Bien démarrer son implantation aux Etats-Unis
Consommation soutenue, rayonnement mondial, innovation... Du fait de leur proximité culturelle avec la France, les Etats-Unis pourraient donner une impression de facilité aux entrepreneurs et investisseurs français. Des spécificités fiscales et légales sont pourtant à connaître avant de s'y implanter.
Je m'abonneLes Etats-Unis, ce sont quelques 330 millions d'habitants à pouvoir d'achat et à consommation élevés, un Américain consommant 1,5 à 2 fois plus par an qu'un Européen. Il s'agit aussi de la première économie mondiale. Ainsi, les Etats-Unis se positionnent comme un candidat idéal et évident pour booster l'activité d'une entreprise. En effet, y développer un marché peut être gage d'une croissance mondiale facilitée et les nombreux exemples de réussite sur le territoire américain encouragent les entrepreneurs ambitieux à se positionner sur celui-ci. Sa superficie et son fonctionnement en 50 Etats sont cependant à prendre en compte : malgré la langue nationale, la monnaie et la législation fédérale communes, il est impératif d'encadrer clairement un plan d'investissement, une reprise d'entreprise ou son implantation aux Etats-Unis.
Aides et visa : les premières étapes
Avant toute chose, il est essentiel de produire un business plan structuré, sur lequel figurent de manière claire et détaillée le modèle économique du projet (rentabilité), une étude de marché complète en fonction du secteur américain visé (il peut différer en fonction des Etats), les besoins de financement, la stratégie retenue, ainsi qu'une partie prévisionnelle pour témoigner du réalisme du projet.
Ce business plan en main, le modèle économique et la partie prévisionnelle seront des éléments clés sur lesquels s'appuyer pour prétendre aux différentes aides disponibles, notamment auprès de Bpifrance. Cette dernière propose en effet un prêt Croissance internationale de 7 ans avec un différé de 2 ans, pour financier sur le moyen-long terme les besoins de fonds de roulement des entreprises à l'export, mais aussi des solutions de financement sur le court terme, avec l'offre Avance + Export.
Bpifrance propose également une assurance-prospection spécifique à l'international qui permet un soutien financier et une assurance contre la perte subie en cas d'échec commercial. Dans le cadre du Plan de Relance, les entreprises françaises peuvent bénéficier du Chèque Relance Export, qui prévoit la prise en charge de 50 % des frais de prospection ou de prestation d'accompagnement à l'international, et ce jusqu'au 14 février 2022. Plusieurs régions françaises accompagnent également leurs TPE et PME dans leurs ambitions à l'international.
Aux Etats-Unis également, des aides sont disponibles, spécifiques par Etat, comme la gratuité des bureaux sur une courte période, la prise en charge de certaines charges... Une liste exhaustive en est impossible, celles-ci différant par Etat mais aussi par ville. Plus globalement la Small Business Administration offre des garanties de prêts aux PME dans le cadre d'achat de matériel ou de construction d'usine. L'Economic Development Administration propose des prêts à long terme à des taux préférentiels pour les projets à l'origine de créations d'emplois ; ces aides peuvent être plus complexes à obtenir pour les investisseurs ou entrepreneurs étrangers.
Une fois ces aides identifiées, voire sécurisées, un visa sera nécessaire pour rentrer sur le territoire américain, y travailler et y développer une activité. De multiples visa existent, chacun propre à la situation du demandeur : entrepreneurs et investisseurs se positionneront sur un visa E, alors qu'un visa O qualifiera une personne " à capacité extraordinaire ", comme un travailleur dans les domaines de la science, de l'art, de l'éducation du commerce... Un visa E est valable 25 mois, et un visa pour l'ouverture d'une filiale (L) 1 à 3 ans, renouvelable indéfiniment à condition que l'entreprise soit active.
La bonne structure fiscale en fonction des ambitions de l'entreprise
Après les aides et le visa, c'est sur la structure fiscale de l'entreprise qu'il convient de se concentrer. Un entrepreneur ne cherchant pas à développer un projet large, avec des investisseurs extérieurs (par exemple dans le cas de création d'une entreprise familiale), le statut LLC - en français : société à responsabilité limitée - permet une responsabilité limitée. Elle est plus flexible qu'une corporation et est affranchie d'impôt sur les bénéfices. Elle conviendra notamment dans le cas d'une entreprise avec un seul propriétaire.
Dans le cas d'une entreprise française cherchant à ouvrir une filiale sur le territoire américain, il est conseillé de créer une corporation (SA ou SAS), enregistrée dans un Etat.
Il est important d'avoir une présence quasi-physique pour exercer une activité commerciale aux Etats-Unis : le business fonctionne en réseau et les acheteurs, comme les grandes marques de distribution par exemple, seront réticents à l'idée d'échanger avec un acteur qui n'a pas de présence physique sur le territoire.
L'Etat le plus approprié à une première démarche d'implantation non-physique (pour l'e-commerce par exemple) est le Delaware : si les entreprises y sont soumises à l'imposition fédérale (21 %), celles n'étant pas implantées physiquement dans l'Etat payent uniquement en supplément une Franchise Tax de 300 dollars par an. Une entreprise similaire paierait par exemple une taxe supplémentaire de 8 à 9 % dans un autre Etat, comme celui de New York. Une corporation permet également une image de société pour les investissements bancaires et autorise des levées de fonds sur le territoire.
Si l'on se positionne sur le rachat d'un groupe ou d'une entreprise américaine, la période de Due Diligence, qui démarre après la signature d'une " Letter of Intent ", dépend de la taille de la structure rachetée, mais dure en général 3 à 4 semaines. Il convient de se faire accompagner d'un avocat et d'un expert-comptable pour réaliser un audit de l'état financier et des contrats (voire des litiges !) en cours. Deux éventualités sont alors possibles : l'acheteur a le choix, soit de racheter les parts de la société jusqu'à majorité - ce qui offre une possibilité de garantie de passif limitée dans le temps, une garantie réelle n'étant pas prévue dans la législation américaine.
L'acheteur peut également créer une nouvelle entité et racheter les actifs de la société et les y transférer. Dans ce cas de figure spécifique, un visa ne sera pas nécessaire, l'investissement étant fait à risque, il qualifie l'acheteur pour un visa automatique d'investisseur.
Si les Etats-Unis présentent de nombreux avantages et perspectives pour tout entrepreneur ou investisseur, les spécificités propres à chaque Etat ne peuvent être ignorées, au niveau fiscal, législatif et surtout au niveau du marché et des attentes et besoin des consommateurs.
Avec l'élection cette année de Joe Biden à la présidence du pays, et avec le Plan de Relance prévu pour le rebond de l'économie face à la crise de la Covid, d'autres lois pourraient prochainement être adoptées, dont l'impact sur les entreprises étrangères seront à déterminer.
Pour en savoir plus
Aline Darmouni et Cyril Darmouni sont associés-fondateurs et gérants d'Exco US, cabinet implanté à Miami, Los Angeles, New York et Atlanta, membre du réseau Exco depuis décembre 2016. Ils ont développé un savoir-faire et une expertise dans l'accompagnement des entreprises françaises et fonds immobiliers aux Etats-Unis.