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Les solutions digitales conduisent-elles à la fin des déclarations de TVA ?

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Les solutions digitales conduisent-elles à la fin des déclarations de TVA ?

Au sein de l'Union européenne, les autorités fiscales décident de recourir de plus en plus aux solutions digitales afin de récupérer les données de facturation en temps réel. Cela conduit de facto à la disparition progressive des déclarations de TVA traditionnelles.

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Les recettes fiscales représentent en moyenne 34% du PIB des pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). La TVA pèse, à elle seule, pour 20 % de ces recettes. Elle est donc un poids important dans les budgets des pays et donc un vrai cheval de bataille.

La récente étude de la Commission européenne a démontré que les États-membres constataient une perte de revenus de TVA estimé à plus de 151 milliards d'euros, soit 12% des recettes de TVA attendues. Les opérations transfrontalières pâtissent de pertes s'élèvent à 50 milliards d'euros.

C'est pourquoi, les États-membres, soucieux de préserver leurs recettes de TVA, se tournent naturellement vers des solutions digitales qui leur permettent d'accéder plus rapidement aux informations et d'ainsi lutter plus efficacement contre la fraude.

Cependant, cela représente un énorme challenge pour les entreprises, qui doivent être en capacité d'adapter leurs systèmes d'information pour répondre à ces nouvelles exigences. Et ceci est d'autant plus complexe qu'aucune harmonisation en la matière n'existe actuellement au sein de l'Union européenne.

Comment expliquer cette absence d'harmonisation ?

Initialement, mis au point par l'OCDE en 2005, le SAF-T (Standard Audit File For Tax) est un fichier d'échange de données électroniques entre les entreprises et les administrations fiscales au contenu standardisé et normé.

Au moment de son lancement, il était prévu que ce SAF-T aboutisse à un système de notification des transactions au format unique, utilisable par tous les pays européens et au-delà. Cependant, il n'a jamais rencontré le succès espéré. En effet, à ce jour, seuls 7 pays de l'Union européenne l'ont adopté tout en le formatant à leurs propres exigences internes, s'éloignant ainsi du modèle unique.

On peut citer : la France (Fichier d'Ecritures Comptables - le "FEC"), l'Autriche, le Luxembourg ou la Lituanie, qui demandent la production du fichier uniquement en cas de contrôle fiscal ; ou encore le Portugal, la Pologne et la République Tchèque qui eux imposent aux opérateurs la communication du fichier conjointement avec leur déclaration de TVA. Quant à la Norvège, elle a décidé d'introduire le SAF-T au 1er janvier 2020.

S'agit-il d'une initiative européenne ?

Ce mécanisme de transmission de données de facturation en temps réel n'est pas seulement une tendance européenne. En effet, le Brésil s'y est mis dès 2006 : entre 2010 et 2014, le système leur a permis d'augmenter de 12,46% de recettes fiscales, une aubaine pour les pouvoirs publics.

" Plus de transparence " : c'est l'esprit qui anime la sphère internationale dans sa globalité. L'OCDE, ainsi que les pays qui en font partie, ont actuellement pour seule devise la lutte contre la fraude. Il s'agit donc clairement d'une préoccupation à l'échelle mondiale.

Quelles sont les autres mesures existantes au sein de l'UE ?

  • SII : " Suministro Inmediato de Informacion " en application depuis le 1er juillet 2017 en Espagne. Ce système oblige les entreprises qui déposent les déclarations de TVA mensuelles, qu'elles soient établies ou non en Espagne, à transmettre leurs données de facturation dans les 4 jours ouvrés à partir de l'émission ou de la réception des factures. Cela sous-entend un paramétrage spécifique afin d'être en mesure de transmettre ces informations presque en temps réel à l'administration.

    Ce qui peut être particulièrement compliqué pour les sociétés étrangères, car elles ne disposent pas forcément du paramétrage ERP correspondant aux attentes de l'administration fiscale espagnole. Il ne faut toutefois pas négliger les bienfaits de l'introduction de cette mesure qui a finalement permis la suppression de certaines obligations déclaratives et donc de diminuer la charge administrative s'y référant.

  • RTIR (" Real-Time Invoice Reporting ") : la Hongrie a, à son tour, décidé d'introduire à partir du 1er Juillet 2018 son reporting de facturation en temps réel. Toute société enregistrée à la TVA en Hongrie qui émet des factures de plus de 100 000 HUF (équivalent à 320 €) à une autre société identifiée à la TVA en Hongrie doit déclarer ses données facture à l'Administration fiscale hongroise sans délai. Cette mesure est également applicable aux sociétés non établies en Hongrie mais identifiées à la TVA hongroise.

    Concrètement comment ça marche ? Les factures doivent être envoyées à l'administration fiscale immédiatement sous format XML (ce qui diffère du SII espagnol cité plus haut), une fois cette étape effectuée, une confirmation est ensuite envoyée par le fisc afin d'accuser la bonne réception de la facture. Cette mesure ne concerne que certains types de factures. En effet, sont concernées les factures de ventes locales soumises à la TVA, établies entre deux assujettis à la TVA et qui dépassent une valeur de 100 000 HUF, ainsi que toutes les notes de crédits ou de débit qui se rapportent à ces factures.
    Néanmoins, si la société le souhaite, elle peut décider de déclarer l'intégralité de ses factures, mêmes celles qui ne sont pas nécessairement concernées par la mesure. En effet, il peut parfois s'avérer plus simple d'appliquer le même traitement à l'ensemble des transactions, que de mettre en place deux systèmes de gestions différents en fonction de la typologie d'opération.

  • SdI e-invoicing : Depuis le 1er janvier 2019, l'Italie a introduit la facturation électronique obligatoire pour les opérations BtoB. Pour rappel, cette obligation était déjà en vigueur dans le secteur public depuis le 2015 pour toutes les opérations BtoG (émission, enregistrement et archivage électronique).

    Quelle en est la procédure ? La facture qui se présente sous format XML 'FatturaPA' doit être transmise via la plateforme "Exchange System" (Sistema di Interscambio). La facture est donc validée en temps réel par l'administration fiscale avant d'être transmise au client pour paiement. L'introduction de cette obligation a permis la suppression d'un certain nombre de déclarations comme par exemple le Spesometro, l'Intrastat return, ou encore la Black list. Cette mesure ne concerne pour le moment que les sociétés établies en Italie ; un vrai soulagement pour les sociétés étrangères ayant un numéro de TVA italien, du moins pour le moment.

  • MTD ("Making Tax Digital") : Le 1er avril 2019 le Royaume-Uni a introduit l'un des plus ambitieux projets en matière de digitalisation des transmissions des données fiscales. Il s'agit d'une obligation pour les entreprises inscrites à la TVA de sauvegarder et de transmettre les données de facturation, et notamment celles relatives à la TVA, de manière électronique par le biais d'un logiciel jugé compatible avec les exigences de l'administration fiscale. Le but étant d'éviter toute intervention humaine dans le processus déclaratif.

    Cette obligation concernera également les sociétés non établies au Royaume-Uni, mais uniquement à partir du 1 octobre 2019. Au travers ces différents projets, on voit clairement la difficulté et le coût que cela peut représenter pour les sociétés évoluant sur la scène internationale, de se conformer à ces multiples exigences, particulièrement éparses d'un État membre à l'autre.

Mais alors, quels avantages à tirer de ces nouvelles contraintes pour les opérateurs ?

Concernant le SAF-T : Pour les entreprises, si cela peut paraître une contrainte à court terme, c'est surtout une opportunité de gagner en sécurité fiscale non seulement lors d'un contrôle mais aussi en amont. Les entreprises qui le souhaitent pourront ainsi analyser régulièrement les données du SAF-T pour identifier des anomalies fiscales, les régulariser rapidement et éviter ainsi lors du contrôle l'application d'intérêts de retard et d'une éventuelle pénalité pour manquement délibéré. Les entreprises ont donc tout intérêt à s'engager dans ce deal gagnant - gagnant avec les administrations qui les contrôlent.

Concernant les autres initiatives : Ce qui est certain c'est que la disparition des déclarations fera gagner du temps et de l'argent aux opérateurs puisque la charge administrative sera moindre. Cependant, ils devront désormais parfaitement maitriser l'ensemble du processus de facturation ainsi que le traitement de TVA, puisque les autorités fiscales auront, par le biais de ces mesures, un accès direct et immédiat dans leur comptabilité.

Elles seront ainsi capables de vérifier et de calculer les montants de TVA dus de manière instantané plutôt que d'attendre le dépôt de déclarations périodiques facilement retravaillés et corrigées avant d'être soumises à l'administration fiscale, et ne reflétant pas toujours la réalité des transactions économiques de l'opérateur.

En conclusion, le mot d'ordre est simple : la transparence avant tout ; et ce n'est pas fini. Bien d'autres mesures commencent à émerger, notamment celle du "Split Payment" ("paiement fractionné de TVA") déjà en application en Italie et en Pologne et en réflexion au Royaume-Uni. A cela s'ajoute l'introduction de la facturation électronique obligatoire dans plusieurs pays européens, notamment en France - la mesure est aujourd'hui applicable uniquement aux facturations BtoG, mais elle risque d'être étendue aux transactions BtoB, selon les derniers dires du Gouvernement.

L'ère de la digitalisation est en marche et la fin de déclarations traditionnelles approche à grands pas. Les opérateurs doivent s'adapter au plus vite aux nouvelles possibilités qu'offre la technologie, d'autant plus que les administrations fiscales sont bien décidées d'en faire un levier optimum dans la lutte contre la fraude.

En savoir plus

Mojca Grobovsek est experte en TVA au sein d'Ayming. Elle accompagne depuis plus de 11 ans des entreprises sur tous les sujets liés à la TVA internationale et s'occupe des problématiques techniques liées à la territorialité et à l'optimisation des flux. Elle intervient également sur des sujets relatifs aux processus de facturation et à la mise en place d'une piste d'audit fiable. Depuis 8 ans, elle est formatrice officielle en TVA pour les Chambres de commerce de Paris Ile-de-France. Elle est également membre du conseil d'administration de l'Association internationale de TVA.

 
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