Carrières : accompagnons la culture de l'indépendance !

En seulement dix ans, le nombre de travailleurs indépendants a augmenté de plus de 50%, passant d'environ 3 millions à plus de 4,5 millions. Une évolution qui est loin d'être subie par les actifs, puisqu'elle s'ancre au contraire dans le développement d'une culture de l'indépendance, illustrée par un désir d'entrepreneuriat toujours plus affirmé, notamment chez les plus jeunes. Un processus désormais amplifié par l'intelligence artificielle, qui accélère les transitions vers l'entrepreneuriat. Or, ce rapport nouveau au travail implique également des carrières moins linéaires, faites de passages ou de superposition entre divers statuts. Pour tirer pleinement parti de cette nouvelle donne technologique et culturelle, il est temps d'accompagner ces carrières en conciliant liberté et stabilité.

Une transformation culturelle

Tout au long du XXè siècle, la construction de l'Etat social s'est faite à travers la généralisation d'un modèle : le salariat. Synonyme de stabilité et de protection, il a longtemps constitué la forme hégémonique du travail et un objectif pour la quasi-totalité des actifs. Si la majorité d'entre eux relèvent encore de ce statut, de nombreux signes montrent pourtant que cette époque est en train de basculer. Un basculement qui se manifeste notamment par l'essor d'une culture de l'entrepreneuriat, portée par des aspirations nouvelles : davantage de liberté, de sens et de flexibilité. Plus d'un million d'entreprises ont été créées en 2024, un record historique (+6 % par rapport à 2023), dont près de 40 % par des personnes de moins de 30 ans3. Comme en témoignent ces chiffres historiquement inédits, la transition culturelle vers l'indépendance est déjà bien installée dans le paysage économique.

Comment l'IA propulse la transition vers l'entrepreneuriat

C'est cependant à une transformation d'une tout autre ampleur qu'il faut désormais s'attendre après l'émergence de l'intelligence artificielle. Celle-ci a en effet engagé un processus qui voit toutes les barrières à l'entrepreneuriat être supprimées. Les savoir-faire techniques sont remplacés par des algorithmes mettant la création de services web à la portée de tous. Les investissements initiaux sont réduits par l'automatisation de nombreuses tâches. Il devient ainsi de plus en plus facile de se lancer et de consacrer ses journées de travail à un projet entrepreneurial personnel plutôt qu'à un emploi salarié. Peut-être ne faudrait-il d'ailleurs pas opposer ces deux modèles. La nouvelle donne culturelle et technologique amène en effet un nouveau modèle modulaire, où chacun peut en fonction de ses besoins et de ses projets être successivement ou simultanément salarié, en formation, auto-entrepreneur, en portage salarial ou encore dirigeant d'une SASU.

Des institutions financières et administratives en retard

Cette évolution culturelle en matière de parcours professionnel a été en partie encouragée par les réformes successives basées sur le principe de la flexi-sécurité ou encore par la promotion de l'auto-entrepreneuriat. Pourtant, force est de constater que la transformation institutionnelle est loin d'être terminée. L'administration, les banques, la sécurité sociale, les mutuelles et l'ensemble des institutions de protection sociale accusent encore un retard certain dans l'intégration de ces parcours modulaires. Dans une période d'inflation immobilière, la pénalisation des profils atypiques a notamment des conséquences financières de long terme puisqu'elle contraint une partie des travailleurs indépendants à rester dépendants du marché locatif, et donc à vivre une forme de précarité.

Concilier liberté et sécurité

Les débats sur le futur du travail tendent trop souvent à passer sous silence cette dimension structurante des parcours professionnels. La liberté et la souplesse offertes par l'indépendance et permises par l'IA sont bien devenues des valeurs de référence qui poussent des millions de personnes à jongler entre les statuts. Pour autant, ce modèle ne relève pas que de choix individuels et doit être soutenu institutionnellement. Plus que de simples statuts juridiques, c'est désormais une vision du travail qu'il faut ancrer dans les pratiques : celle d'un cheminement fluide et évolutif, ajusté aux aspirations de chacun. Les acteurs publics et privés qui sauront modéliser cette réalité et surtout, outiller les individus pour la vivre pleinement auront une longueur d'avance. Le futur du travail ne peut se réduire à un débat binaire entre indépendants et salariés. Il sera au contraire basé sur une évidence sociologique : le parcours professionnel est désormais une constellation.

Nicolas Fayon est le CEO et cofondateur de Jump, une entreprise fondée en 2020 qui accompagne les freelances en leur proposant un modèle de travail combinant liberté et sécurité (contrats permanents, paie, congés, avantages, etc.). Diplômé de l'EDHEC Business School, Nicolas Fayon a débuté sa carrière dans le marketing produit chez Pernod Ricard et Eaglemoss, avant d'évoluer dans l'univers du numérique. Il a cofondé plusieurs start-ups tech dont Heek, un constructeur de sites web propulsé par l'IA, et PageYourself, une solution permettant aux TPE/PME de créer des sites sociaux sur Facebook.