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Chronique d'un patron de PME ordinaire
Dix ans durant, Jean Lecourieux-Bory a créé et repris trois entreprises, pour au final, mettre la clé sous la porte en 2013. Dans la photographie, il a trouvé un exutoire. À Bourges, du 23 mai au 22 juin 2014, il expose son histoire et celle de tant d'autres petits patrons anonymes.
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Sale temps pour les entrepreneurs
C'est le quotidien banal de milliers de chefs d'entreprise qu'a voulu capturer Jean Lecourieux-Bory*. De l'euphorie de la création d'entreprise à la liquidation en passant par le surmenage, le photographe retrace à travers l'exposition " Petit patron de 2008-2013 " la face souvent cachée du métier d'entrepreneur en temps de crise. " Il existe un malaise des entrepreneurs dont on entend jamais parler. Face aux difficultés qui se cumulent (contrôle fiscal, arrêts maladies abusifs, isolement...), le chef d'entreprise dispose au final de bien peu de moyens pour se défendre ", estime Jean Lecourieux-Bory.
*Son nom d'artiste
L'oeil du vécu
La vie du chef d'entreprise, Jean Lecourieux-Bory la connaît bien. Lui-même a été dirigeant pendant plus de dix ans. Du secteur de l'optique à la chaudronnerie, il a créé successivement deux entreprises et en a repris une troisième dans la région Centre, employant jusqu'à 30 personnes. Entre-temps, la crise est passée par-là et a eu raison de sa dernière affaire, placée en cessation de paiement, début 2013. Une épreuve pour l'entrepreneur, mais aussi sa famille (représentée ci-dessus). "J'ai eu la chance d'avoir une épouse qui a énormément pris sur elle. Bien souvent, un échec entrepreneurial conduit malheureusement au divorce voire au suicide."
De l'autre côté du miroir
C'est au moment où son activité est sur le point de s'arrêter, début 2013, que Jean Lecourieux-Bory reprend la photographie, sa première passion. Il commence à concevoir des scènes en rapport avec ce qu'il vit et ce qu'il ressent. C'est notamment la raison pour laquelle, au fil des 60 clichés de l'exposition, il se met lui-même en scène. "Pour autant, le portfolio n'est pas une série d'autoportraits. Il se veut universel. 63 000 chefs d'entreprise mettent la clé sous la porte chaque année en France. C'est un sujet tabou. Les gens ont honte d'avoir échoué. Moi, ça m'a rendu dépressif. La photographie a été un réel exutoire, presque une thérapie."
Après l'échec, la solidarité
Pendant près d'un an, l'entrepreneur s'est photographié d'usine en usine. Imprimeur, fonderie, industriels... Plusieurs entreprises de la région Centre lui ont ouvert leurs portes pour qu'il réalise son travail. "Chacun a joué le jeu. Certains ont même mis à ma disposition des engins ou des collaborateurs pour m'aider à les manipuler. Le projet a été beaucoup plus fédérateur que je ne l'imaginais. La confiance que j'avais perdue, je l'ai retrouvée grâce à toutes ces personnes qui m'ont soutenu", se réjouit Jean Lecourieux-Bory. Des lieux évocateurs sublimés par le travail en noir et blanc du photographe qui renforce toute la gravité et l'intensité des clichés.
La dernière chance
S'il a toujours voulu et aimé entreprendre, Jean Lecourieux-Bory en est convaincu aujourd'hui, il ne veut plus être patron. "Même si je suis le premier à féliciter les créateurs d'entreprise, je n'ai pas du tout envie de revivre ça. Désormais, c'est dans la photographie que j'aimerais faire carrière." Avec le recul, l'ex-chef d'entreprise philosophe. "Je n'aurais jamais pu réaliser ce travail si je n'avais pas été patron. Finalement, je me dis que malgré ce que j'ai traversé, je n'ai pas été chef d'entreprise pour rien."
Un lieu d'exception
L'exposition " Petit patron 2008-2013 " prend place du 23 mai au 22 juin prochain au coeur d'un hôpital désaffecté de Bourges, sur 250 m2. Un livre portfolio est également édité pour l'occasion (disponible à la vente sur le site du photographe). " J'espère pouvoir en faire une exposition itinérante à travers toute la France ", raconte le photographe qui travaille déjà à d'autres projets, plus satiriques, mais toujours en lien avec l'actualité.
