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[Dossier] French Tech : feu de paille ou vrai phénomène ?

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[Dossier] French Tech : feu de paille ou vrai phénomène ?

En France, le nombre de start-up créées ne cesse de progresser. Les investisseurs répondent présent et les levées de fonds se multiplient. Mais faut-il pour autant crier victoire ? Pas si sûr, car les passage de start-up à PME semble compliqué.

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L'effet French Tech fonctionne. C'est une certitude. Il suffit de constater l'ampleur de la délégation française lors des grands ­rendez-vous dédiés à l'innovation à l'international. Elle comptait par exemple 275 entreprises et structures exposantes (dont 233 start-up) lors du dernier CES à Las Vegas. L'initiative, pilotée au sein de l'Agence du numérique et rattachée au ministère de l'Économie, réussit à fédérer tout un écosystème. Un écosystème qui réunit, entre autres, Bpifrance, Business France, la Caisse des dépôts et consignations ou la DGE et qui favorise l'émulation.

Et pas seulement à Paris, puisque les régions ont joué des coudes pour obtenir le précieux label, ­portant à treize le nombre de métropoles French Tech, en dehors de la capitale. Est-ce pour autant un phénomène de fond ou plutôt un coup marketing ? Les deux sans doute, mais ce n'est pas le plus important.

Coup d'accélérateur

La French Tech, outil de communication, soutient les start-up et leur offre davantage de visibilité. L'État leur livre une sorte de blanc-seing au démarrage. Mais pas seulement. Avec le programme Pass French Tech lancé en 2014, les acteurs majeurs du soutien au développement des entreprises (Bpifrance, DGE, Business France, Coface, Inpi, AFPC et Afic) se mobilisent pour offrir des services premium aux pépites les plus prometteuses.

"Le Pass a été instauré pour les aider à entrer en compétition avec les meilleures entreprises de leur domaine, dans le monde entier. C'est pourquoi il ne concerne que les start-up en hyper­croissance, soit 87 cette année", rappelle Philippe Herbert, vice-président de la commission capital-­innovation à l'Association française des investisseurs pour la croissance (Afic). Les conditions d'entrée sont draconiennes : deux ans d'exercice, un CA compris entre 100 000 et 50 millions d'euros, un modèle économique à fort potentiel et une équipe dirigeante mature.

Le dispositif ne manque pas d'attraits : financement, accompagnement à l'international, visibilité, etc. Les start-up en hypercroissance courent après ce Pass comme après le Graal. Seule une poignée y accèdent chaque année. Paolin Pascot, président et cofondateur ­d'Agriconomie, site e-commerce français spécialisé dans les approvisionnements agricoles (18 M€ de VA en 2016 et 54 collaborateurs), intègre le dispositif cette année et s'en réjouit : "En décrochant le Pass, nous bénéficions d'un accès privilégié à la Coface, ce qui est primordial pour cibler l'international. Mais aussi de contacts avec de gros faiseurs comme l'Ugap, coopérative qui nous donne un accès rapide aux appels d'offres." Des coups d'accélérateur non négligeables pour cette start-up qui a pour objectif de réaliser 250 millions de CA d'ici 2021 et d'employer 150 collaborateurs.

Tilkee, éditeur de logiciels d'optimisation commerciale créé en 2013, n'y a pas encore accès, faute de croissance suffisante. "Nous postulerons en 2018", assure Sylvain Tillon, CEO et cofondateur de cette entreprise de 21 salariés. La start-up bénéficie néanmoins de l'image de la French Tech. "Mais ce n'est pas elle qui va nous permettre de passer de 20 à 80 collaborateurs, ni de conquérir l'Europe", déplore-t-il. Grâce à ces soutiens, le dirigeant de la start-up, accélérée par le programme d'Axeleo, bénéficiaire du fonds d'investissement French Tech Accélération, s'est rendu deux fois aux États-Unis... pour y découvrir qu'il n'était pas prêt à attaquer le marché américain.


Fonds disponibles

Les entreprises en croissance en France n'auraient pas de problèmes pour trouver des fonds et rester indépendantes. Depuis quelques mois, les annonces de levées de fonds en dizaine de milliers d'euros tombent chaque semaine. Preuve de la maturation du système. "Nous avons fait évoluer l'écosystème du capital-risque. Les fonds d'investissements, nombreux en France - ils sont plus de 200 - n'étaient pas assez dotés. Ils ont doublé leur taille en trois ans, ouvrant des perspectives de levées beaucoup plus significatives", affirme fièrement Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation de Bpifrance. La taille moyenne des fonds serait ainsi passée de 80 millions d'euros en 2013 à 160 millions d'euros en 2016. "Les levées de plus de 10 millions d'euros ont triplé en trois ans", ajoute-t-il.

Avec son fonds Large Venture, doté initialement de 600 millions d'euros et qui vient d'être réabondé à hauteur d'un milliard d'euros, Bpifrance est capable d'intervenir en co-investissement sur ce type de levées. Par ailleurs, au travers de son activité de fonds de fonds, Bpifrance finance des fonds de growth tels que Sofinnova ou Partech, qui investissent également des tickets supérieurs à 10 millions d'euros. "L'écosystème s'est renforcé et la France ne manque pas d'attractivité, il n'y a plus de barrières pour financer les beaux projets", confirme Thibaut Revel, partner chez Clipperton, banque d'affaires spécialisée dans l'accompagnement des entreprises en croissance. "La fintech, les places de marché de services, les RH, l'intelligence artificielle et le machine learning sont les secteurs qui attirent les investisseurs", dévoile-t il.

Famoco, spécialiste du sans-contact, a levé 11 millions d'euros pour financer son développement à l'international. "Des grands groupes comme Orange y ont participé. Ils ne sont pas leaders du tour de table, mais ils apportent de la valeur", commente Thibaut Revel.

Attirer des talents

Car les entreprises en croissance doivent faire face à deux défis : signer des contrats et recruter. Les dirigeants estiment que la pérennité de l'entreprise dépend de ses talents. Or, dans le secteur de la techno, grandir, c'est se positionner à l'international. "Aux États-Unis, les entrepreneurs français ont du mal à recruter parce que les talents sont chers", observe Laurent Ruben, dirigeant du cabinet conseil French Accelerator et fondateur de la French Tech L.A., à Los Angeles. "Tandis qu'en France un ingénieur coûte entre 30 000 et 40 000 euros en début de carrière, aux États-Unis, il faut compter le double ! Idem pour les commerciaux. Surtout, les collaborateurs sont volatils", ajoute-t il. Ce qui rend l'exercice plus complexe.

Au final, si la French Tech pousse les PME françaises et si le programme les aide à grandir, il faut en nuancer la portée. "Sur un marché mondial, le développement d'une entreprise n'est pas lié à sa territorialité. Le facteur-clé de succès, c'est l'équipe qui porte le projet et sa capacité à développer une culture globale autour d'un produit au top. Il ne faudrait pas se tromper de sujet en racontant l'histoire de la French Tech et ramener les start-up dans un périmètre restreint. L'enjeu est bien de dépasser les frontières", prévient Carlos Diaz, cofondateur de l'incubateur The Refiners implanté dans la Silicon Valley.


D'ailleurs, aussi positive soit-elle, la multiplication des labels en région s'inscrit dans une certaine dynamique mais peut ajouter à la confusion. "J'ai des clients qui ne savent plus à qui s'adresser. Pour réellement aider les entrepreneurs, il serait temps de créer de la stabilité et de réunir toutes les parties prenantes (banques, écoles, centres de R & D, financeurs, etc.) autour de la même table, ce qui n'est pas le cas", regrette Denis Barbarossa, expert-comptable, commissaire aux comptes, fondateur du cabinet Accomplys et président de l'Ifec.

L'immense force de la Silicon Valley, comme tout le monde le sait, est d'avoir localisé tous les acteurs du secteur dans un même environnement. "Sans bouder son plaisir sur la volonté de la France de soutenir l'innovation, nous manquons, dans les clusters, de rapprochements entre les start-up et les universités. Sur ce point, nous ne sommes pas bons. J'ai également des doutes quant à la capacité de nombre de conseils régionaux à disposer des niveaux d'expertise requis dans le numérique", s'inquiète Gilles Babinet, digital champion de la France auprès de la Commission européenne.

Alors, oui, "l'initiative va dans le bon sens", déclare Carlos Diaz, qui observe la French Tech depuis San Francisco. "Mais il faut aussi accepter les échecs." Une des grandes qualités de la Silicon Valley est de recycler les morts. Le secteur se nourrit de la casse. "Aux États-Unis, énormément de start-up disparaissent. Mais c'est ainsi que l'on fait de l'innovation de rupture", confirme Gilles Babinet. Pas question, pour ces experts, d'interrompre un cercle jugé ­vertueux.

En chiffres

186%, c'est la croissance moyenne enregistrée par les 66 start-up en "hypercroissance" bénéficiaires du Pass French Tech 2015-2016 (plus de la moitié ont multiplié par deux leur CA, 1 123 emplois ont été créés en 2015).
9 400 start-up recensées (dont 35 % en Ile-de-France et 65 % en région)
Source : Rapport d'activité Agence du numérique, 2017.

 
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