Recherche
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Marc Simoncini : "Je suis cash et sans filtre"

Publié par Julien van der Feer le | Mis à jour le

Je m'abonne
  • Imprimer


Pourquoi est-ce si difficile de développer Sensee ?

Les raisons sont multiples. Tout d'abord, il s'agit d'un secteur médical, donc réglementé. Ensuite, le secteur est complètement verrouillé par les acteurs historiques. En France, il y a un verrier, deux fabriquant de montures, dont un vient de se faire racheter, et six ou sept de grandes chaînes de distribution. C'est la caricature absolue du marché verrouillé. Quand nous sommes arrivés, nous avons eu l'intégralité des acteurs de l'optique contre nous. Cela va des opticiens, en passant par les ophtalmologues jusqu'aux verriers.

Quelle est la solution ?

Nous sommes dans le sens de l'histoire car, oui, les lunettes sont trop chères en France. Certaines marques d'optiques proposent même de les payer en douze fois. Elles sont aussi assurées contre le vol ou la perte. Pourtant, ce n'est pas un produit de luxe, je le rappelle. C'est aberrant !

Sauf que les Français ne regardent pas vraiment le prix de leurs lunettes...

Oui, mais mon pari, c'est que les Français vont y faire attention tôt ou tard. C'est déjà un peu le cas depuis le 1er janvier 2018 car, sur les contrats de mutuelle solidaire, une paire n'est remboursée que tous les deux ans. Pour la première fois, nous allons avoir des clients qui vont faire attention. Mais c'est vrai que l'argument prix est très difficile à faire valoir sur le marché français. C'est pour cette raison que nous mettons en avant notre marque qui est jeune, moderne et dont les produits sont fabriqués en France.

Êtes-vous confiant ?

Bien sûr ! Nous ne sommes pas pressés car nous courrons un marathon, pas un sprint. Le marché est énorme et notre modèle fonctionne quand les clients veulent acheter moins cher. A contrario, tous nos concurrents vont souffrir si cela devient une tendance de fond. Nous sommes assis sur le bon arbre, celui du physigital et avec un modèle qui nous permet de vivre avec des prix de ventes deux à trois fois inférieurs.

Quel regard portez-vous sur les réformes portées par le gouvernement ?

Pour l'instant, Emmanuel Macron fait ce qu'il a dit lors de la campagne présidentielle. Concernant la loi Travail, je ne peux pas me prononcer. Je ne suis pas vraiment concerné car je ne m'occupe que de start-up. En revanche, ne pas embaucher une personne car il est trop difficile de la licencier en cas d'échec, c'était hélas vrai et très fréquent. C'est horrible à entendre, mais c'est la réalité. J'ai d'ailleurs écouté une interview de Jean-Luc Mélenchon sur le sujet qui m'a bien fait rire.


C'est-à-dire ?

Il a recruté des membres de son équipe sous le statut d'auto-entrepreneur pendant la campagne présidentielle. Un statut qu'il n'a eu de cesse de critiquer. Son explication : si son mouvement politique ne marchait pas, il n'avait pas les moyens de licencier. Et bien c'est exactement la même chose pour un dirigeant d'entreprise. Il vient de découvrir le problème du CDI. C'est bien, même s'il lui a fallu 45 ans pour y arriver.

Quel est votre rapport aux réseaux sociaux ?

J'en ai deux usages. L'un personnel, avec Facebook, qui est un peu trop envahissant, c'est vrai. Et aussi Instagram. L'autre est professionnel, avec Twitter. Je ne suis pas sûr de rester sur les réseaux sociaux toute ma vie. Mais il s'agit d'un moyen de communication direct très important en tant que chef d'entreprise.

Il faut dire que vous n'avez pas peur de donner votre avis...

C'est vrai que je n'hésite pas à parler. C'est dans ma nature. Si vous me demandez mon avis, je vous le donne, sans filtre. Je viens d'écrire un livre, Une vie choisie chez Grasset, dans lequel je raconte mon histoire, sans détours et sans storytelling.

Quand je tweete que je pense que Sapin est un con, c'est vraiment mon sentiment. Certaines personnes trouvent que je vais trop loin et que ce n'est pas le rôle d'un chef d'entreprise... Peut-être, mais je m'en fous totalement.

Avez-vous conscience d'être un modèle pour les jeunes porteurs de projet ?

De fait, peut-être. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai écrit ce livre. Je ne l'ai pas fait pour mes parents ou mes amis, mais pour tous les entrepreneurs qui veulent connaître une histoire d'entrepreneur avec ses succès et surtout ses échecs.

Tout ce que je raconte dedans est totalement vrai. Mes erreurs, mes plantages et quelques succès. Sinon, ça n'a aucun intérêt. J'incite d'ailleurs mes camarades entrepreneurs à faire de même, à raconter leur histoire.

Quelle erreur vous a particulièrement marqué ?

J'en ai fait tellement... Quand j'ai commencé dans le secteur du Minitel en 1985, il fallait acheter des serveurs et cela coûtait une fortune, environ un million de francs pièce. En plus, il saturait très vite. Il fallait donc en acheter plein.

Mon erreur, c'est que je n'ai pas osé emprunter de l'argent aux banques pour investir, d'un coup, dans de nombreux serveurs. J'attendais d'en avoir remboursé un avant d'en acheter un autre. J'ai mis des années à constituer mon centre d'hébergement tandis que mes concurrents arrivaient tout de suite avec des plateformes de cent cinquante serveurs. Je n'ai pas compris qu'il fallait utiliser le capital et la dette et prendre des risques dès le départ.

Comment l'expliquez-vous ?

Je viens d'un milieu où la notion de risque n'existe pas. Nous n'avions pas grand-chose donc nous ne pouvions pas nous permettre de prendre des risques. C'était culturel. Et c'est pour cette raison que ma première boîte n'a pas décollé. C'est d'autant plus dommage qu'à cette époque le business était porteur et ma structure aurait pu devenir plus grande.

La crainte d'ouvrir son capital n'est-elle pas très répandue ?

Oui, c'est traumatisant d'ouvrir son capital. Mais c'est nécessaire. Ce qui est très frappant, c'est que les gens s'attachent aux pourcentages. En clair, quand ils font entrer un actionnaire, leur première réaction consiste à dire : "je n'aurais plus que 25 %, 33 % ou 48% des parts de l'entreprise". C'est un raisonnement idiot.

Même avec 48 % de parts, ils auront plus d'argent à la sortie que ce qu'ils peuvent en avoir avec 100 % ! Une personne m'a dit un jour : "Monsieur, on n'achète pas son pain en pourcent". Cette phrase est géniale. Il ne faut jamais compter en pourcent, mais en argent.

Bio

1963 : naissance à Marseille.
1985 : création de Communication Télématique Bourgogne, entreprise de services pour Minitel.
1996 : création de IFrance, hébergeur gratuit de pages web personnelles.
2002 : création de Meetic, site de rencontres sur Internet.
2010 : création du fonds d'investissement Jaïna Capital.
2011 : lancement du site d'optique Sensee.
2015 : développement de Reborn Production, spécialisé dans la production de pièces de théâtre et de films.
2016 : création d'Heroïn, fabriquant de vélos haut de gamme.

 
Je m'abonne
Julien van der Feer

Julien van der Feer

Rédacteur en chef

Directeur des rédactions de six médias BtoB (Action Co, Be a Boss, DAF Magazine, Décision Achats, Ekopo et Maison&Travaux Pro), j'écris [...]...

Voir la fiche

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Chef d'Entreprise Newsletter

Artisans Newsletter

Commerce Newsletter

Event

Event

Event

Les Podcasts de Chef d'Entreprise

Lifestyle Chef d'Entreprise

Artisans Offres Commerciales

Chef d'Entreprise Offres Commerciales

Commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

Retour haut de page