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Les robots seront-ils les patrons de demain?

Publié par Maëlle Becuwe le | Mis à jour le

Interactifs, émotifs, sociaux, intelligents... De plus en plus proches de l'homme, les robots, en plus de s'atteler à des tâches stratégiques pour le fonctionnement de l'entreprise, assistent les dirigeants et redessinent les contours de leur management et de leur leadership. Jusqu'à les remplacer?

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Le 8 novembre prochain, 210 millions d'Américains sont appelés à voter pour le futur président des États-Unis. Au côté d'Hillary Clinton, de Donald Trump ou de Bernie Sanders, un candidat d'un genre nouveau s'est glissé parmi les prétendants à la Maison-Blanche : Watson, le programme d'intelligence artificielle d'IBM. Sur son site "Watson for President", semblable à ceux de ses concurrents, son directeur de campagne, l'artiste et designer Aaron Siegel, à l'origine du projet, indique que "les capacités uniques de Watson pour analyser l'information et prendre des décisions éclairées et transparentes en font un candidat idéal pour endosser les responsabilités de président".

Si cette candidature est fictive, elle souhaite ouvrir de nouvelles perspectives sur le fonctionnement du gouvernement, sur la politique et sur le potentiel de l'intelligence artificielle en la matière. Mais si une machine savante peut, aujourd'hui, entrer dans la course à la présidentielle américaine, il n'y a qu'un pas pour qu'elle s'installe, demain, dans les instances gouvernantes de nos entreprises. Voire à leur tête.

Bientôt égaux aux humains?

C'est annoncé, en 2029, les robots seront égaux aux humains. Selon Ray Kurzweil, le directeur du département d'intelligence ­artificielle de Google, les machines seront alors plus intelligentes que nous, capables de comprendre ce que nous disons, d'apprendre de leurs propres expériences, d'être drôle, de raconter des histoires, de flirter, voire même de s'attribuer une conscience. La plupart de ces aspects sont d'ailleurs d'ores et déjà, ou quasiment, à la portée des robots. Nés des alliances de la mécanique, de l'électronique et de l'informatique, ils bénéficient des avancées de ces trois domaines pour améliorer, toujours plus, leurs performances.

En témoignent les dernières démonstrations de force des robots développés par Google, comme Atlas, qui a emballé la toile dans sa dernière vidéo diffusée par Boston Dynamics en février. On le voit marcher sur terrain accidenté, dans la neige, soulever des charges, et se relever lorsqu'il tombe. Mais ce sont sur les aspects cognitifs que les bonds technologiques sont les plus spectaculaires. "La recherche et les résultats en robotique et en intelligence artificielle ont abouti à des systèmes de plus en plus élaborés qui, après une première vague dans l'industrie, s'appliquent maintenant à de nouveaux domaines", s'enthousiasme Raja Chatila, directeur de l'Institut des systèmes intelligents et de robotique. Les robots ne servent plus seulement à effectuer des tâches, ils sont dotés d'une véritable intelligence relationnelle, et capables de réagir, comme les humains, émotionnellement. C'est, par exemple, le cas de Pepper, la nouvelle star d'Aldebaran. "C'est un robot interactif, qui parle le langage corporel, reconnaît les émotions et adapte son comportement en fonction de l'humeur de son interlocuteur" , commente Julien Seret, directeur des marchés professionnels de la société.

En Russie, la start-up Mivar se prévaut, elle, de développer une intelligence artificielle capable de donner naissance à des employés virtuels, des robots autonomes capables de prendre des décisions de façon indépendante. Des attributs qui les rapprocheraient, encore, des dirigeants. La société de capital-risque Deep Knowledge Ventures, basée à Hong Kong, a, pour sa part, poussé plus loin l'expérience en nommant, l'année dernière, une intelligence artificielle à son comité d'administration. Baptisé Vital, ce membre à part entière dispose d'une voix au même titre que les autres. Incorruptible, impartial, rapide, disponible à toute heure, il a pour mission de collecter, de trier et d'analyser en temps réel une quantité gigantesque de données afin d'identifier les investissements les plus ­prometteurs.

Plus opérationnels que stratèges

"Les machines savantes sont capables de processer une information bien plus importante que les humains. Un certain nombre de décisions, basées sur l'intégration de paramètres variés, peuvent donc être prises par elles. Mais le rôle d'un dirigeant ne se limite pas à cela", insiste Bruno Bonnell, président des sociétés de robotique Robopolis et Awabot, et auteur du livre Viva la Robolution !. "Les robots ne remplaceront pas les chefs d'entreprise car c'est avant tout un métier de réseau", renchérit Catherine Simon, présidente d'Innorobo. Management, recrutement, leadership sont alors autant de qualités propres aux humains sur lesquelles les robots ont encore un temps de retard qui ne sera, sans doute, jamais rattrapé.

Car si une analyse non émotionnelle des situations et une vision économique purement efficace présentent des avantages dans la gestion financière d'une société, le charisme du chef d'entreprise et ses valeurs constituent des éléments incontournables de sa gouvernance. "Le dirigeant doit être porteur de sens, là où la technologie n'est qu'un moyen", souligne Catherine Simon. Même codées pour copier les attributs de leurs modèles de chair et d'os, les machines peineront à faire vibrer leur audience, et à incarner une position de meneur.

De plus, même si l'intelligence artificielle est en mesure de synthétiser des idées existantes et de prendre, en conséquence, des décisions rationnelles et objectives, elle est incapable de mener ses propres réflexions. Et malgré la sophistication des programmes qui, associée à des processeurs de plus en plus puissants, aboutit à des subtilités d'analyse toujours plus grandes, à de la créativité, voire à une certaine émotivité, les machines demeurent démunies face aux phénomènes inédits et à une nécessaire improvisation. "Car quels que soient les progrès réalisés, c'est toujours de l'analyse, affirme Bruno Bonnell. Un humain s'autorise, lui, à sortir des critères, à préférer une solution par intuition, à faire un pari. Ça, c'est très compliqué à coder. Or, dans tout chef d'entreprise, il y a de la prise de risque, une capacité à sortir des schémas établis." Un robot à la tête d'une entreprise aboutirait donc sans doute à une société économiquement efficace, mais totalement figée et dans l'impossibilité de progresser. Et quid alors de l'innovation? Une intelligence artificielle en est-elle capable? Ou, plutôt que d'inventer la voiture, aurait-elle, à l'image de la célèbre phrase de Henry Ford, préconisé des chevaux plus rapides? L'état actuel des choses le laisse a priori présager.


Au service des humains

Depuis 18 mois, de nombreuses personnalités ont exprimé leurs craintes face aux progrès de l'intelligence artificielle. Bill Gates a ainsi confié, en janvier 2015 : "Je suis dans le camp de ceux qui s'inquiètent du ­développement d'une intelligence forte." Avant lui, Elon Musk, fondateur de Paypal, SpaceX et Tesla Motors, avait ouvert la voie en déclarant : "Dans quelques années, les progrès de l'intelligence seront tels que ça deviendra un problème." Quant à l'astrophysicien britannique Stephen Hawking, il redoute même d'y voir "la fin de l'espèce humaine". Mais face à eux, d'autres voix s'élèvent, comme celle de Mark Zuckerberg. Selon le créateur de Facebook, ces avancées s'accompagnent de ­formidables ­opportunités car "par défaut, toutes les machines que nous construisons servent les humains". Nous sommes, en effet, encore loin d'une vraie intelligence, proche de celle de l'homme. Les machines ont appris à apprendre, et c'est un progrès spectaculaire, mais elles sont loin d'apprendre à penser. Les robots de demain seront certes autonomes, mais aussi conçus pour répondre à nos demandes et nos besoins. Plus que remplacé, c'est donc vers un dirigeant augmenté que nous nous dirigeons.

Déjà, les premières applications de l'intelligence artificielle sur les aspects comptables, ou de stratégie prédictive, ont montré leur efficacité, mais d'autres missions du chef d'entreprise pourraient bientôt être redessinées. "Les robots constituent, par exemple, une alternative aux déplacements professionnels grâce à la téléprésence avec le gain de temps et de confort qui s'ensuivent", indique Catherine Simon. Télégérées à distance par l'utilisateur, ces machines, avec leur base mobile et leur écran, offrent ainsi au dirigeant un véritable don d'ubiquité. "Il ne s'agit pas ici uniquement de participer à des réunions, mais de se déplacer sur le lieu de travail pour discuter, échanger avec ses employés ou ses partenaires, en envoyant son avatar", précise Raja Chatila. C'est, par exemple, la fonction des robots Beam ­d'Awabot ou Waldo d'Immersive Robotics. Plus audacieux encore, un scientifique japonais a créé son double artificiel, baptisé Geminoid IV, qui, capable d'imiter ses expressions, pourrait même, à terme, le remplacer pour prononcer ses discours.

De nouveaux enjeux pour le dirigeant

En 2025, 20 % des tâches seront automatisées avec pour conséquence la destruction de 3 millions d'emplois. Telles sont les prédictions du cabinet Roland Berger. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, ce seraient même la moitié des postes qui seraient supprimés. Or, là où l'automatisation touchait il y a encore quelques mois principalement les métiers industriels, elle s'attaque désormais aux cols blancs. Ainsi, 3 000 robots Pepper et Nao sont déjà au service d'entreprises pour l'accueil, l'information, l'orientation des clients, le conseil produit ou les enquêtes de ­satisfaction. De même, Microsoft a annoncé au début du mois d'avril sa volonté de remplacer ses applications par des chatbots, des robots conversationnels utilisant l'intelligence artificielle pour interagir avec les humains en adoptant leurs expressions et mécanismes de langage. L'idée : commander son billet d'avion ou son repas du soir en discutant avec une machine savante plutôt qu'en cliquant avec sa souris sur un bouton. Un pari un peu fou annoncé par le géant informatique, et ce malgré les déboires qu'il a connus quelques jours plus tôt avec son profil Twitter artificiel féminin Tay, devenue, en quelques heures à peine, raciste et misogyne.

Mais si les robots s'invitent de plus en plus dans le monde de l'entreprise, cela implique aussi de nombreux changements dans le management, l'organisation et la gouvernance des dirigeants. D'abord parce que, "en remplaçant un emploi par un robot, il est de la responsabilité sociétale du chef d'entreprise d'en créer un autre par l'innovation" , souligne Catherine Simon. Supprimer les tâches répétitives ou pénibles lui permet ainsi de déplacer ses ressources vers la création de services et de produits et donc de créer un nouvel élan pour son business. Mais aussi car l'intelligence artificielle et la robotique améliorent les processus de prise de décision. "Les robots vont pouvoir détecter des situations dont les hommes n'ont pas forcément conscience en faisant apparaître des patterns répétitifs, indique Raja Chatila. Ça peut aider les dirigeants à mieux comprendre le fonctionnement de leur entreprise et donc à mieux diriger." La machine réalise alors une sorte d'audit constant, elle devient un vecteur de connaissance de ce qui se passe réellement dans l'entreprise. "Ce sont des outils d'aide à la décision extrêmement puissants, qui forcent le chef d'entreprise à changer son comportement et ses prises de décision, appuie Bruno Bonnell. Le patron qui prend des décisions basées sur sa propre expérience, sur son intuition ou par autorité, est terminé." Mais surtout, il doit désormais savoir interagir non seulement avec des humains, mais aussi avec ces machines savantes qui peupleront, demain et de plus en plus, les allées de son entreprise. Plus que les patrons de demain, les robots sont en passe de devenir, et ce sans aucun doute, les collaborateurs de demain.

 
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