement parler, une quatrième dimension. "L'idée est d'utiliser les procédés de l'impression 3D en y intégrant des matériaux capables d'évoluer avec le temps en fonction de leur environnement", précise Mathilde Berchon, consultante et auteur de L'Impression 3D (éditions Eyrolles). Sont donc imprimés, couche après couche, des objets "intelligents" dont les matériaux sont programmés pour s'auto-assembler, se rétracter, onduler ou encore se déplacer sous l'influence de stimulations extérieures, comme des variations de température, de sons, de luminosité ou encore d'humidité.

Selon Loïck Roche, directeur de Grenoble École de management, le procédé s'apparente "à la transmission, à la matière, d'une forme d'intelligence reptilienne de l'ordre du réflexe". Depuis cinq ans, l'architecte et informaticien Skylar Tibbits mène ainsi, de concert avec le fabricant Stratasys et l'éditeur de logiciels 3D Autodesk, des recherches sur les applications potentielles de l'impression 4D. Il utilise, pour ce faire, les imprimantes 3D du fabricant israélien, en y intégrant notamment des nanotechnologies.

Objets évolutifs

"J'aimerais proposer [...] qu'on combine le monde des matériaux adaptatifs programmables à l'échelle nanotechnologique et l'environnement de la construction. Je ne parle pas simplement d'automates, de machines intelligentes qui remplacent les humains. Je parle de matériaux programmables qui se construisent eux-mêmes", expliquait Skylar Tibbits lors de la présentation de ses travaux préliminaires en février 2013. Il a ainsi dévoilé une vidéo (voir ci-dessous) montrant l'un de ses prototypes: une sorte de paille se rétractant en une structure cubique lorsqu'elle est immergée dans l'eau.

Si Skylar Tibbits est précurseur dans ce domaine, d'autres scientifiques travaillent sur cette nouvelle technologie. Une équipe de chercheurs issus des universités du Colorado et de Singapour a ainsi fabriqué un cube doté de matériaux "à mémoire de forme" capables de s'auto-assembler sur commande.

En 2013, l'armée américaine a investi 855 k$ (675 k€) dans les travaux sur l'impression 4D des universités de Harvard, de Pittsburg et de l'Illinois. La Défense américaine souhaiterait notamment orienter les recherches vers l'auto -assemblage d'armes, des textiles de camouflage évolutif ou encore des matériaux auto-réparants. De quoi ouvrir des perspectives dans bien d'autres secteurs tels que l'aérospatiale, l'automobile, l'aéronautique, le bâtiment, la robotique ou encore le médical. "Demain, cette technologie permettra peut-être de cultiver et de reproduire des tissus vivants en quasi-série", projette Loïck Roche.

Révolution industrielle

Pour les industriels, elle présenterait les mêmes atouts que la 3D, mais en mieux. Prototypage rapide, production de petites séries personnalisées, réduction du gaspillage de matières premières, meilleure gestion des stocks, disparition des coûts de montage... "En simplifiant la phase d'assemblage, l'impression 4D va optimiser la chaîne de production tout en réduisant la facture énergétique des entreprises et le coût de la main-d'oeuvre. On tend vers une remodélisation complète du monde industriel où la robotique serait poussée jusque dans ses retranchements", analyse Mathilde Berchon.

Des initiatives commerciales émergent déjà. Ainsi, le studio de design américain Nervous System travaille sur les capacités d'auto-assemblage de matériaux dans l'univers de la mode (lire l'encadré ci-dessous). "La 4D peut induire des évolutions profondes en termes de métiers et de compétences dans les usines, pressent Loïck Roche. Reste à savoir dans quelle mesure les entreprises seront capables de remettre en question leurs pratiques et de réinterroger leurs produits à l'aune de l'ensemble de leurs cycles de vie."

Applications limitées ?

Car, comme le souligne Pierre Renaud, professeur à l'INSA de Strasbourg et chercheur au Laboratoire des sciences de l'ingénieur, de l'informatique et de l'imagerie (ICube), "les imprimantes 3D multimatériaux ne sont déjà pas autant utilisées qu'elles le pourraient, notamment du fait de leur coût très élevé. Avec l'impression 4D, la difficulté ne viendra pas tant de la maîtrise des machines que de la modélisation, sur la durée, du comportement des matériaux exploités. Cette technologie n'en est qu'à ses prémisses et représente, d'après moi, une évolution parmi d'autres de l'impression 3D. "

D'autres pistes d'expérimentations sont empruntées, telles que l'impression 3D hybride, permettant à la machine d'être multitâche, de la fabrication à l'assemblage en passant par l'usinage. "On peut aussi citer les opportunités de l'impression 3D électronique, qui est en passe de produire d'un bloc un produit et son système électronique, tel que les bracelets connectés ", souligne Mathilde Berchon. Révolution ou simple évolution, la 4D et ses consoeurs semblent donc vouées, pour le moment, à un avenir tout sauf tracé d'avance.

Zoom

Quand la mode prend le pli de l'impression 4D

Créé en 2007 à Somerville, dans le Massachusetts, le studio de design Nervous System a mis au point Kinematics, son propre système d'impression 4D, pour fabriquer une collection de bijoux personnalisables dont les composants rigides s'auto-assemblent sans étape de montage préalable. Fabriqués avec des imprimantes 3D, les colliers, bracelets et boucles d'oreilles s'adaptent par ailleurs à la morphologie de la personne qui les porte. Leurs prix oscillent entre 25 et 350 dollars (19 à 274 euros). Ses fondateurs, Jessica Rosenkrantz et Jesse Louis-Rosenberg, planchent désormais sur une nouvelle application commerciale : l'impression d'une robe en un bloc, à la structure évolutive.


 
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